Live News

Face à la pénurie de main-d’œuvre - agriculture et sucre : le GM veut recruter 2 500 ouvriers étrangers

L’industrie sucrière et agricole fait face à une énorme pénurie de travailleurs.

Confronté à une pénurie aiguë de main-d’œuvre, le gouvernement envisage de recruter jusqu’à 2 500 travailleurs étrangers pour soutenir l’agriculture et le secteur sucrier. Une stratégie couplée à des mesures de mécanisation et d’aides financières pour tenter d’enrayer l’abandon progressif de la filière.

Publicité

L’industrie agricole traverse une crise profonde. Non seulement le nombre de travailleurs nécessaires n’y est pas, mais les salaires ont flambé avec une hausse de 60 % en quelques années seulement. Conséquence : des petits et moyens planteurs n’entrent plus dans leurs frais et préfèrent abandonner le secteur. Sans compter un vieillissement des travailleurs, des conditions de travail difficiles et une compétitivité en berne. Le secteur sucrier n’est pas épargné. 

Face à cette crise structurelle, l’heure est aux décisions fortes. La stratégie proposée par le ministère de l’Agro-industrie : l’embauche d’étrangers, complétée par des mesures de mécanisation et de soutien financier. Le gouvernement mise ainsi sur l’importation de 2 500 ouvriers étrangers pour compenser le manque criant de main-d’œuvre, notamment dans l’industrie sucrière. 

Une première vague de 1 000 travailleurs est attendue dès la récolte 2025-26. L’objectif est d’atteindre la barre de 2 500 pour le cluster sucrier. Cette main-d’œuvre pourrait être réorientée vers d’autres activités, comme les cultures ou l’élevage, durant la morte-saison. « Embaucher jusqu’à 2 500 travailleurs pour le cluster sucrier, qui seront recyclés dans d’autres activités durant la non-période de récolte, est une priorité », affirme Arvin Boolell, le ministre de l’Agro-industrie. 

Deux comités interministériels 

Cette initiative s’appuie sur une collaboration entre les ministères de l’Agro-industrie et du Travail, qui ont créé deux comités pour coordonner l’opération. « Ils travaillent de concert pour formuler une politique d’importation de main-d’œuvre étrangère et faire des recommandations incessantes au gouvernement », a indiqué Arvin Boolell. 

L’objectif est de combler l’écart entre l’offre et la demande, les grands producteurs absorbant 55 % de la main-d’œuvre disponible, tandis que les petits planteurs se partagent le reste. Cette dépendance croissante envers une main-d’œuvre étrangère suscite toutefois des débats sur les implications économiques et sociales à long terme.

La pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie sucrière mauricienne est un phénomène bien documenté. Selon les données de Statistics Mauritius, citées par Arvin Boolell dans une réponse parlementaire circulée la semaine dernière après une question du député Sandeep Prayag, 45 % de la main-d’œuvre agricole est mobilisée dans le secteur sucrier. En 2017, ils étaient 5 300 travailleurs à contribuer à produire 337 700 tonnes de sucre. Cependant, pour la récolte 2024/2025, estimée à 226 000 tonnes, seulement 2 100 ouvriers ont été mobilisés sur une force agricole totale de 4 900 personnes.

Les causes sont multiples : conditions de travail jugées peu attractives, salaires inférieurs à ceux d’autres secteurs et inflation salariale de 60 % dans le sucre, comme l’a souligné Arvin Boolell : « Cette inflation des salaires a conduit à l’abandon de la profession par de nombreux petits planteurs. » 

Cette désertion est amplifiée par la concurrence d’emplois mieux rémunérés dans des secteurs auxiliaires, rendant l’agriculture moins compétitive. Le ministre attribue également cette crise à des 
« conditions de travail difficiles » et à des « perspectives d’emploi plus séduisantes ailleurs », soulignant un défi structurel qui dépasse le cadre immédiat du secteur sucrier.

Une des conséquences directes est qu’au cours des dix dernières années, la superficie dédiée à la canne à sucre est passée de 57 000 à 36 000 hectares, entraînant une chute de la production de 400 000 à 226 000 tonnes. Cette régression, liée à l’absence de politiques foncières claires, menace la viabilité du secteur.

Efforts de mécanisation en soutien 

En complément du recrutement de travailleurs étrangers, le ministère de l’Agro-industrie mise sur la mécanisation des exploitations agricoles pour réduire la dépendance au travail manuel, en particulier pour les petits planteurs. Mauritius Cooperative Agricultural Federation Ltd joue un rôle central en fournissant des services mécanisés, notamment deux moissonneuses-batteuses opérées avec des tracteurs et des remorques. 

Ces équipements, selon Arvin Boolell, ont « un potentiel de récolte et de transport de 25 000 à 30 000 tonnes de canne pendant les prochaines saisons ». Des drones sont également testés pour les pulvérisations de « ripeners » et d’herbicides, tandis qu’un petit moissonneur de canne entière (coupeuse-péi), adapté aux champs irréguliers, est mis à disposition. 

Ces services sont subventionnés à hauteur de Rs 540 par heure, contre Rs 4 400 sur le marché commercial, une différence soulignée par Arvin Boolell : « Le taux subventionné de Rs 540 par heure pour les services mécanisés contraste avec les Rs 4 400 du marché. »

L’Agricultural Mechanical Unit, bien que sous-équipée avec une seule moissonneuse et 42 machines pour le déroctage (derocking) en décembre 2024, bénéficie d’un plan de renouvellement. Le ministre a annoncé un investissement de Rs 350 millions d’ici 2029 pour acquérir trois chenillettes, deux pneumatiques et des tracteurs, visant à « fournir des services étendus à jusqu’à 15 000 petits planteurs ». Des mini-moissonneuses adaptées aux petits champs sont également prévues, avec des accessoires spécifiques.

Soutien financier 

Le gouvernement complète ces efforts par des aides financières ciblées. Une subvention de Rs 65 000 par arpent est accordée pour la replantation, tandis que la Development Bank of Mauritius (DBM) a provisionné Rs 500 millions via le Cane Revolving Scheme. L’Irrigation Authority offre jusqu’à Rs 150 000 par planteur pour des systèmes d’irrigation goutte-à-goutte, et cinq chargeurs Bell sont subventionnés à Rs 6 000 par jour plus Rs 2 500 pour le transport. 

Arvin Boolell précise que « ces mesures visent à stabiliser les coûts croissants de production des petits planteurs ». De plus, des prêts agricoles à 2,5 % par an, jusqu’à Rs 65 000 par arpent, sont proposés par la DBM pour encourager la mécanisation.

Malgré ces initiatives, l’industrie sucrière reste vulnérable. Dans les faits, la mécanisation profite en effet davantage aux grands producteurs, tandis que les petits planteurs peinent à s’adapter. L’importation de main-d’œuvre étrangère, bien que temporairement efficace, pose des questions sur les coûts logistiques et l’intégration sociale. Arvin Boolell pointe du doigt les faiblesses passées : « Les dix dernières années ont été fatales pour l’industrie sucrière, marquées par un manque de vision et d’engagement du gouvernement. »
 

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !