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Betamax : les détails des Rs 5,55 milliards de la compensation versée par l’État

Le Red Eagle se nomme désormais Seaways Eagle.

Après des années de flou, le paiement de Rs 5,55 milliards à Betamax en 2015 est détaillé. Navin Ramgoolam fustige une « vendetta politique » du gouvernement précédent et souligne l’impact sur les finances publiques.

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Jusqu’ici, les détails exacts sur la compensation que l’État a dû verser à Betamax en termes de compensation pour résiliation de contrat de transport de produits pétroliers à Maurice en 2015 n’étaient pas connus. Mais, c’est chose du passé. Dans une réponse écrite déposée par le Bureau du Premier ministre il y a quelques jours, le chef du gouvernement, Navin Ramgoolam détaille les chiffres. Ceci fait suite à une question posée par le député de la majorité Manoj Seeburn sur les sources de financement de la compensation accordée à Betamax Ltd à la suite de la résiliation d’un contrat pétrolier en 2015.

L’indemnisation est de Rs 5 552 813 110 (Rs 5,552 milliards). Dans sa réponse, il accuse le gouvernement précédent d’avoir commis une « erreur colossale » motivée par une « vendetta politique ». Ces données ravivent un dossier judiciaire clos depuis 2021, mais aux répercussions économiques persistantes pour les finances publiques.

La question portait sur « la somme totale réclamée par Betamax Ltd pour la résiliation en 2015 du contrat d’affrètement signé en 2009 avec la State Trading Corporation (STC) pour le transport de produits pétroliers de Mangalore, en Inde, vers Maurice ».  Le député Manoj Seeburn s’est aussi intéressé aux « sources auxquelles le paiement de la compensation a été effectué ». La réponse écrite de Navin constitue un réquisitoire mesuré contre l’héritage du précédent gouvernement.

Cette question, dit-il « me donne l’opportunité d’exposer une autre erreur colossale commise par le précédent gouvernement pour des motifs de vendetta politique et ses implications sur les finances publiques », peut-on lire dans ce document parlementaire. Il rappelle que deux arrangements stratégiques avaient été négociés sous son mandat précédent (2005-2014) pour garantir l’approvisionnement en produits pétroliers : un accord gouvernement à gouvernement avec l’Inde, scellé lors d’une mission officielle auprès du Premier ministre d’alors, Manmohan Singh, et un contrat d’affrètement entre la STC et Betamax Ltd, attribué « après une procédure d’appel d’offres ». Ces mécanismes, argue-t-il, « auraient bénéficié à Maurice en termes de stabilité, de certitude et d’efficacité dans l’approvisionnement en produits pétroliers ».

La résiliation « unilatérale » de ces accords en 2015, sans égard pour les relations privilégiées avec New Delhi, a entraîné une cascade de contentieux. Betamax Ltd a réclamé un total de 115 267 199 dollars américains (environ Rs 4,8 milliards à l’époque). À la suite dee l’arrêt de la Chambre judiciaire du Conseil privé britannique du 14 juin 2021, la STC a été condamnée à verser la somme de Rs 5 552 813 110 à Betamax, répartie comme suit : Rs 4,77 milliards pour les dommages et intérêts ; Rs 176 millions pour les frais juridiques et d’arbitrage ; et Rs 599 millions pour les intérêts accumulés. Ce montant global, équivalent à près de 120 millions d’euros au taux de change de 2021, a été intégralement réglé le 22 juin 2021. Le financement, détaille précisément Navin Ramgoolam, s’est réparti en Rs 4,6 milliards prélevées sur le Consolidated Fund et Rs 952 813 110 avancées par la STC elle-même.

« Un montant aussi énorme a dû être couvert par l’argent des contribuables », note le Premier ministre. La STC, entité publique chargée des importations stratégiques, en a subi les conséquences immédiates avec un endettement massif, rendant l’entreprise « lourdement endettée » à ce jour. « La décision de résilier le contrat a été prise sans considération adéquate de ses implications légales et financières. Cela illustre à nouveau l’irresponsabilité du régime précédent et le coût pour l’économie provoquée par la vendetta politique », conclut le chef du gouvernement dans son texte, qui insiste sur le sabotage des « bénéfices attendus » par cette rupture, y compris avec la raffinerie Mangalore Refinery and Petrochemicals Ltd.

Transfert direct vers les finances de l’état

Les dommages principaux (Rs 4,77 milliards) couvrent la perte de revenus attendus sur la durée résiduelle du contrat ; les frais légaux (Rs 176 millions) incluent les coûts de l’arbitrage au Singapore International Arbitration Centre ; et les intérêts (Rs 599 millions) sanctionnent le retard dans l’exécution. Le recours au Consolidated Fund pour 83 % du montant (Rs 4,6 milliards) illustre le transfert direct vers les finances de l’État, tandis que la contribution de la STC (Rs 952 millions) a accéléré sa déconfiture. Ces éléments, extraits verbatim de la réponse, confirment que le paiement intégral, opéré huit jours après l’arrêt du 14 juin 2021, n’a laissé aucune marge de manœuvre.

Le contrat de 2009, d’une durée de 15 ans, visait à assurer un transport fiable et économique depuis l’Inde, partenaire historique. Sa résiliation, motivée par des irrégularités alléguées en matière de passation des marchés publics (violation du Public Procurement Act de 2006), a été validée par les tribunaux mauriciens en 2019, avant d’être infirmée par le Conseil privé en 2021. Ce revirement judiciaire, qui a imposé le respect de la sentence arbitrale, a forcé l’État à assumer les coûts sans recours.

Qu’est devenu le pétrolier Red Eagle ?

Le Red Eagle, construit en 2011 spécialement pour Betamax, filiale de Betonix, pour le contrat d’affrètement de produits pétroliers de Mangalore à Maurice, a changé de propriétaire fin 2018, acquis probablement par Alpina Shipping, une compagnie pakistanaise. Alors qu’il battait pavillon mauricien, le pétrolier de 228 mètres de long et 32 mètres de large navigue depuis février 2022 sous pavillon des Îles Marshall. Le navire a aussi changé de nom et porte désormais celui de Seaways Eagle. À lundi, il se trouvait au canal de Panama.

Le contexte complet de l’affaire Betamax

L’affaire Betamax oppose Betamax Ltd, une société mauricienne, à la State Trading Corporation (STC), entité publique chargée des importations de produits pétroliers. Elle porte sur un contrat d’affrètement (Contract of Affreightment, COA) signé le 27 novembre 2009 pour le transport de pétrole depuis la raffinerie de Mangalore (Inde) vers Maurice via le pétrolier Red Eagle, sur 15 ans à compter de 2010.

Chronologie factuelle :

  • 2006 : Entrée en vigueur du Public Procurement Act (PPA), imposant l’approbation du Central Procurement Board pour les contrats publics supérieurs à Rs 100 millions.
  • Janvier 2009 : Accord de principe entre la STC et Betamax (via un joint-venture avec Betonix Ltd) pour l’acquisition et l’opération d’un tanker double-coque.
  • 27 novembre 2009 : Signature du COA.
  • Décembre 2014 : Victoire électorale de la coalition MSM-PMSD d’Anerood Jugnauth.
  • 30 janvier 2015 : Suspension du contrat par le nouveau Cabinet, invoquant une violation de la PPA ; notification de résiliation à Betamax par la STC.
  • Février 2015 : Betamax initie un arbitrage au Singapore International Arbitration Centre (SIAC) pour rupture abusive.
  • 5 juin 2017 : Sentence arbitrale finale (No. 059 de 2017) : Betamax obtient 115 millions de dollars US (environ Rs 4 milliards), limités à deux ans en vertu d’une clause de commodité.
  • 31 mai 2019 : La Cour suprême de Maurice annule la sentence, déclarant le contrat « illégal et inapplicable ».
  • 14 juin 2021 : La Chambre judiciaire du Conseil privé britannique (présidée par Lord Sales) infirme la Cour suprême, rétablissant l’arbitrage.
  • 22 juin 2021 : Paiement de Rs 5 552 813 110 (dommages : 4,77 Md ; frais : 176 M ; intérêts : 599 M), financé par 4,6 Md du Consolidated Fund et 952 M de la STC.
 

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