- Un plan de privatisation accélérée sur la table
Casinos de Maurice Ltd, filiale de la State Investment Corporation (SIC), traîne un boulet financier depuis plus d’une décennie. Selon des informations déposées par le Bureau du Premier ministre Navin Ramgoolam au Parlement à la fin de la semaine dernière, l’entreprise publique a enregistré des pertes cumulées d’environ Rs 1,5 milliard sur la période 2015-2024.
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Face à cette hémorragie persistante, la State Investment Corporation (SIC), qui gère les établissements, prépare un plan de relance. Celui-ci inclut une réorganisation interne, un régime de retraite anticipée pour les employés et, surtout, un nouvel appel à propositions pour une cession rapide des actifs. Cette annonce marque un tournant dans la gestion de ces casinos, longtemps critiqués pour leur inefficacité sous contrôle étatique.
Les chiffres sont éloquents. Les pertes annuelles n’ont cessé de s’alourdir au fil des ans, reflétant une détérioration inexorable de la santé financière de l’entreprise. Pour l’exercice clos le 31 décembre 2015, elles s’élevaient à Rs 59 millions. Elles ont grimpé à Rs 75 millions en 2016, puis à Rs 133 millions en 2017. L’année 2018 a vu un léger repli à Rs 95 millions, mais la tendance haussière a repris : Rs 117 millions en 2019, Rs 173 millions en 2020 – année marquée par la pandémie de COVID-19 –, avant d’exploser à Rs 267 millions en 2021 et Rs 211 millions en 2022. Pour la période de 18 mois close au 30 juin 2024, le déficit atteint un pic de Rs 327 millions.
« Les chiffres parlent d’eux-mêmes », a déclaré le Premier ministre dans sa réponse, soulignant la gravité de la situation. « Les casinos, sous la gestion de la SIC, ont enregistré des pertes importantes année après année. Il est rare de voir une entreprise du secteur des jeux confrontée à une situation financière aussi désastreuse. » Navin Ramgoolam a pointé du doigt l’inaction du régime MSM. « Pourtant, malgré ces pertes successives sur plusieurs années, le gouvernement précédent a laissé la situation perdurer sans intervention. » Une passivité qui a, selon lui, exacerbé le problème.
Pour redresser la barre, la SIC avance sur plusieurs fronts. Le plan en préparation vise une « réorganisation des casinos ». Il y a notamment : Le grand casino du domaine (au Domaine Les Pailles), le casino du Caudan Waterfront, le Casino de Grand-Baie et le Casino de Curepipe. Cela pourrait impliquer une rationalisation des opérations, une modernisation des infrastructures et une diversification des offres – spectacles, restauration, événements corporatifs – pour attirer une clientèle plus large. Parallèlement, un « plan de retraite anticipée pour les employés existants » est à l’étude, afin de réduire la masse salariale sans licenciements massifs.
Situation intenable
Cependant, la mesure phare reste la relance d’appels d’offres, comme cela a déjà été le cas ces dernières années, mais cette fois-ci pour une « cession des casinos sur une base accélérée ». « La SIC travaille sur un plan pour remédier à l’état actuel des casinos, incluant (i) la réorganisation des casinos ; (ii) l’élaboration d’un plan de retraite anticipée pour les employés existants, et (iii) la relance d’appels d’offres pour une possible cession des casinos sur une base accélérée », a précisé Navin Ramgoolam.
Cette opération de privatisation express n’est pas sans précédent. Des tentatives avortées ont jalonné l’histoire récente des Casinos de Maurice, avec des appels à manifestation d’intérêt lancés, entre autres, en 2021 et 2023, restés lettre morte en raison d’offres insuffisantes ou de litiges syndicaux. Les employés, regroupés au sein de syndicats combatifs, craignent pour leurs 300 postes directs et les emplois induits. Un représentant syndical tempère : « Une privatisation pourrait injecter de l’air frais, mais à condition que l’acquéreur s’engage sur les conditions de travail. » Du côté du gouvernement, on insiste sur l’urgence : « L’exploitation et la gestion des casinos ne devraient pas demeurer dans le secteur public. Cette situation est intenable et s’est détériorée au cours des dix dernières années. »
Fondés en 1970 sous l’impulsion du gouvernement mauricien pour diversifier l’économie post-indépendance, les Casinos de Maurice incarnent une ambition touristique précoce. Le premier établissement, le Casino de Maurice à Curepipe, au cœur de l’île, visait à attirer une clientèle internationale aisée, dans un pays alors en pleine mutation agro-industrielle. Gérés initialement par une société anonyme, ils passent sous le giron de la SIC en 1980, pour une meilleure intégration au portefeuille public. À leur apogée dans les années 1990, ils génèrent des revenus substantiels grâce au tourisme balnéaire.
Mais les revers s’accumulent dès les années 2000. La libéralisation du secteur permet l’émergence de maisons de jeux privés, plus agiles, tandis que des scandales de blanchiment d’argent ternissent l’image du jeu. En 2008, une restructuration injecte Rs 200 millions pour moderniser les lieux, sans inverser la courbe. Les pertes chroniques culminent en 2015 avec un déficit total de Rs 591 millions, forçant la SIC à un sauvetage financier. Depuis, la privatisation agite le gouvernement.
Évolution des pertes annuelles des Casinos de Maurice (en millions de roupies)
| Période | Pertes (millions de roupies) |
|---|---|
| 2015 | 59 |
| 2016 | 75 |
| 2017 | 133 |
| 2018 | 95 |
| 2019 | 117 |
| 2020 | 173 |
| 2021 | 267 |
| 2022 | 211 |
| 18 mois au 30 juin 2024 | 327 |
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