Interview

Éric Ng: « Le GM doit d’abord résoudre ses crises internes »

L’économiste Éric Ng aborde non seulement le rapport du Pay Research Bureau, mais également la situation économique en général. [blockquote]« Je suis pour un rapport tous les cinq ans. Quand le rapport du PRB est publié sur une courte période, la Fonction publique se retrouve en permanence dans un mode de négociations salariales. »[/blockquote] Le rapport du Pay Research Bureau (PRB) pour les quelque 85 000 fonctionnaires et employés des corps parapublics coûtera Rs 3 milliards par an à l’État. Cette somme est-elle justifiée ? La somme est raisonnable. Le rapport du PRB de 2016 intervient trois ans après le dernier et non cinq ans, comme c’était le cas jusqu’ici. Ce qui fait que le quantum de la hausse salariale sera inférieur à celui obtenu dans le passé. Il faut préciser que ces Rs 3 milliards incluent la compensation salariale octroyée ces trois dernières années. Comme la hausse salariale est modérée, l’impact inflationniste sera assez négligeable. Le PRB doit-il publier son rapport tous les trois ans ou tous les cinq ans ? Je suis pour un rapport tous les cinq ans. Quand le rapport du PRB est publié sur une courte période, la Fonction publique se retrouve en permanence dans un mode de négociations salariales. Dans le cas présent, les négociations ont duré deux ans. Entre-temps, il y avait des enjeux plus importants nécessitant notre attention. Puis, sur une période de cinq ans, l’impact de la hausse salariale est mieux amorti. Enfin, sur cinq ans, on peut faire une meilleure évaluation de l’état réel de l’économie. Une hausse salariale dans la fourchette de 6,5 % à 10,4 % va-t-elle réellement réduire l’écart entre le Top Management et ceux au plus bas de l’échelle ? Le ratio entre le salaire le plus élevé et le moins élevé est quelque peu réduit, mais dans l’absolu, il y aura toujours un écart conséquent. C’est normal, car le niveau de responsabilité, par exemple entre le chef juge et un General Worker, n’est pas le même. Quant à la hausse de 10,4 % aux fonctionnaires au bas de l’échelle, elle n’est pas significative, si l’on prend en ligne de compte le fait que la compensation salariale de ces trois dernières années, c’est-à-dire une somme cumulée de plus de Rs 1 000, est incluse dans le nouveau barème des salaires. Même le ministre de la Fonction publique reconnaît qu’il existe un problème concernant les salaires au bas de l’échelle dans le secteur privé. Comment le résoudre ? Dans le secteur public, on peut octroyer des augmentations de salaire régulières, car elles seront financées par l’impôt. Dans le privé, les Remuneration Orders déterminent, d’une certaine façon et dans chaque domaine d’activité, le salaire minimum. Celui-ci est effectivement faible. Pour qu’une entreprise privée ait avoir la capacité de payer, elle doit jouir d’une bonne santé financière. Elle doit faire des profits pour pouvoir soutenir une hausse salariale. Il faut donc faire très attention avant de lui imposer une hausse du salaire minimum. Néanmoins, les entreprises privées devraient faire l’effort, lorsqu’elles sont profitables, de rehausser les salaires, surtout ceux des employés au bas de l’échelle. Beaucoup jouent le jeu et n’attendent pas une révision des Remuneration Orders. Tout dépend donc de la personne se trouvant à la tête de l’entreprise… C’est vrai que, dans le cas des grands groupes, il est plus facile d’augmenter les salaires de ceux au bas de l’échelle. Les petites et moyennes entreprises ont beaucoup plus de mal. N’oublions pas qu’une hausse uniforme des salaires dans le privé affecte davantage les petites entreprises que les grandes. Certains parlent de la nécessité d’un nouvel organisme qui déterminera les salaires à la fois dans le privé et dans le public. Est-ce souhaitable et applicable ? Pourquoi pas ? On pourrait ainsi aligner les salaires des deux secteurs de l’économie, car il est vrai que dans le public, ils croissent plus rapidement. Aujourd’hui, les meilleurs jobs se trouvent dans le secteur public. La Banque mondiale l’a d’ailleurs souligné. On parle souvent de négociations collectives dans le privé. Mais n’oublie-t-on pas que les parties ne sont pas sur un pied d’égalité ? Le fait qu’il y ait des négociations collectives est un bon signe. Le dialogue existe. Peut-être que l’employeur devrait partager les informations sur la santé financière de l’entreprise avec les syndicats. Les discussions pourraient ainsi se dérouler avec tout le monde ayant accès aux mêmes renseignements. Le ministre du Travail a annoncé que le salaire minimal sera présenté au Conseil des ministres la semaine prochaine. Qu’en pensez-vous ? C’était une promesse de l’Alliance Lepep. Toutefois, le plus important est d’en connaître les modalités. Serait-ce un salaire minimum national, c’est-à-dire un montant uniforme pour tous les secteurs indistinctement, ou un montant spécifique pour chaque secteur ? Il faut préciser que la semaine prochaine au Conseil des ministres, le ministre va proposer la mise sur pied d’un conseil (National Wage Council) qui va étudier la façon d’introduire un salaire minimal. De manière plus globale, y a-t-il une embellie au niveau de l’économie ? Les derniers chiffres de la croissance indiquent un taux de 3,1% pour 2015, donc pire qu’en 2014 (3,4 %). Pour 2016, Statistics Mauritius penche pour un taux de croissance de 3,9 %, mais personnellement, compte tenu du climat des affaires maussade et le pessimisme des entrepreneurs, je ne crois pas qu’il sera supérieur à 3,5 %. Pour restaurer la confiance, je crois que le gouvernement doit résoudre ses crises internes. Il faut de la stabilité, de la cohérence dans la stratégie et de la cohésion de la part des ministres concernés par l’économie et la finance… et éventuellement, un ministre des Finances à plein temps pour donner une direction à l’économie. Quelles ont été les répercussions de ces « crises internes », selon vous ? Certes, c’était business as usual du côté des opérateurs économiques et des institutions. Cependant, il est évident que le secteur privé aurait préféré davantage de sérénité au sein du gouvernement et que le dialogue entre gouvernement et secteur privé se poursuive de façon constructive.
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