Pédostop, organisation de lutte contre les abus sexuels sur les enfants, compte une nouvelle directrice. Il s’agit du Dr Poonam Bissessur (35 ans), psychiatre et addictologue. Elle annonce une politique forte contre les divers types de violence sexuelle sur les enfants.
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Quel est votre constat de la situation concernant les abus sexuels sur mineurs à Maurice ?
Avec quelque 500 nouveaux cas rapportés par an, la situation est inquiétante. D’autant que ces chiffres sont nettement inférieurs à la réalité. À Maurice, comme ailleurs, de nombreuses agressions sexuelles ne sont pas signalées... par honte, par culpabilité, par déni, par peur des représailles ou de ne pas être cru, par tabou ou encore par pression sociale. Mais il faut savoir que les abus sexuels sont partout et touchent tous les milieux sociaux. Un cas d’abus affecte toute une famille, et peut se transmettre à la génération suivante. Se produisant généralement dans les milieux censés être sécurisants pour l’enfant (famille, école, club sportif, mouvement religieux etc...), il est souvent masqué en amour, désir, éducation ou sécurité. Les victimes, condamnées au silence, sont alors livrées à elles-mêmes pour survivre dans une profonde souffrance et une insécurité totale.
En tant que nouvelle directrice de l’ONG, comment pensez-vous articuler les actions de Pédostop pour prévenir et guérir notre société de ce mal?
De nombreux droits et lois existent pour les victimes, mais leur mise en application reste problématique. Il importe donc de définir une politique forte pour lutter contre la violence sexuelle sur les enfants. Le plus important reste la protection et la prise en charge médico-psycho-sociale des victimes et des victimes.
Un cas d’abus affecte toute une famille et peut se transmettre
à la génération suivante.
Il faut aussi s’assurer que justice soit rendue et que le coupable puni. Et puis, bien sûr, former et informer. Je crois que l’abus sexuel des enfants peut être évité. Mon but est donc de protéger les enfants et les jeunes contre ces abus à travers la prévention, la dénonciation et la punition des coupables.
Cela dit, un adulte qui abuse d’un enfant est aujourd’hui de plus en plus dénoncé et puni par la loi. Mais qu’en est-il de ces écoliers (8 - 11 ans) qui agressent sexuellement leurs petits camarades ?
C’est vrai qu’on est plus à l’affût des adultes abuseurs et peu de gens se rendent compte que d’autres enfants peuvent parfois représenter un risque. Des études démontrent qu’environ un tiers des abus sexuels sont commis par d’autres enfants et jeunes âgés de moins de 18 ans. La question est particulièrement difficile à traiter. D’une part, il est difficile de penser que les enfants font de telles choses. D’autre part, il n’est pas toujours facile de faire la différence entre l’exploration sexuelle normale ou la curiosité anatomique et le comportement sexuel abusif, la stimulation sexuelle, jusqu’à même l’orgasme. Les enfants, surtout très jeunes, peuvent s’engager dans de tels comportements sans savoir qu’ils sont abusifs. Dans ces cas, il est peut-être plus juste de parler de comportements sexuellement nuisibles plutôt que d’abus.
Qu’est-ce qui pousse un enfant à avoir de telles pulsions sexuelles et de s’en décharger sur ses camarades de classe ?
Les raisons pour lesquelles les enfants s’engagent dans ces comportements ne sont pas toujours évidentes. Certains d’entre eux sont eux-mêmes des victimes d’abus sexuel, émotionnel ou physique, alors que d’autres ont été témoins d’actes sexuels ou de violence physique ou émotionnel à la maison. Les enfants exposés aux films, jeux vidéo et autres matières de nature sexuelle, qu’ils ne comprennent pas, sont plus à même d’avoir ce genre de comportement. S’il s’agit, le plus souvent, d’une phase ou d’une impulsion passagère, le préjudice que cela cause à l’enfant victime peut être sérieux.
Justement quelles en sont les répercussions sur l’enfant victime ?
Les enfants qui ont été agressés sexuellement par d’autres enfants mineurs ou jeunes montrent en grande partie les mêmes traumatismes que ceux victimes d’adultes : la dépression, des troubles d’anxiété, d’alimentation, du sommeil, relationnels et une faible estime de soi. Ils sont plus à risque de sombrer dans la toxicomanie et d’avoir des tendances suicidaires. À l’âge adulte, ils sont nombreux à avoir des difficultés à vivre une sexualité normale, basée sur l’égalité et le respect. Certains peuvent à leur tour développer des instincts pédophiles et devenir des abuseurs.
Qu’est-ce qui pourrait être fait pour éviter ce problème ?
Pour grandir, les enfants passent par différents stades de développement. Leur curiosité sur les questions sexuelles change d’une phase à l’autre, de l’enfance à la puberté jusqu’à l’adolescence. Chaque enfant se développe à sa manière. Il existe une norme généralement acceptée de comportements liés à l’âge et à la phase de développement de l’enfant. Des fois, c’est une exploration avec d’autres enfants du même âge. Il peut être difficile de faire la distinction entre l’exploration sexuelle adaptée à l’âge et les signes de comportements nuisibles. Il est mieux alors d’expliquer aux enfants pourquoi il est préférable de ne plus continuer à faire ce qu’ils font. C’est aussi une chance de discuter avec eux sur comment se protéger et protéger les autres. Il est important de reconnaître que les personnes de milieux différents ont des attentes différentes quant au comportement sexuel acceptable chez un enfant. Mais les abus sexuels se produisent dans toutes les communautés, les groupes ethniques, les cultures différentes et les croyances religieuses. Aucun enfant n’est à l’abri et il faut rester vigilant. Il faut éduquer l’enfant et l’accompagner dans la découverte de sa sexualité.
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