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Don d’organes : le cadeau d’une nouvelle vie

À partir de l’année prochaine, il sera possible de s’inscrire en tant que donneur d’organes après la mort à Maurice. Le Human Tissue (Removal, Preservation and Transplant) Act autorisera les prélèvements post-mortem, avec les premières transplantations cadavériques prévues en 2024. Cela exigera le soutien de spécialistes qualifiés formés par le chirurgien britannique réputé, le Dr Nizam Fatehmamode. Certains ont été formés à l’étranger.

Sanju Keerpal : «Mon frère m’a sauvé»

sanju« Il a sauvé ma vie. » C’est une reconnaissance éternelle que voue Sanju Keerpal, 40 ans, à son jeune frère, pour « le grand cadeau » qu’il lui a fait, celui d’un rein.

Souffrant d’un problème rénal depuis 2000, Sanju Keerpal a eu la chance de bénéficier rapidement d’une transplantation réalisée à Maurice en avril 2023, à l’hôpital Victoria, Candos. La reprise de cette intervention à Maurice est intervenue en octobre 2022. 

« En voyant mon état de santé déplorable, mon jeune frère s’est tout de suite proposé comme donneur potentiel et volontaire », raconte-t-il. 

Il soutient avoir été surpris de sa proposition et de son insistance. Selon le quadragénaire, quand son frère a vu à quel point il était malade après chaque session de dialyse, il lui a demandé s’il s’était renseigné sur une transplantation rénale. « C’est lui qui m’a incité à aller de l’avant, car il voulait absolument me faire don de son rein afin que j’arrête de souffrir. »

En effet, Sanju Keerpal confie qu’avec la maladie, son monde s’était écroulé. « En raison de mon état de santé, j’ai dû arrêter de travailler à 37 ans. J’ai découvert une nouvelle facette de la vie également. C’était une étape très dure de ma vie. » Lors des sessions de dialyse, il avait des « panic attacks ». Il appréhendait également l’avenir, craignant notamment ce qu’il adviendrait de son jeune frère et sa mère avec qui il vit. 

La proposition de son frère de lui faire don d’un rein est une lueur d’espoir. Par chance, toutes les analyses effectuées s’avèrent positives, avec une compatibilité permettant une transplantation « sans risque ». « Le donneur doit être en bonne santé, et nous avons dû subir régulièrement divers tests avant que l’intervention puisse avoir lieu », précise-t-il. 

Il remercie le ministère de la Santé pour la chance qu’il a eue de pouvoir se faire opérer à Maurice au lieu d’aller à l’étranger. Il affirme que l’équipe médicale, qui a bénéficié de l’encadrement du Professeur Nizam Fatehmamode de la Grande-Bretagne, a été à la hauteur des attentes. « Les patients qui doivent faire des sessions de dialyse sont chanceux d’avoir pu bénéficier de l’expertise du Dr Fatehmamode. Le personnel a été aux petits soins pour les patients, que ce soit les autres médecins, chirurgiens, infirmiers, ou les accompagnateurs », dit-il.

Depuis qu’il a reçu un nouveau rein, Sanju Keerpal affirme qu’il se sent en meilleure santé, même si cela n’a pas été immédiat. « Graduellement, je me sens mieux. » Il doit maintenant observer plusieurs règles de vie afin de prévenir toute complication de santé. « Je dois prendre les médicaments régulièrement afin qu’il n’y ait pas de rejet, avoir une alimentation saine et équilibrée, et pratiquer une activité physique régulièrement afin de maintenir un poids idéal », explique-t-il. Il ajoute qu’il doit aussi porter un masque sanitaire en public afin d’éviter tout risque d’infection opportuniste. 

Sanju Keerpal lance un appel aux patients dialysés et à leurs proches d’envisager l’option de la transplantation pour avoir une meilleure vie et santé. Il souligne qu’après un don et une transplantation d’organe, on demeure en « bonne santé ». Il se réjouit également de l’arrivée prochaine du prélèvement cadavérique qui permettra des dons en dehors des membres de la famille. « Nous n’avons qu’une seule vie. C’est noble de pouvoir faire don d’un de ses organes pour aider une autre personne. » 

Ketan Keerpal : « Je voulais que mon frère cesse de souffrir »

Ketan Keerpal, généreux donneur d’un rein, exprime sa joie d’avoir sauvé la vie de son frère Sanju. Son geste altruiste a permis à ce dernier de retrouver la santé.

« J’ai donné un de mes reins à mon frère car il souffrait énormément. Il n’allait pas bien à chaque séance de dialyse. Je voulais qu’il cesse de souffrir, c’est pourquoi j’ai décidé de lui faire don d’un de mes reins pour lui offrir une meilleure qualité de vie », affirme Ketan Keerpal. 

Il explique que leur père a également connu le même problème et a dû suivre des séances de dialyse pendant une dizaine d’années, souffrant considérablement de cette situation. Par amour pour son frère, il a tenu à ce que ce dernier puisse reprendre le cours normal de sa vie avant de subir davantage de problèmes rénaux.

« Nous avons eu la chance de pouvoir procéder à la transplantation rénale de mon grand frère et l’aider à retrouver la santé. Le choix de donner mon rein n’a pas été difficile à faire. Je m’étais fixé cette décision dès que j’ai appris qu’il avait des problèmes rénaux », ajoute-t-il. Cela d’autant plus qu’il avait réalisé que son frère ne pourrait pas travailler en raison de son état de santé et qu’il ne mènerait pas une vie normale avec ses séances régulières de dialyse. 

« J’ai été heureux après l’avoir fait car j’ai pu sauver une vie, et plus important encore, j’ai sauvé la vie de mon frère », souligne-t-il.

Ketan Keerpal assure qu’il n’a connu aucun problème de santé depuis qu’il a fait don de son rein il y a sept mois. Mis à part les suivis médicaux réguliers qu’il doit observer, il affirme que sa vie n’a pas été grandement bouleversée. « Je mène une vie normale et sans aucun problème de santé. Je dois juste prendre certaines précautions et adopter une hygiène de vie stricte. J’ai une meilleure vie aujourd’hui », conclut-il.

Rachel Ng : « J’ai frôlé la mort à trois reprises »

rachel« Je connais la valeur de la vie après toutes les étapes que j’ai traversées. » Bénéficiaire d’un rein de son époux Robert, Rachel Ng a connu une renaissance, ou presque. La transplantation rénale a eu lieu en 2018, dans un centre de santé en Inde.

Selon Rachel Ng, une force divine l’accompagne, c’est qui lui permet d’être encore en vie aujourd’hui. « Je rends grâce à Dieu d’avoir pu traverser toutes ces épreuves avec sérénité. J’ai été en mesure de quitter l’établissement hospitalier assez rapidement, au grand étonnement des médecins », dit-elle. Au lieu des cinq jours d’hospitalisation postopératoire selon le protocole, elle n’en a fait que trois.

C’est une seconde vie qu’elle mène depuis son opération, dit-elle, d’autant qu’elle est passée à trois reprises dans le couloir de la mort. Pour en arriver là, cela n’a pas été aussi simple, car après son intervention, elle devait prendre de nombreuses précautions afin de ne pas subir de complications postopératoires en raison de la baisse de son système immunitaire. 

Depuis ma transplantation rénale, je ressens une sensation de bien-être»

Aujourd’hui, elle continue ses activités, malgré une amputation. « Après avoir frôlé la mort à trois reprises, j’ai adopté une autre hygiène de vie, et je la vois autrement. » D’ailleurs, poursuit-elle, « depuis ma transplantation rénale, je ressens une sensation de bien-être, alors que lorsque j’étais sous dialyse, je ressentais une certaine lourdeur et de la lassitude lors des séances qui devaient se dérouler trois fois par semaine ». 

« J’ai adopté une discipline de vie ainsi qu’un mode de vie plus sains à travers une alimentation saine et équilibrée, et la pratique régulière d’une activité physique, en surveillant tout ce que je mange lors des activités sociales », précise-t-elle. Elle a éliminé l’huile et le sucre de son alimentation et évite les aliments transformés, entre autres. Sa méthode de cuisson a également évolué. Elle a aussi un suivi médical régulier pour faire un bilan de santé.

Initiatrice du projet MacDaisy Espace de vie, une ferme axée sur les soins, le bien-être et la santé, Rachel Ng affirme qu’elle se sent heureuse de pouvoir promouvoir la santé par les plantes. « Je prends des plantes médicinales qui proviennent de mon champ. » Elle prône ainsi le concept de « Healthy eating, Healthy living et Healthy thinking ».

Prélèvement cadavérique 

Anne : « Permettre à un autre de continuer à vivre »

C’est un choix auquel elle dit avoir mûrement réfléchi. Anne se dit prête à faire don de ses organes après son décès. « Pourquoi priver quelqu’un de l’opportunité de continuer à vivre après notre mort si on a la possibilité de le faire ? » souligne-t-elle.

Elle rappelle que de nombreuses personnes sont en attente d’un donneur pour des raisons de santé, alors qu’une personne en bonne santé peut décéder à tout moment, quelle qu’en soit la raison. Ainsi, selon elle, le don d’organes peut non seulement sauver une vie, mais aussi transformer celle de toute une famille. « En faisant don de ses organes, on peut aider non seulement une personne, mais plusieurs récipiendaires en attente d’une greffe », affirme-t-elle.

Anne révèle que c’est à la suite de divers documentaires et films sur le sujet que l’idée d’autoriser le prélèvement de ses organes après son décès lui est venue à l’esprit. Elle cite notamment le film américain « Sept Vies » 

En faisant don de ses organes, on peut aider non seulement une personne, mais plusieurs récipiendaires en attente d’une greffe»

(« Seven Pounds » en anglais), du réalisateur Gabriele Muccino, sorti en 2008. L’histoire suit un agent des impôts qui cherche la rédemption en essayant de transformer radicalement la vie de sept personnes. « Ce film m’a beaucoup marquée, car ceux qui sont en attente d’un don d’organe doivent passer par des épreuves, avec beaucoup de stress pour eux et leurs proches. »

Elle a également pris conscience de l’impact d’un don d’organe sur la vie des gens. Les films et documentaires lui ont permis de mieux comprendre le vécu de ceux qui espèrent une greffe pour leur survie. C’est pourquoi elle se réjouit que le prélèvement cadavérique soit une réalité à Maurice à partir de l’année prochaine. Dès que les modalités seront finalisées et rendues publiques, elle fera le nécessaire pour être listée parmi les donneurs. « J’ai hâte de pouvoir m’inscrire en tant que donneur potentiel. »

Elle dit avoir déjà fait part de ses intentions à ses proches. « Mes proches devront respecter mon choix et ma décision si mes organes sont viables et que cela peut servir à quelqu’un. » Et si elle trouve dommage que d’autres refusent ce geste après la mort d’un être cher, Anne affirme qu’elle va sensibiliser son entourage afin qu’ils soient eux aussi des donneurs potentiels.

Mes proches devront respecter mon choix et ma décision si mes organes sont viables et que cela peut servir à quelqu’un

Elle espère, d’autre part, que le prélèvement cadavérique permettra de prévenir d’éventuels trafics d’organes. « Je suis contre ceux qui paient pour avoir un organe. En payant, le receveur contribue au trafic et favorise l’exploitation de personnes en bonne santé, mettant ainsi leur vie en péril. C’est inacceptable. S’il n’y avait pas d’acheteurs, il n’y aurait pas eu ce genre de scandale », martèle-t-elle.

Bien qu’elle soit prête à donner ses organes à n’importe qui après sa mort, ce don, de son vivant, sera réservé uniquement à un membre de sa famille si cela s’avère nécessaire, précise Anne. « Si c’est pour un étranger, je prendrai en considération l’impact que cela pourrait avoir sur ma santé et ma vie, alors que pour un membre de ma famille, je ne me poserai pas ce genre de questions et ferai le don en répondant plus facilement à la demande », concède-t-elle. 

Lucide, Anne fait remarquer qu’après un don d’organe, tout peut arriver et que ce sont ses proches qui risqueraient d’en pâtir. Une contrainte qu’elle ne veut pas leur infliger. « Je n’ai pas d’a priori pour faire don de mes organes, mais je suis consciente des risques que je prends en le faisant. Je ne veux pas imposer à mes proches un stress que j’aurais pu leur éviter. » 

V.A.-B : « Je suis prête à donner mes organes pour sauver une vie »

« Dans l’islam, si la vie est sacrée, le corps humain est inviolable », déclare V.A.-B. Elle explique que, mort ou vivant, le corps appartient à Dieu, et nul ne peut le mutiler en prélevant sur lui des organes qui pourraient faire l’objet d’un quelconque commerce. 

Cependant, elle fait également ressortir que le Coran et les hadiths mettent l’accent sur l’importance du principe de nécessité, selon lequel il devient possible d’enfreindre les interdits religieux dès l’instant que la greffe est pratiquée dans le but de sauver une vie. De ce fait, elle affirme être d’accord pour faire don de ses organes après son décès, car cela pourrait aider à sauver au moins une vie. 

« Au moins une partie de moi vivra, même si je ne suis plus vivante », dit-elle.

 

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