
- L’avocat dénonce une situation qui érode la confiance dans le système
La disparition progressive des transcriptions ou procès-verbaux dans les salles d’audience suscite une vive inquiétude au sein du barreau. Pour Me Avineshwur Dayal, cette situation risque de porter atteinte aux droits fondamentaux des justiciables impliqués dans des procédures judiciaires.
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Selon Me Dayal, une transcription est un compte rendu écrit, mot à mot, de tout ce qui est dit lors d’une audience. Elle inclut les déclarations du juge, des avocats, des témoins, ainsi que les objections, motions, décisions, arguments, et parfois même les instructions de procédure ou les références aux preuves. « Le procès-verbal constitue une trace officielle et fiable des débats, garantissant à la fois la précision et la transparence dans le déroulement de la justice », souligne-t-il.
L’avocat précise par ailleurs que, selon la section 24 du Courts Act de 1945, la prise de notes est prévue, mais non obligatoire. Elle dépend entièrement du juge présidant l’affaire. En pratique, explique-t-il, une transcription n’est établie que si le magistrat en donne expressément l’ordre. En l’absence d’une telle directive, aucun procès-verbal complet n’est produit et le seul document officiel demeure la note rédigée par le juge.
À Maurice, poursuit Me Dayal, les transcriptions ne sont donc pas une obligation générale. « Cette situation, conjuguée à l’attente que les avocats prennent leurs propres notes, explique pourquoi la transcription intégrale tend à disparaître progressivement », déplore-t-il.
Les causes de cette disparition
Me Avineshwur Dayal attribue cette disparition principalement à des contraintes administratives et financières. Il observe que le système traditionnel, dans lequel les officiers de la cour prenaient des notes détaillées ou rédigeaient des procès-verbaux complets, est progressivement abandonné, faute de personnel qualifié et de formation adéquate.
Par ailleurs, souligne-t-il, la surcharge des dossiers et la pression exercée pour accélérer le déroulement des audiences laissent peu de temps pour produire des transcriptions complètes et précises. Un autre facteur important évoqué par l’avocat concerne les budgets limités. Le recours à des sténographes professionnels représente un coût élevé. « Contrairement à d’autres pays, Maurice n’a pas encore adopté d’alternatives technologiques, telles que l’enregistrement audio ou vidéo des audiences », ajoute-t-il.
Pourquoi cette situation inquiète le barreau ?
« Les transcriptions jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement du système judiciaire. Elles représentent le seul document officiel et fiable relatant précisément ce qui a été dit en audience, ce qui évite toute confusion ou contestation ultérieure », souligne Me Dayal.
Selon lui, leur absence constitue un problème majeur, notamment pour les juridictions supérieures comme la Cour d’appel ou le Comité judiciaire du Conseil privé, qui s’appuient largement sur ces documents pour réexaminer les décisions rendues en première instance. Sans transcriptions complètes, les juges d’appel rencontrent des difficultés pour évaluer avec précision les preuves, les arguments et les raisonnements juridiques présentés.
Pour les avocats, ces documents sont indispensables à la préparation des dossiers, à la rédaction des motifs d’appel et à la vérification des témoignages. Ils garantissent également la transparence et la responsabilité, deux piliers fondamentaux de la confiance du public envers la justice.
En l’absence de procès-verbaux, poursuit Me Dayal, les avocats se retrouvent contraints de se fier à des notes personnelles souvent incomplètes, ce qui accroît significativement les risques d’erreurs et porte atteinte à l’équité du procès.
À Maurice, où les appels exigent un compte rendu précis des preuves et des décisions, les transcriptions dépassent le simple rôle d’outil pratique : elles sont indispensables à la justice et à l’intégrité du système judiciaire.
Les répercussions
L’avocat poursuit en affirmant que l’absence de transcriptions complètes porte gravement atteinte aux droits fondamentaux des justiciables. « Sans une transcription fidèle et exhaustive, le droit à un procès équitable et le droit d’appel sont sérieusement compromis », insiste-t-il.
Les justiciables risquent de ne pas pouvoir contester les erreurs judiciaires ou démontrer des irrégularités, car les recours reposent souvent sur les mots exacts prononcés en audience, selon Me Dayal. Ce manque de transparence érode la confiance du public dans la justice et accroît le risque d’erreurs judiciaires.
En outre, la responsabilité de prendre des notes repose désormais injustement sur les parties et leurs avocats, alors que ces notes ne peuvent remplacer un compte rendu officiel. En définitive, dit Me Dayal, la disparition des transcriptions menace la responsabilité du système judiciaire et affaiblit les garanties constitutionnelles d’équité.
Les solutions proposées
Pour remédier à cette situation, Me Avineshwur Dayal propose que Maurice s’inspire du modèle britannique en introduisant l’enregistrement audio-numérique obligatoire de toutes les audiences. Ces enregistrements seraient conservés de manière sécurisée dans un système centralisé, garantissant à la fois leur intégrité et leur accessibilité. Il cite le Royaume-Uni en exemple, où toutes les audiences sont systématiquement enregistrées et où des transcriptions certifiées peuvent être demandées à tout moment.
Selon lui, la mise en place d’un système similaire à Maurice nécessiterait des réformes législatives, des procédures claires et la collaboration avec des prestataires accrédités, capables de garantir la précision des retranscriptions. Cette initiative, insiste-t-il, moderniserait le système judiciaire, renforcerait la transparence et protégerait les droits des justiciables conformément aux standards internationaux.
L’impact au sein du barreau
Pour Me Dayal, l’introduction d’enregistrements numériques obligatoires et de transcriptions certifiées transformerait la pratique du droit à Maurice. Elle offrirait aux avocats un compte rendu fiable et complet des audiences, réduisant leur dépendance à des notes personnelles souvent imprécises. Il prévoit également une plus grande rigueur dans la préparation des plaidoiries, des appels et des contre-interrogatoires, ainsi qu’un gain considérable de temps et de ressources.
Les avocats pourraient alors se référer à des déclarations précises, évitant ainsi les erreurs d’interprétation ou les contestations liées à des souvenirs approximatifs.
Par ailleurs, cette réforme, dit-il, garantirait un accès égal au compte rendu officiel pour toutes les parties, renforçant ainsi l’équité des procédures. Elle améliorerait aussi l’analyse des dossiers, réduirait les risques de responsabilité professionnelle et favoriserait une pratique juridique plus efficace, plus rigoureuse et plus digne de confiance.

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