Faizal Jeerooburkhan de Think Mauritius déplore que la plupart des élus peinent à écouter leurs mandants, soulignant les promesses non tenues de l’Alliance du Changement et l’incompétence de certains. Il espère l’adoption du Right to Recall Bill.
Après de violentes secousses, le calme est-il vraiment revenu entre le Parti travailliste (PTr) et le Mouvement militant mauricien (MMM), ou n’est-ce qu’une façade ?
Il reste difficile d’affirmer avec certitude que l’accalmie sera durable. Cependant, une chose est certaine : la majorité des protagonistes souhaitent éviter une rupture qui pourrait s’avérer fatale pour l’alliance, et surtout pour le MMM, où certains membres, y compris des ministres, pourraient refuser de suivre leur leader dans une décision jugée suicidaire.
Mais la situation politique, notamment entre le PTr et le MMM, évolue souvent au gré des états d’âme des dirigeants, qui peinent manifestement à se rencontrer et à dialoguer pour parvenir à des compromis solides et durables. Bien que des périodes de calme puissent donner l’illusion d’une stabilité retrouvée, des tensions latentes persistent et peuvent s’embraser à la moindre étincelle.
Qui, selon vous, a cédé entre les deux leaders, Navin Ramgoolam ou Paul Bérenger ?
Déterminer lequel des deux a réellement cédé nécessite une analyse politique plus fine, tenant compte du contexte précis des négociations et des enjeux internes à chaque formation. Les désaccords entre les deux leaders peuvent être liés à l’équilibre des forces au sein de l’alliance ou aux intérêts divergents de leurs partis respectifs.
Dans ce type de situation, céder ne signifie pas forcément perdre la face ; cela peut au contraire traduire une capacité à faire des concessions intelligentes, afin de parvenir à un compromis dans l’intérêt du pays.
Le MMM insiste pour une réforme électorale couplée à une dose de proportionnelle…
C’est indéniable que le MMM, depuis ses débuts, a souvent été victime du système First-Past-The-Post, qui l’a écarté du pouvoir à plusieurs reprises. Après 57 années d’indépendance, dominées essentiellement par deux dynasties et quatre partis politiques, une réforme électorale profonde apparaît désormais comme une nécessité structurelle pour l’avenir politique et socio-économique du pays.
Il y a une certaine impatience au sein de l’Aliance du Changement pour mettre en place les mesures phares de son manifeste électoral, alors que le gouvernement demande du temps, car ne pouvant tout faire en un an. Votre opinion ?
Cette impatience au sein de l’Alliance du Changement est le prolongement logique du climat d’exaspération constaté dans la population et parmi les forces vives, y compris les syndicats, qui déplorent la lenteur de la prise de décision et de la mise en œuvre des réformes annoncées. Il est vrai que le gouvernement a hérité d’une situation socio-économique difficile et dégradée. Cependant, la tergiversation observée paraît difficile à justifier, car plusieurs de ces mesures étaient parfaitement réalisables dès la première année, avec les ressources disponibles.
Rezistans ek Alternativ (ReA) aussi montre les crocs en exigeant que les projets de société qu’il a proposés pour rejoindre l’Alliance du Changement soient mis en chantier. Sinon, a déclaré le Junior Minister de ReA, le parti aviserait... Serait-ce une menace à peine voilée ?
C’est une menace limpide et parfaitement justifiée, car les projets qu’ils avaient proposés en rejoignant l’alliance n’ont toujours pas reçu l’attention attendue durant la première année du mandat. L’absence de réponse à leur demande de rencontre, formulée par courrier au Premier ministre, suscite des interrogations sur la volonté réelle de ce dernier de respecter ses engagements envers ReA.
Le poids électoral de ReA peut paraître insignifiant, mais sa présence dans l’alliance constitue une caution démocratique, un rappel d’exigence en matière d’équité, de bonne gouvernance et de préservation écologique.
Le poids électoral de ReA peut paraître insignifiant, mais sa présence dans l’alliance constitue une caution démocratique.»
On constate des inaugurations qui se font ici et là, mais ce sont les projets initiés sous le gouvernement sortant…
En l’absence de projets clairement lancés et faisant partie des promesses électorales, l’actuel gouvernement n’a d’autre choix que de se rabattre et de capitaliser sur les initiatives amorcées sous le précédent gouvernement. Il devient urgent pour l’exécutif de mettre sur pied un comité de haut niveau afin de prendre en main les projets annoncés par l’alliance et de s’assurer de leur mise en chantier rapide. La population, elle, attend la concrétisation effective des promesses électorales dans les délais annoncés.
Il y a un constat qui est fait, à tort ou à raison : l’absence des élus sur le terrain. Qu’en seraient, selon vous, les causes ?
Si l’absence des élus sur le terrain est un constat vérifiable, la responsabilité revient autant aux dirigeants de l’alliance qu’aux directions des partis. Les causes peuvent être multiples : un relâchement général lié à un manque de coordination, de concertation, d’engagement et d’évaluations régulières. Le non-paiement de la pension de retraite est devenu un obstacle pour certains élus, qui peinent désormais à affronter leurs mandants. D’autres ont carrément abandonné leurs circonscriptions par manque d’engagement politique. Il devient nécessaire d’introduire un Right to Recall Bill afin de pouvoir remplacer les élus défaillants dans l’arène politique.
Le gouvernement prend des décisions, puis recule sous la pression populaire et syndicale. Est-ce bon pour le pays ?
La capitulation du gouvernement sur plusieurs dossiers, à la suite de la pression populaire, laisse apparaître un manque de cohérence, une absence de consultation préalable et une prise de décision unilatérale. C’est surtout au niveau des nominations à des postes clés que le gouvernement a dû faire marche arrière.
La population attend avec impatience la mise sur pied des « Appointment Committees » afin de garantir des nominations fondées sur les compétences, tant dans la fonction publique qu’à la tête des institutions.
Une question d’ordre général : les accidents deviennent de plus en plus fréquents, et les responsables sont souvent sous l’influence de l’alcool ou de la drogue. Comment combattre ce phénomène ?
L’insécurité sur nos routes s’aggrave chaque année et interpelle l’ensemble de la société. C’est un problème multifactoriel, loin d’être facile à résoudre. La solution passe par une approche globale, prenant en compte tous les facteurs sous-jacents : le comportement de certains usagers de la route, l’attitude des automobilistes, l’état et la signalisation des routes, l’efficacité des dispositifs de contrôle de vitesse et de surveillance dans des zones stratégiques, l’état mécanique des véhicules, les procédures de délivrance des permis de conduire, la sévérité des lois et leur application, l’intégrité des forces de l’ordre, ainsi que le fonctionnement du système judiciaire.
Les représentants des différentes parties concernées doivent se rencontrer dans un premier temps pour établir une feuille de route, puis à intervalles réguliers pour évaluer les progrès sur le terrain. Ce dispositif doit être accompagné d’un programme d’éducation, de sensibilisation et de communication. L’éducation doit commencer dès l’école, du pré-primaire au secondaire. Des cellules spécialisées devraient également s’occuper de la formation et de la sensibilisation des adultes, au niveau des municipalités, des conseils de district, des mairies et des conseils de village.
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