Devenir propriétaire d’une maison. Un rêve pas facile à réaliser. 52,2 % des propriétaires actuels sont contraints de réduire leurs dépenses, 17,7 % d’entre eux ont dû prendre deux emplois pour financer l’acquisition. Une étude de la MCB et DCDM Research indique que l’achat d’un bien immobilier reste « la priorité » des Mauriciens. Trois experts évoquaient la question dans l’émission ‘Talk of the Town’ animée par Priscilla Sadien.
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Jameel : «La classe moyenne rencontre plus de difficultés»
Au bout de trois ans de construction, Jameel n’a pas encore réussi à concrétiser son rêve : devenir propriétaire d’une maison. Tant au niveau des démarches administratives que de la construction elle-même, c’est un véritable parcours de combattant que son épouse et lui ont dû entreprendre.
« Les démarches pour obtenir un prêt bancaire ont été fastidieuses. Cela nous a pris près d’un an alors que les dépenses ont déjà commencé. Mon épouse et moi avons réclamé un prêt conjoint pour augmenter notre capacité de remboursement, donc le montant du prêt, afin de couvrir toutes les dépenses de construction », raconte Jameel.
Le financement obtenu, la construction peut enfin démarrer. « Hélas, il y a toujours de menus pépins qui entraînent des dépenses additionnelles. Après qu’une bonne partie des travaux a été entamée, plusieurs petits obstacles se sont dressés et qui ont entraîné d’autres coûts / frais imprévus. Le montant du crédit s’est révélé insuffisant. Un maçon réclame Rs 1 200 par jour, ce n’était pas évident. Pour économiser sur la main-d’œuvre, j’ai dû mettre la main à la pâte et effectuer des travaux moi-même. à titre d’exemple, la peinture. Durant mes jours de congé et en week-end, je devenais apprenti maçon. Puis les travaux ont commencé à perdre de la rigueur. Dès que possible, nous mettons de l’argent de côté pour investir dans les travaux. Faute de moyens, la maison n’est pas achevée », regrette Jameel. C’est la difficulté principale que rencontrent beaucoup de gens issus de la classe moyenne, selon lui.
« Ceux en haut de l’échelle arrivent à se bâtir une maison facilement ou bien achètent une maison déjà construite. Ceux au bas de l’échelle obtiennent de l’aide, des subventions du gouvernement. Entre les deux, il y a les laissés-pour-compte : la classe moyenne qui n’obtient aucune aide et doit accomplir toutes les démarches elle-même. Cela n’est guère évident. C’est pourquoi la plupart des gens de la classe moyenne habitent des maisons inachevées, avec un carrelage pas terminé ou un extérieur non crépi », s’insurge Jameel.
Ganessen Chinnapen : «Il faut revoir les investissements étrangers»
Pour l’économiste Ganessen Chinnapen, les chiffres ne mentent pas. Il décrit le marché de l’immobilier comme un marché bafoué. « Quand nous analysons le marché de l’immobilier, nous voyons qu’il a été dopé par des investissements mal planifiés par de gros promoteurs. Par conséquent, nous avons beaucoup d’appartements et même des terrains, dont les prix restent très élevés, au-delà des capacités d’acquisition des Mauriciens. » Ce n’est pas là le seul problème.
« L’ouverture du marché immobilier aux étrangers constitue aussi un problème majeur dans l’acquisition d’un terrain résidentiel. Cela réduit les possibilités pour les Mauriciens d’acquérir un bien immobilier. 71 % des investissements dans les terrains résidentiels sont des foreign investments », selon les chiffres de la MCB et de DCDM Research.
« Ces investisseurs étrangers s’intéressent aux lieux les plus prisés par la nouvelle génération. Il faut mettre en place un promotional scheme pour les Mauriciens dans ces lieux et revoir ces investissements étrangers, afin de donner aux Mauriciens plus de chances de devenir propriétaires d’un terrain ou d’une maison. Il est mentionné dans cette étude que devenir propriétaire est une priorité pour les Mauriciens, devant l’acquisition d’une voiture et les voyages. Quatre Mauriciens sur dix comptent investir dans un bien immobilier. Tels sont des faits », précise l’économiste.
Les chiffres les plus parlants pour Ganessen Chinnapen, ce sont les 81 % de couples qui ont vécu chez un parent avant de réussir à obtenir un toit. « Cela démontre clairement que les couples ne sont pas prêts à rembourser 30 % de leurs salaires pour un Home Loan. D’autant plus qu’ils sont sept couples sur dix à avoir réclamé un Home Loan. Pour la classe moyenne et les couples, il n’est pas évident de s’acquitter d’un minimum de 30 % de leurs salaires pour rembourser un crédit. Le gouvernement devrait supprimer ou baisser les taux d’intérêt sur les prêts-logement (Home Loan) ou donner des incitations fiscales. Cela aiderait la nouvelle génération à gérer leur endettement immobilier ou du moins à le rendre plus soutenable. »
Laval Savreemootoo : «Très difficile pour les couples Mauriciens d’acquérir un terrain»
« Les difficultés viennent du fait que les terrains les plus prisés par les couples mauriciens sont ceux les plus rapprochés des villes. » C’est le constat de Laval Savreemootoo, président de l’Association des agents immobiliers de Maurice.
« Les endroits les plus recherchés sont : les hautes Plaines-Wilhems, à Trianon, Sodnac et Quatre-Bornes. Ce que ces personnes en quête d’un terrain résidentiel ne réalisent pas, c’est que les terrains deviennent de plus en plus rares en ces localités. Le prix monte en flèche d’année en année pour les quelques terrains qui restent. Ainsi, un terrain peut coûter entre Rs 30 000 à Rs 35 000 la toise. Si le terrain est d’une superficie de 100 toises, cela revient à un prix de 3 millions ou plus. Pour les morcellements, c’est la même chose. Le prix d’un terrain varie entre Rs 20 000 et 25 000 la toise. Outre les frais de construction, il n’est guère facile pour un couple d’acquérir un lopin à ce prix. Même si le couple décide d’emprunter auprès de la banque, ce n’est pas évident », avoue-t-il. Ce n’est pas là la seule difficulté. Le président de l’Association des agents immobiliers de Maurice explique qu’il existe également des courtiers ‘marron’ qui sont responsables de nombreux abus.
« Vu qu’il n’y a aucun cadre légal pour régir le secteur, il existe de nombreux courtiers immobiliers. De nombreux courtiers marron exploitent cette situation, et les failles de la loi. Ceux-là n’ont pas l’expérience requise et font seulement du business dans leur propre intérêt, sans se soucier de l’intérêt du client. Ils ne sont pas régis par un code d’éthique. Certains n’ont même pas de bureau. C’est pourquoi vous constatez beaucoup d’abus en la matière », soutient Laval Savreemootoo. Il souhaite œuvrer pour l’éradication de ce problème, en collaboration avec le ministère concerné. Son association a d’ailleurs commencé à plancher sur une ébauche d’un cadre légal en ce sens.
Pascal Coco : «Les difficultés financières peuvent être évitées»
Il existe une solution à tout problème, selon Pascal Coco, Business Development Coordinator de la MCB. Il suffit d’une bonne communication entre le client et sa banque. « Une banque est aussi présente pour apporter un soutien à ses clients », précise-t-il.
Le Business Development Coordinator explique que les banques sont régies par les Bank of Mauritius (BoM) Guidelines et certaines sont méconnues des clients. Pascal Coco cite un exemple. « Une personne qui souhaite devenir propriétaire d’un bien immobilier doit avoir un apport en fonction du fait qu’il est propriétaire pour la première ou la seconde fois. »
Dépendant de sa catégorie, elle devra payer 10 %, 20 % ou 30 % de ses revenus pour obtenir un prêt. Dans beaucoup de cas, quand cette personne vient soumettre sa demande à la banque, elle n’a pas prévu d’économiser cet argent durant les deux / trois années précédentes.
« À la banque, nous sommes prêts à discuter avec le client et voir comment nous pouvons l’aider. Mais il lui faudra approcher nos services et nous exposer ses contraintes », souligne Pascal Coco. Et de préciser que la plupart des couples souhaitent une demande de prêt conjoint car cela augmente leur capacité de remboursement. « Pour qu’une personne obtienne un crédit, il lui faut une source de revenus visible. C’est en fonction de ces revenus que sera déterminé le plafond du prêt que la banque pourra lui accorder. Le plus souvent, les crédits sont pris conjointement car cela augmente la capacité de remboursement. Plus le niveau des salaires est élevé, on voudra emprunter un montant plus conséquent et donc le niveau du remboursement sera élevé. » Sauf qu’en 20 ans, beaucoup de choses peuvent arriver dans la vie d’un couple.
« Nous sommes conscients du niveau d’endettement des clients. Il faut donc que les clients viennent exposer leurs contraintes budgétaires et ne laissent pas des mensualités impayées. C’est à cette condition que la banque pourra venir en aide au client et trouver ensemble une solution, voire rééchelonner le delai de remboursement. Ce n’est qu’en dernier recours qu’un client sera contraint de revendre sa maison pour rembourser la banque. Avant d’arriver à cette situation, il existe de nombreuses mesures que la banque peut prendre vis-à-vis du client. N’oublions pas qu’il est de notre responsabilité de l’aider. Avant de faire des propositions et contre-propositions aux clients en difficulté financière, il nous faut comprendre pourquoi le crédit ne peut être remboursé et si ce défaut de paiement est un problème à long terme (par exemple en cas de perte d’emploi) ou si c’est un problème à court terme. Nous étudierons le montant à payer et voir avec le client combien il lui est possible de payer dans ces moments difficiles », fait comprendre Pascale Coco.
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