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Délinquance juvénile : criminels à peine âgés de 18 ans

Avant d’avoir atteint l’âge de la maturité, certains adolescents commettent des délits. Depuis le début de l’année, plusieurs délits jugés graves impliquent des mineurs. Comment sont-ils traités ? Quelles en sont les causes ?

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Sanctions pénales prévues pour les mineurs

L’article 3 (4) (b) de la Juvenile Offenders Act prévoit qu’un magistrat ne peut infliger une peine de plus d’un an ou une amende excédant Rs 1 000 à un mineur ayant commis une infraction.

Les sanctions pénales sont diverses :

  • S’engager à avoir un comportement exemplaire et donc une reconnaissance de bonne conduite.
  • Conduire le mineur au Rehabilitation Youth Centre et infliger une peine de trois ans minimum et de cinq ans maximum.
  • Payer une amende, des dommages et les frais judiciaires.
  • Ordonner aux parents ou au tuteur de payer une amende, des dommages et les frais judiciaires.
  • Ordonner aux parents ou au tuteur de fournir une caution de bonne conduite pour le mineur.
  • Ordonner la détention du mineur dans un endroit prévu par la loi.

Causes principales

Selon Samcoomar Heeramun, psychothérapeute, les causes principales qui mènent directement à la délinquance juvénile dans notre contexte sont :

  • La pauvreté : le désespoir les poussent à s’adonner à la délinquance pour subvenir à leurs besoins. La famille ou l’absence de la famille est un facteur qui peut pousser un enfant à devenir délinquant. Il y a aussi le manque d’amour et d’affection, les mauvaises fréquentations et une naissance non planifiée : enfant non désiré, mal aimé ou livré à lui-même. La violence, l’absence de dialogue familial et l’excès d’autorité des parents peuvent pousser les enfants à la révolte.
  • Les influences extérieures : les jeunes sont attirés par des compagnons qui ont les mêmes sentiments qu’eux. L’incitation devient facile car le jeune devient plus docile et donc plus facile à manipuler. Internet, la télévision ou certaines lectures influent aussi sur le comportement des jeunes.
  • L’éducation : le manque ou une mauvaise éducation incite les jeunes à devenir des délinquants. L’enfant le devient facilement si certaines valeurs, comme le respect du bien d’autrui, de l’adulte et du vieillard, ne sont pas cultivées chez lui.

Dominique Chan Low, Reintegration and Counselling Officer de l’Association Kinouété : « Il faut amender la Juvenile Offenders Act de 1935 »

Quel est votre constat de la délinquance juvénile à Maurice ?
La délinquance juvénile est en hausse. Le Rehabilitation Youth Centre (RYC) et le Correctional Youth Centre (CYC) ne comptent pas autant de jeunes délinquants mais sur le terrain, la situation est grave : abus de substance, vol avec violence, relations sexuelles précoces, viol, école buissonnière, non-respect envers le public, échec scolaire, etc.

Comment assurer la réinsertion sociale de ces jeunes ?
Par la formation d’abord du personnel du RYC et du CYC, des enseignants, des travailleurs sociaux et de toute autre personne en contact avec des mineurs dans leur travail. Il faudrait amender la Juvenile Act de 1935 et retirer le Child Beyond Control de la loi, car un parent qui fait mettre un enfant de moins de 12 ans en prison a lui-même un problème et non l’enfant.
Il faut constamment être à l’écoute des besoins des enfants et des parents. D’où la nécessité d’un accompagnement et d’une formation à l’intention de la famille. Les magistrats doivent aussi comprendre que la détention d’un mineur au RYC et au CYC est un dernier recours.

Quelles sont les barrières à la réinsertion ?
La loi actuelle et la mentalité de gens qui pensent toujours qu’il faut frapper un enfant pour le corriger. Il y a aussi la société en général, la famille brisée et recomposée, la pauvreté, des enseignants qui ne tiennent pas compte des problèmes de l’enfant dans son cercle social. La police et la Cour prennent souvent des années pour déposer les accusations formelles et beaucoup de mineurs vont au RYC ou au CYC. Certains finissent en prison même si le délit a été commis quand ils avaient 15 ans. Il y a un manque de traitement pour les mineurs qui sont dépendants de produits illicites.

Jenny Mootealloo, avocate : « Il n’y a pas de limite d’âge pour la responsabilité pénale à Maurice »

La Juvenile Offenders Act prévoit que l’enfant ou l’adolescent qui commet un délit d’adulte soit traité comme un juvénile, sauf dans certains cas où l’infraction est sérieuse. Il n’est pas jugé de la même façon qu’un adulte pour un délit d’adulte. L’avocate Jenny Mootealloo explique : « Le terme juvenile est utilisé pour qualifier une personne n’ayant pas atteint l’âge de 18 ans. Ainsi, le mineur ayant commis les infractions suivantes ne sera pas jugé devant la Juvenile Court : les délits commis contre l’État (articles 50-76 du Code pénal), les cas d’assassinat, de meurtres (articles 216-223), agressions accompagnées de circonstances aggravantes (article 228) et agression avec préméditation (article 229). »

L’avocate souligne que la loi prévoit aussi certaines situations dans lesquelles le mineur ne sera pas jugé par la Juvenile Offenders Act. « Le mineur est jugé comme un adulte quand l’infraction est commise de concert avec un adulte et aussi dans le cas où le mineur est poursuivi avec un adulte qui, lui, est poursuivi car il a, en toute connaissance de cause, aidé ou assisté le mineur à commettre l’infraction. »

Me Jenny Mootealloo indique qu’il n’y a pas de limite d’âge pour la responsabilité pénale à Maurice. « La responsabilité pénale est l’obligation de répondre à des infractions commises et sanctionne ainsi un acte interdit. La section XV de la Juvenile Offenders Act prévoit que le mineur, n’ayant pas atteint l’âge de 14 ans, ne sera pas passible d’une peine d’emprisonnement ou de servitude pénale.

La capacité de discernement du mineur est cruciale afin d’établir sa responsabilité pénale. Si la Cour conclut que le mineur ayant moins de 14 ans a agi sans discernement, il sera acquitté. Mais il sera, selon les circonstances, remis à ses parents ou conduit dans une maison de correction, pour y être élevé et détenu pendant un certain nombre d’années déterminé par le jugement mais qui ne pourra excéder l’époque à laquelle il aura eu ses 18 ans », ajoute-t-elle.

En conclusion, Me Jenny Mootealloo soutient que le recours à la Juvenile Court est fortement recommandé, car celle-ci comprend des magistrats et des avocats spécialisés dans la défense des enfants et aussi des Police Prosecutors formés en la matière.

Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children :  « Il faut définir l’âge de la responsabilité pénale à Maurice »

Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children, est catégorique : « Les législateurs mauriciens doivent établir l’âge minimum de la responsabilité criminel. » Elle estime que cela aurait dû se faire depuis longtemps. « L’United Nations Convention on the Rights of the Child (UNCRC) a fait la demande à l’État mauricien en 1996, Or, on ne l’a toujours pas. Pour moi, l’âge pénal doit être fixé le plus tard possible. »

L’Ombudsperson for Children soutient qu’établir ce seuil sera un grand pas dans le respect des droits des enfants à Maurice. « Les Rehabilitation Youth Centres et les Correctional Youth Centres ne sont pas des environnements adéquats pour des enfants car ils ne sont pas propices à la réhabilitation. J’en ai d’ailleurs parlé dans mon rapport de 2015-16 », précise-t-elle.

Rita Venkatasawmy n’y est pas allée de main morte dans ce document. Elle a qualifié de « déplorables » les conditions dans lesquelles vivent les mineurs dans les centres correctionnels. Afin de combattre la délinquance juvénile, l’Ombudsperson for Children met l’accent sur la prévention au lieu de la répression. « Il faut comprendre qu’un enfant délinquant a lui-même été victime d’abus et qu’on ne devient pas délinquant par hasard. »

Centres de réhabilitation et de correction

Le Rehabilitation Youth Centre a pour objectif de réadapter des délinquants juvéniles. Le centre s’adresse à des sections distinctes pour les contrevenants masculins et féminins dans deux bâtiments à la rue Sir Francis-Herchenroder à Beau-Bassin. Chaque bâtiment peut accueillir un maximum de 44 détenus. Le programme de réadaptation comprend des activités académiques, professionnelles, sportives et artistiques. Les deux sections sont assistées par un psychologue et des ONG offrent leurs services au centre.

Le Correctional Youth Centre (CYC) abrite les mineurs qui ont commis de graves délits. Situé à Barkly, il enferme en détention préventive des filles et des garçons, dans deux sections séparées, jusqu’à ce que ces derniers aient 18 ans. Des cours leur sont offerts.

Source : Association Kinouété

 

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