Economie

Crise financière 2008 : dix ans après, toujours le même risque ?

Éric Ng et Frankie Tang D'après les économistes Éric Ng et Frankie Tang, la crise financière existe toujours.

Le monde entier fut secoué par la crise financière en 2008 et Maurice n’était pas épargné. La crise toucha presque tous les secteurs économiques et le gouvernement d’alors vint de l’avant avec son ‘Stimulus Package’ pour sauver nos entreprises. Toutefois, le pays a pu s’en sortir grâce à sa résilience. Mais dix ans après, serons-nous toujours résilients face à un scénario similaire ?

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En 2010, la Banque Mondiale avait attribué la résilience de Maurice à la crise financière de 2008 aux vastes réformes enclenchées à partir de 2006. On se souvient encore des termes comme ‘Early Harvest’ et ‘Bumber Crop’, utilisés à l’époque. Néanmoins, il a fallu quand même introduire un programme de ‘Stimulus Package’ de presque Rs 10 milliards pour soutenir l’économie et la protéger des soubresauts internationaux. Aujourd’hui, notre capacité d’absorption des chocs a considérablement augmenté, mais les ingrédients d’une crise financière demeurent toujours.

Dix ans après la crise financière de 2008, est-ce possible qu’un tel scenario se répète ? Et sommes-nous à l’abri ? Pour l’économiste Éric Ng, des crises financières se répètent de temps à autre. Le problème, c’est que les banques centrales à travers le monde ont presque toutes eu recours à l’assouplissement quantitatif, ce qui a donné lieu à beaucoup de liquidité et cette liquidité est potentiellement très expansionniste. « Aux États-Unis, la banque centrale commence à augmenter le taux d’intérêt et cela est suivi par plusieurs pays. Avec un taux élevé, des sociétés financières seront affectées. Cela a aussi une poussée inflationniste. » De son côté, Frankie Tang, économiste et consultant en finances et investissements, prévoit qu’une « correction » financière est en train d’avoir lieu dans le monde. « Nous sommes loin d’une crise financière telle qu’on a vécue en 2008, mais cela peut toujours arriver à n’importe quel moment. L’important c’est qu’on soit bien préparé au niveau de notre résilience », explique l’économiste. Et comment se prépare-t-on ? Il dit que nous devrons être plus créatifs. Selon lui, Maurice a toujours pu surmonter les obstacles, même en période de sévère crise et il est confiant que le pays pourra défier toute crise économique, de par notre solide expérience.

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Gavin Ng : «D’autres risques à l’ère des crypto-monnaies»

gavinGavin Ng, analyste, pense que le système bancaire et financier mondial s’est bien consolidé depuis les événements de 2008. « Aujourd’hui, il y a des réglementations bancaires plus strictes. Il y a des ratios à respecter. La supervision financière est plus robuste et il y a un meilleur contrôle des créances douteuses », dit-il. Néanmoins, estime-t-il, le risque est toujours là. Cependant, il y a une absence de réglementation hors du circuit bancaire ou du circuit financier officiel, constate l’analyste. « Les crypto-monnaies gagnent du terrain. On parle aussi de Fintech et de Crowd Funding. En l’absence d’une bonne réglementation, tout peut s’écrouler un jour, provocant une autre crise. »


Plus de femmes réduisent-elles les risques ?

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La patronne du FMI, Christine Lagarde, avait un jour déclaré que si Lehman Brothers s’était appelé Lehman Sisters, les événements ne se seraient pas déroulés de la même façon. Parce que l’univers de la finance mondiale est peuplé de « clones » mâles, notamment sur le « trading floor ». Ce qui est un facteur de risque, comme à chaque fois qu’une fraction identique de la population domine complètement un domaine. Les femmes sont plus attentives aux risques. Elles ne gèrent pas leurs portefeuilles d’actifs comme leurs pairs masculins.

Malheureusement, la finance demeure un milieu très peu féminisé : on ne compte que 2 % de femmes présidentes de banque dans le monde et 20 % seulement des cadres dirigeants.


Dan Maraye : «Le risque existe et peut éclater à tout moment»

danDan Maraye, ancien Gouverneur de la Banque de Maurice, dit que le risque d’une crise financière internationale existe toujours et elle peut éclater à n’importe quel moment. Est-ce que Maurice est suffisamment préparé pour faire face à une éventuelle crise financière ? Pour Dan Maraye, les choses évoluent si vite globalement qu’il n’est pas toujours possible de mettre en place des plans à long-terme. « Si cela arrive, certains secteurs seront victimes, d’autres résisteront, d’autres essayeront tant bien que mal de se débrouiller », dit-il.

Mais est-ce qu’on a bien tiré les leçons nécessaires de la dernière crise ? Il soutient que, malheureusement, beaucoup de pays font toujours la même chose et qu’il n’y a pas vraiment eu de changements majeurs. Il considère la crise financière comme un ‘recurrent disease’ qu’on a tendance à soigner temporairement, mais qui revient par la suite. « La source du problème, c’est le surendettement, mais aussi la corruption. Nous n’allons jamais à la source du problème. » Il explique, qu’aujourd’hui, cela coûte beaucoup d’opérer un gouvernement. Nous avons le cas de la France qui songe même  à réduire drastiquement le nombre de ses parlementaires.

«La source du problème, c’est le surendettement, mais aussi la corruption.»

En Malaisie, le Premier ministre veut renégocier les prêts contractés par son prédécesseur, allant même jusqu’à suspendre un prêt de la Chine pour financer la ligne de chemin de fer entre la frontière thaïlandaise et Kuala Lumpur, car il ne veut pas endetter davantage la Malaisie. « Par contre, à Maurice, parmi ceux qui prennent les décisions, nous n’avons pas vraiment des gens qui sont à la hauteur de leurs tâches. » Gérer un pays est comme on gère notre ménage, on emprunte selon notre capacité de remboursement pour financer les priorités et on veille à ce qu’il reste suffisamment d’argent pour maintenir un niveau de vie décent, conclut Dan Maraye.


Pour rappel

La crise de 2008 a débuté avec les difficultés rencontrées par les ménages américains à faibles revenus pour rembourser leurs prêts logements. Ces crédits étaient destinés à des emprunteurs qui ne présentaient pas les garanties suffisantes pour bénéficier des taux d’intérêt préférentiels (en anglais « prime rate »), mais seulement à des taux moins préférentiels (« subprime »). L’endettement des ménages américains a pu s’appuyer sur les taux d’intérêt extrêmement bas pratiqués pendant des années par la Banque centrale des États-Unis.

En outre, avec la hausse de la valeur du bien, on autorisait l’emprunteur à se réendetter du montant de la progression de la valeur de son patrimoine.  Par la suite, la Banque Centrale américaine a progressivement relevé ses taux de 1 % en 2004 à plus de 5 % en 2006 pour tenir compte de l’évolution de l’inflation. Les charges financières des emprunts se sont ainsi considérablement alourdies. Résultat : la valeur des habitations est devenue inférieure à la valeur des crédits qu’elles étaient supposées garantir.

L’afflux des défaillances des emprunteurs et des reventes de leurs maisons hypothéquées a accéléré la baisse des prix de l’immobilier. Les pertes se sont donc accumulées également du côté des prêteurs. Des établissements de crédit spécialisés se sont, les premiers, retrouvés en difficulté. La crise a fini par gagner le monde entier.

(Source : Internet)

 

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