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Chetan Jankee : l’ingénieur mauricien qui marie la terre et le soleil

À 32 ans, Chetan Jankee incarne une nouvelle génération de jeunes Mauriciens ayant choisi d’allier savoir académique, vision entrepreneuriale et engagement pour un avenir durable. Directeur de projet chez SUNfarming Africa, il s’impose comme l’un des pionniers de l’agrivoltaïsme à Maurice et dans la région.

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Un parcours académique aux frontières du monde

Le destin de Chetan Jankee est intimement lié à une passion née très tôt : celle de comprendre comment l’énergie peut transformer nos vies. Après ses études secondaires, il quitte Maurice en 2011 pour rejoindre l’université de Cape Town, en Afrique du Sud. Là, il plonge dans l’univers exigeant du génie électrique. « C’est en Afrique du Sud que j’ai pris conscience de l’urgence climatique et de la nécessité de repenser nos modes de production énergétique », confie-t-il.

Diplômé en 2015, il revient au pays pour un premier bain de réalité professionnelle. Mais son esprit est déjà tourné vers de plus vastes horizons. Dès 2016, il s’envole pour l’Allemagne, accepté au prestigieux programme de Master international en Technologies des énergies renouvelables, de la Technische Universität de Berlin.

Cette formation sera déterminante. Loin de se contenter d’un enseignement théorique, il se spécialise dans la conception et l’implémentation de systèmes photovoltaïques, éoliens et hydroélectriques. L’Europe, avec ses politiques avancées en matière de transition énergétique, lui ouvre les yeux sur l’ampleur des solutions existantes.

Une rencontre décisive avec SUNfarming

En 2018, alors qu’il doit effectuer un stage et rédiger sa thèse de master, il intègre SUNfarming GmbH à Berlin, un acteur majeur du solaire. Il est placé au sein du département Food & Energy, une branche qui explore une idée encore émergente : combiner agriculture et production d’énergie solaire.

Durant six mois, il s’imprègne de ce modèle innovant, l’agrivoltaïsme, qui consiste à installer des panneaux solaires au-dessus de cultures maraîchères, créant ainsi une symbiose entre production alimentaire et énergétique. Pour sa thèse, il choisit Maurice comme terrain d’étude. Son travail démontre la faisabilité et la pertinence d’un tel projet sur une île où la terre est rare et précieuse.

« Cette étude a été un tournant. J’ai compris que mon pays avait une carte à jouer en devenant un laboratoire régional de solutions durables », explique-t-il.

De Berlin à Port-Louis : le retour du fils prodigue

Séduit par sa rigueur et sa vision, SUNfarming le recrute dès la fin de son master. Il débute comme ingénieur de projet pour la région Afrique et océan Indien. Son portefeuille est ambitieux : Maurice, Madagascar, Kenya, Ouganda, Afrique du Sud, Togo et même le Sri Lanka.

En 2019, après seulement dix-huit mois d’expérience, il gravit rapidement les échelons et devient chef de projet pour le groupe, tout en dirigeant la filiale mauricienne, SUNfarming Africa Ltd. Basé à Maurice, il pilote désormais les projets régionaux, entre défis techniques, négociations avec les gouvernements et accompagnement des agriculteurs.

« Mon objectif a toujours été clair : revenir sur le continent africain pour y développer des solutions durables. L’Afrique connaît une croissance rapide, et la demande énergétique explose. Nous devons nous préparer, et l’agrivoltaïsme est une des clés. »

Agrivoltaïsme : une révolution silencieuse à Maurice

Maurice, comme beaucoup d’îles, est confrontée à un dilemme : comment concilier production énergétique et sécurité alimentaire, quand la terre est limitée ? Les fermes solaires classiques nécessitent de vastes surfaces, souvent au détriment de l’agriculture.
C’est là que l’agrivoltaïsme prend tout son sens. Les terres ne sont plus « sacrifiées » : elles produisent simultanément de l’électricité et des légumes. Sous les panneaux solaires, l’ombre partielle crée un microclimat qui protège les cultures des rayons excessifs du soleil, réduit l’évaporation de l’eau et augmente parfois le rendement.

À Gros Cailloux, SUNfarming Africa a installé son site pilote, grâce au soutien institutionnel de MARENA (Mauritius Renewable Energy Agency) et du ministère de l’Énergie et des Services publics. Les résultats sont encourageants. Tomates, laitues, poivrons, concombres : la majorité des légumes consommés par les Mauriciens s’adaptent parfaitement à ce système hybride. Cette collaboration public-privé démontre l’engagement du gouvernement mauricien envers l’innovation dans le secteur des énergies renouvelables et de l’agriculture durable. « Nous avons prouvé que la double utilisation de la terre est non seulement possible, mais rentable et durable », affirme Chetan Jankee.

Stratégie et impact

SUNfarming Africa mise désormais sur le déploiement de projets similaires à travers le pays. Chaque installation nécessite entre 12 et 25 millions de roupies d’investissement, avec un retour attendu entre six et huit ans. La durée de vie, elle, dépasse 25 ans.

Mais au-delà des chiffres, c’est une véritable stratégie nationale qui se dessine. En intégrant les agriculteurs au processus, ces projets offrent une nouvelle perspective aux jeunes qui, souvent, hésitent à reprendre les terres familiales. Ils répondent à deux enjeux majeurs : la sécurité alimentaire et l’indépendance énergétique.

« Nous voulons que chaque hectare de terre compte double. Qu’il nourrisse les Mauriciens et qu’il produise une énergie propre, compétitive et accessible », résume le jeune directeur.

Une vision ancrée dans l’avenir

Si son quotidien est rythmé par les réunions techniques et les suivis de chantier, Chetan Jankee n’oublie pas la dimension humaine de son travail. Il rêve d’un pays où les jeunes ne fuient pas la terre, mais la redécouvrent grâce aux technologies modernes.

Son parcours inspire, car il illustre le choix d’un retour aux sources : après Berlin, après l’Afrique du Sud, il aurait pu poursuivre une carrière confortable en Europe. Mais il a choisi Maurice, avec ses contraintes, ses lenteurs administratives et ses défis énergétiques. « Je crois que c’est ici que je peux avoir le plus grand impact. Chaque projet est une pierre posée pour construire un avenir durable. »

Contribuer aux objectifs nationaux

L’ambition du gouvernement mauricien est claire : atteindre 60 % d’énergies renouvelables d’ici 2030. Le défi est colossal, et les difficultés du Central Electricity Board pour suivre la demande le prouvent. Mais avec des solutions comme l’agrivoltaïsme, l’île peut transformer ses contraintes en opportunités.

En parallèle, la dépendance alimentaire reste une préoccupation majeure. L’agrivoltaïsme offre une réponse intégrée, où l’énergie et la nourriture se complètent au lieu de se concurrencer.

Un modèle pour les jeunes Mauriciens

À seulement 32 ans, Chetan Jankee est plus qu’un ingénieur. Il est devenu un ambassadeur de la transition énergétique, prouvant que la jeunesse mauricienne peut s’illustrer à l’international tout en servant son pays.

Son message est limpide : la terre n’est pas un héritage à délaisser, mais une ressource à réinventer. Avec l’innovation et l’audace, elle peut nourrir et éclairer l’avenir.

En choisissant la voie de l’agrivoltaïsme, Chetan Jankee a tracé un chemin nouveau, à la croisée de la science, de l’entrepreneuriat et de l’engagement citoyen. Un chemin où le soleil et la terre s’unissent pour offrir à Maurice une énergie propre et une agriculture résiliente.

 

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