
Cette année, la troupe Komiko souffle ses 30 bougies. Un anniversaire célébré en grande pompe avec de nouvelles créations, qui met en lumière un parcours jalonné d’éclats de rire, de combats discrets et surtout de la détermination d’une femme : Miselaine Duval.
L’histoire de la troupe humoristique, Komiko, commence à Saint-Pierre. Miselaine Duval se souvient de ses premiers pas. « À l’époque, on faisait de petits spectacles une à deux fois par an, avec des billets à Rs 10 ou Rs 20, dans la petite salle du Collège de Lorette de Saint-Pierre. Mon salon, pas encore crépi, a servi de quartier général. J’ai lancé ma compagnie de théâtre, puis j’y ai investi en mettant ma maison en garantie à la banque pour ouvrir ma compagnie Karavann. Ce fut un début difficile, mais excitant, car nous allions enfin pouvoir vivre de notre talent et en faire notre vocation », confie-t-elle.
Avec une poignée de comédiens motivés, Komiko s’installe sur les planches du théâtre de Port-Louis et du Plaza, mais pas plus de deux fois par an. « Les locations étaient trop chères », explique-t-elle. Les débuts sont rudes et obligent Miselaine Duval à jongler entre plusieurs métiers. Elle se tourne vers la préproduction publicitaire pour assurer sa survie financière, tout en persévérant dans sa mission : faire exister un théâtre populaire à Maurice.

Le tournant décisif
Le 5 février 2010 marque un moment clé dans son parcours. Sur un tournage, des professionnels venus de l’étranger manquent de respect à son équipe et pour elle c’est un choc, mais aussi un déclencheur. Loin de la décourager, elle décide au contraire d’aller prendre les choses en main.
« Cela m’a motivée à croire encore plus en nous. C’est à ce moment-là que j’ai eu la chance de trouver ABC à Rose-Hill, qui souhaitait louer son espace, une ancienne salle de cinéma. Toute mon expérience acquise en France, en Suisse, en Belgique et à La Réunion, où j’avais vu des artistes jouer partout – même dans un hangar ou une salle de badminton transformée en théâtre –, m’a convaincue que nous pouvions aussi le faire », se souvient Miselaine Duval.
Peu à peu, Komiko s’impose. Ses sitcoms télévisés comme « Kel Fami » ou « Fami Pa Kontan » séduisent le grand public, tandis que sur scène, des pièces devenues cultes comme « Mario et Maria », « Police Tropikal », « 4 bel ser » ou « Bel Parol » rencontrent un succès populaire.
Des rires, mais aussi des larmes
Mais derrière les rires partagés avec le public, il y a les blessures moins visibles. Miselaine Duval évoque sans détour les difficultés qui jalonnent son parcours : « Le manque de soutien, d’opportunités, de lieux pour travailler… et parfois des obstacles dans les démarches administratives. Quand on prend des risques financiers pour employer des acteurs à temps plein, ce n’est jamais évident. L’amour du public et l’aide de certains sponsors nous ont donné le courage de continuer. Mais le manque de reconnaissance de notre travail, de la part de ceux qui détiennent le pouvoir d’alléger nos difficultés – sans rien demander gratuitement –, m’a souvent fait pleurer. Pourtant, une flamme au fond de moi m’empêchait de baisser les bras ».
La pandémie de Covid-19 : un moment éprouvant
« Le manque de soutien pendant la Covid, quand on a été écrasés… aucune aide ! Le ministre des Arts et de la Culture ne nous a pas donné le soutien qu’il fallait, alors que nous étions la seule compagnie théâtrale entrepreneuriale à Maurice. La responsabilité a pesé entièrement sur mes épaules », déplore Miselaine Duval.
À cette époque, Komiko continue malgré tout à payer ses comédiens, mais certains lâchent prise. « Malheureusement, tout le monde ne m’a pas soutenu, car certains avaient peur et pensaient que tout était fini. J’ai même vécu la trahison de quelques membres de l’équipe. Quand il faut payer les salaires et le loyer de votre théâtre à Bagatelle avec vos biens personnels en garantie, sans pouvoir travailler… là, on rit jaune », ajoute notre interlocutrice.
Malgré tout, Miselaine Duval trouve la force de tenir. Elle tient à remercier un allié précieux : « Je dis un grand merci à un sponsor spécial, qui a continué à nous soutenir pendant la pandémie de Covid-19. Cela nous a maintenus en vie et donné l’espoir de croire que nous pouvions nager à contre-courant ».
Pour elle, l’épreuve de la pandémie a renforcé sa conviction. « La pandémie m’a donné une grande leçon. On peut prévoir, mais pas tout. L’objectif, c’est de rester en vie dans notre art, d’aller selon l’énergie et la foi. Tant que j’ai de l’amour en moi et de l’énergie pour continuer, je le ferai », affirme-t-elle.
30 ans et de nouveaux horizons
Aujourd’hui, Komiko célèbre ses 30 ans avec panache. Le spectacle « 30 ans déjà – The Show », présenté le 30 août, a réuni 24 artistes invités aux côtés des comédiens de la troupe, offrant au public deux heures de rires et de surprises. Une tournée en Europe (France et Angleterre) est annoncée dès septembre, suivie, fin 2025, par la sortie de « 6 bel ser »
Miselaine Duval prépare en parallèle un one-woman show au Canada en octobre, avant de clore l’année avec le Festival International du Rire. « Notre objectif, c’est de continuer à faire rêver et rire, malgré les difficultés. Komiko a allumé une étincelle dans beaucoup de cœurs de comédiens qui voulaient y croire. Et tant qu’il y aura du public, nous serons là », conclut-elle.

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