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Sunita Ramgoolam : «Je vois SSR en Navin»

Pour Sunita Ramgoolam, cette capacité à distinguer l’homme de l’adversaire politique est l’une des grandes leçons de son père. Le Dr Ramgoolam et sa famille.

À l’occasion de la commémoration du 18 septembre, date anniversaire de la naissance de sir Seewoosagur Ramgoolam, sa fille Sunita nous ouvre son cœur. Elle raconte l’homme derrière la figure historique, le père attentif, le mari aimant, le chef de famille joyeux. Entre ses souvenirs d’enfance et son regard sur son frère Navin, elle trace le fil invisible qui relie deux générations d’hommes d’État à Maurice.

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«Pour beaucoup, Papa est le Père de la Nation. Pour moi, il a toujours été celui qui s’asseyait avec nous à table, qui nous racontait des histoires, qui nous demandait comment s’était passée notre journée », confie Sunita Ramgoolam-Joypaul.

Sa voix se voile lorsqu’elle évoque ce mélange de grandeur publique et de simplicité domestique. « Derrière les statues, il y avait un homme qui aimait rire, parler avec ses enfants et éveiller leur curiosité. Il nous encourageait à écouter les informations, comme la BBC, et à nous intéresser à ce qui se passait dans le monde, surtout à une époque où nous n’avions pas de télévision à la maison. »

Le père attentif

Un épisode de son enfance reste gravé dans sa mémoire : « J’avais neuf ans quand j’ai eu une péritonite, mon appendice avait éclaté. C’était très grave. Je me souviens encore de Papa et Maman, assis à mes côtés à l’hôpital. Navin aussi était là. »
Cet événement a renforcé le lien père-fille. « Après cela, j’ai senti qu’il était devenu encore plus protecteur avec moi. Il me demandait souvent comment je me sentais, il m’encourageait à lire, à travailler dur à l’école. Papa avait ce côté extrêmement caring, comme on dit. »

L’éducation, une obsession

Pour SSR, la valeur suprême était l’éducation. « Il nous disait souvent : le plus beau cadeau que vous pouvez recevoir, ce n’est pas l’argent, mais le savoir. L’éducation ouvre toutes les portes », se rappelle Sunita.

Elle explique que cette conviction dépassait le cadre familial. « Ce qu’il nous disait à la maison, il le disait aussi au pays. C’est grâce à lui que Maurice a connu l’éducation gratuite. Il voulait que chaque enfant mauricien, riche ou pauvre, fille ou garçon, ait la chance d’aller à l’école. »

Sunita a suivi cet héritage. Après avoir étudié au Queen Elizabeth College, elle s’est envolée pour Dublin, en Irlande, où elle a suivi des études de physiologie et de littérature au Trinity College. « J’aimais les langues, la lecture, et je crois que cet amour venait directement de Papa. »

Un homme de famille

Si SSR a marqué l’Histoire, il a surtout marqué ses proches par sa chaleur humaine. Sunita se souvient de repas simples, où toute la famille était réunie. « Les moments avec lui étaient rares à cause de son agenda chargé, mais quand il était là, c’était intense. Il avait toujours un mot gentil. »

Il adorait lire et transmettre. « Quand nous étions petits, il nous racontait des histoires, le soir. Navin et moi avons hérité de ce goût pour la lecture. »

« Papa nous incitait plutôt à écouter les informations et à comprendre le monde autour de nous. C’était sa façon de nous éveiller à la vie et aux responsabilités civiques. Ses vraies inspirations venaient de Gandhi, et il respectait profondément ses enseignements. »

L’amour des animaux

Peu de gens savent que SSR avait un cœur immense pour les animaux. « À Noël, les Mauriciens lui offraient des dindes. Il refusait qu’on les tue pour les manger. Au lieu de cela, il les gardait comme animaux de compagnie », raconte Sunita en riant.

Un souvenir la marque particulièrement : « Un jour, son chauffeur avait accidentellement heurté un chien sur la route. Papa a insisté pour le ramener à la maison. Il l’a soigné lui-même, et il a même passé une annonce dans le journal pour retrouver son propriétaire. Personne n’est venu, alors nous l’avons gardé. »

Cet amour, Navin et Sunita en ont hérité. « Moi, je vis aujourd’hui entourée de vingt chats. Et Navin a toujours eu ses chiens. C’est une continuité naturelle. »

De père en fils : Navin, l’héritier spirituel

Pour Sunita, les similitudes entre son père et son frère sont frappantes. « Je vois en Navin, SSR. Ils ont le même sens de l’humilité, la même capacité à écouter les autres, la même compassion pour ceux qui souffrent. »

Elle se souvient : « Quand mon époux était malade, Navin, malgré ses responsabilités politiques, venait nous voir très régulièrement avec son épouse. Il trouvait toujours le temps. C’est un frère extrêmement attentionné. »

Navin aurait pu rester en Angleterre et y construire une carrière prometteuse. « Mais il a tout laissé de côté pour revenir à Maurice. Il a même ramené son chat, Poppy. Ça montre à quel point il est attaché à sa famille et à son pays. »

L’homme sans ennemis

SSR a eu de farouches adversaires politiques, mais jamais d’ennemis personnels. « Il pouvait débattre vigoureusement au Parlement le jour, puis dîner le soir avec ceux de l’opposition », raconte Sunita.

Pour elle, cette capacité à distinguer l’homme de l’adversaire politique est l’une des grandes leçons de son père. « Papa m’a appris que la politique ne doit pas diviser les cœurs. »

La continuité d’un même rêve

Sunita insiste : « Je suis bénie d’avoir eu un père que tout un pays respecte comme le Père de la Nation, et un frère que beaucoup considèrent comme le père du développement moderne. »

Elle voit en Navin la même volonté qu’en son père : « Tous deux placent l’éducation et la santé au centre de leur vision. Tous deux ont le cœur sur la main. Tous deux pensent d’abord au bien-être des autres. »

Et d’ajouter : « Je crois sincèrement que papa aurait été fier de Navin. »

Le regard d’une fille et d’une sœur

Sunita se définit comme une femme à part dans cette histoire. « J’ai toujours aimé la politique, mais de loin. Navin s’y est plongé, moi je me suis tenue en retrait. Pourtant, j’ai suivi chaque étape, chaque combat. »

Elle se dit fière, non seulement comme fille de SSR, mais aussi comme sœur de Navin. « Être la fille du Père de la Nation, c’est un honneur. Mais ma plus grande fierté, c’est qu’il ait été le père de chaque Mauricien. »

Un héritage vivant

Aujourd’hui, Sunita continue de ressentir la présence de son père. « Sa voix, ses conseils, sa tendresse sont toujours avec moi. Chaque 18 septembre, je me recueille non seulement devant la mémoire d’un grand homme d’État, mais aussi devant celle d’un père qui m’a appris la bonté, la simplicité et l’amour. »

Elle conclut avec douceur : « Papa vit encore à travers Navin. Quand je vois mon frère, j’ai l’impression de le revoir. Leurs gestes, leurs paroles, leur manière d’aimer les gens… c’est la même lumière qui continue de briller. »

Plus qu’une commémoration

Le 18 septembre n’est pas seulement un jour de mémoire officielle. C’est, pour Sunita, l’occasion de rappeler que l’histoire d’un pays se nourrit aussi de gestes simples, d’actes de tendresse et de valeurs transmises au sein des familles.

« Papa nous a montré qu’on peut changer un pays par l’éducation et l’amour. Navin poursuit ce rêve. Et moi, je garde au fond de moi ces souvenirs intimes, ces repas en famille, ces informations écoutées à la BBC, ces moments d’enfance qui font de lui non seulement le Père de la Nation, mais mon papa à moi. »

 

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