Le comité technique, qui a étudié la question de savoir si le cannabidiol à usage médical peut être utilisé à Maurice, devrait bientôt remettre son rapport au ministère de la Santé. Les conclusions préliminaires indiquent déjà un avis favorable à son autorisation, mais dans des conditions strictes. La décision finale revient toutefois aux autorités.
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Le comité technique, mandaté pour se pencher sur la question de l’utilisation du cannabidiol (CBD) à usage thérapeutique à Maurice, a presque fini ses travaux. Le dossier a été remis au sous-comité chargé d’étudier les aspects légaux. Celui-ci comprend des représentants du State Law Office.
Dès que cet exercice s’achèvera, le dossier sera de nouveau entre les mains du comité technique qui traduira les recommandations en actes légaux, tout en y apportant d’éventuels amendements éventuels. C’est ce qu’indiquent des sources proches dans le milieu.
« Le comité s’est réuni plusieurs fois depuis décembre 2020. Il ne reste plus qu’à peaufiner les détails », confie un de ses membres, sous le couvert de l’anonymat. Parmi ses attributions, le comité devait se pencher sur les aspects médicinaux du cannabis et faire des propositions quant à son usage à des fins thérapeutiques.
Si l’idée d’utiliser le CBD à des fins thérapeutiques a maintes fois été proposé par ses défenseurs, c’est surtout le rapport rendu par la Commission des stupéfiants des Nations unies (CND) qui a accéléré le processus. Le 2 décembre 2020, l’organisme a approuvé la reclassification du cannabis et de sa résine dans les conventions internationales. Il les a enlevés de la liste des stupéfiants, aux côtés d’opioïdes mortels, pour reconnaître leur potentiel médicinal et leur utilité médicale.
Auparavant, le cannabis se trouvait dans la catégorie la plus restrictive, selon le classement dans l’annexe IV de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961. Il était considéré comme favorisant l’abus et n’ayant qu’un faible intérêt médical. À l’issue de l’étude menée par le comité d’experts sur les dépendances aux drogues de l’Organisation mondiale de la santé et le rapport qui a été remis, le cannabis a été « reclassifié ».
L’organisme onusien consent désormais que le cannabis et sa résine présentent « un potentiel thérapeutique ». Ce qui signifie que le cannabis peut être utilisé pour la fabrication de médicaments, comme c’est déjà le cas pour la morphine.
À Maurice, le comité technique a déjà statué pour quels types de maladies le CBD peut être utilisé, qui peut prescrire le médicament, comment appliquer le protocole d’opération, l’obtention d’une licence, la formation des pharmaciens ainsi que les agences qui la dispenseront. Tous ceux qui prescriront le médicament devront le faire selon leur champ de spécialité. Un psychiatre, par exemple, ne pourra pas faire de prescription pour une personne souffrant d’un cancer.
Depuis qu’il a commencé ses travaux en décembre 2020, le comité technique a réceptionné près de 80 propositions sur l’usage du CBD à des fins thérapeutiques. Dans la majorité des cas, les avis étaient en faveur de son utilisation à Maurice, comme c’est déjà le cas dans certains pays. Parmi ceux qui ont envoyé leurs suggestions figurent des professionnels de la santé mais aussi des organisations non gouvernementales et des particuliers.
CBD vs THC
Le CBD est une molécule extraite du cannabis. Contrairement au tétrahydrocannabinol (THC), une autre molécule également présente dans la plante, le CBD n’a pas d’effet stupéfiant et n’engendre pas de dépendance physique. Le THC, lui, a des effets psychoactifs.
Le CBD et le THC ont de nombreuses vertus thérapeutiques, selon le Dr Vinod Ramkoosalsing. Intervenant en sa qualité de psychiatre exerçant dans le privé, il explique que le CBD peut être utilisé en cas de perte d’appétit chez les personnes vivant avec le VIH/sida.
Idem pour les patients cancéreux qui ont des nausées et des vomissements après leur séance de chimiothérapie. Cela aide à stimuler l’appétit.
Le CBD peut apporter un soulagement aux personnes souffrant de sclérose en plaques ou de douleurs chroniques comme l’arthrite. Le médicament peut agir efficacement dans les maladies telles que le Parkinson.
Le psychiatre affirme que le CBD aide également à contrer la multiplication des cellules cancéreuses. Selon lui, il peut aussi ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer et certaines formes d’épilepsie qu’il est difficile de contrôler.
Dépénalisation, décriminalisation et légalisation : comment faire la différence
Un produit en vente libre doit répondre quand même à des critères légaux et à un cadre spécifique. C’est notamment le cas de l’alcool et de la cigarette qui sont interdits aux personnes âgées de moins de 18 ans. Nathalie Rose, consultante sur des Drug Policy Projects à Maurice et à l’étranger, indique que si le cannabis devait devenir « légal » à Maurice, cela ne voudrait pas dire qu’il serait vendu à tous les coins de rue et aux individus de moins de 18 ans. « Chaque pays a créé son cadre légal. Quand on parle de la légalisation du cannabis, on dit que la vente est autorisée tout en étant contrôlée et avec une certaine limite. Dans tous les pays où il y a eu la légalisation, la vente se fait selon un cadre précis », fait-elle ressortir.
Dans le cas de la dépénalisation ou de la décriminalisation (dépendant des cadres légaux des pays), elle explique que le produit, dans l’absolu, est toujours illégal, mais elle précisé qu’il y a une certaine souplesse par rapport à l’usage. Une personne trouvée en possession d’une petite quantité du produit ne fera pas de la prison ou ce ne sera pas inscrit dans son casier judiciaire par exemple. Mais cela dépend bien évidemment des règlements en vigueur dans chacun des pays concernés.
Danny Philippe ajoute qu’il y a plusieurs modèles de dépénalisation qui font que le cannabis peut être consommé dans les Coffee Shops, comme en Hollande par exemple. « Dans d’autres la vente est interdite aux moins de 21 ans », souligne le chargé de plaidoyer de Développement, rassemblement, information et prévention (DRIP).
Il ajoute que des combats ont été menés en faveur de la légalisation du cannabis, car il est convaincu que la répression ne sert à rien. « Souvent des jeunes vont en prison pour avoir consommé ou pour avoir été trouvé en possession d’un joint. » Pour lui, qu’il s’agisse de la dépénalisation, de la décriminalisation ou de la légalisation, il est temps de réglementer les choses « pour ôter l’argent des mains des criminels ».
La balle est dans le camp du gouvernement
Les travaux du comité technique tirant à leur fin, la balle sera dans le camp du gouvernement. Il appartiendra au ministère de la Santé et aux membres de la majorité de déterminer si le CBD peut être utilisé à Maurice. Il y a quelques années, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, avait émis des réserves à ce sujet à l’Assemblée nationale. Répondant à une Private Notice Question du leader de l’opposition d’alors le 15 mai 2018, il avait toutefois dit qu’il pourrait revoir sa position à la lueur des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé.
Après la publication du rapport du CND en décembre 2020, le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, avait affirmé qu’il faudrait un nouveau cadre légal pour que le CDB puisse être utilisé. « Des amendements devront être apportés à la Dangerous Drugs Act », avait-il dit.
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