Sécheresse hydrologique, chaleur extrême, cyclones plus puissants et sur une plus longue période comme nous l’avons connu avec le cyclone tropical Freddy. Ce n’est pas le scénario d’un film catastrophe, mais bien les prémices de ce qui pourrait arriver si les prévisions de l'Organisation météorologique mondiale s’avèrent justes.
L’alerte a été donnée il y a quelques jours par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) : il y a une probabilité de 80 % que des chaleurs extrêmes se fassent ressentir en raison du phénomène El Niño, ce qui pourrait entraîner une période de sécheresse et des phénomènes météorologiques extrêmes, comme nous l'avons connu avec le passage du cyclone tropical Freddy en février dernier.
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Le pays a donc intérêt à se préparer dès maintenant, fait remarquer Vassen Kauppaymuthoo, ingénieur en environnement et océanographe. Pour lui, il ne s’agit pas d’être alarmiste, mais plutôt de profiter de la fenêtre de quelques mois qui est offerte grâce à l’alerte précoce lancée par l’OMM le 3 mai, pour se préparer au pire, tout en espérant que les prévisions ne se concrétisent pas.
« Avec le phénomène El Niño qui est en train de se confirmer, nous risquons d’avoir un événement exceptionnel qui pourrait causer beaucoup de bouleversements à travers le monde, notamment dans la zone indonésienne, mais surtout en Afrique », affirme l’ingénieur en environnement. Il rappelle qu’en 2015 et 2016, ce même phénomène avait créé une grave sécheresse sur le continent africain et fait chuter la production alimentaire de 50 %.
Selon les informations de l’OMM, toutes les régions de l’hémisphère Sud sont concernées, y compris l’ensemble de l’océan Indien. « Cela risque de provoquer des bouleversements car il y aura une période de sécheresse étendue, avec pour conséquence un stress hydrologique dû à la combinaison de la chaleur et de la sécheresse. Par conséquent, la production agricole risque de connaître une baisse conséquente », avertit Vassen Kauppaymuthoo.
Il y a aussi un risque d’inondations et de cyclones beaucoup plus forts. Le cyclone tropical Freddy, qui a traversé l’océan Indien d’est en ouest et a provoqué des dégâts considérables à Madagascar et dans une partie de l’Afrique de l’Est, est un exemple de ce qui peut arriver, ajoute notre interlocuteur. « Les petits États insulaires, tels que Maurice, sont parmi les pays les plus vulnérables, et il faut commencer à se préparer dès maintenant en se basant sur les informations fournies par les outils que nous avons : l’OMM ainsi que d’autres organisations météorologiques », ajoute-t-il. Pour lui, il est important de suivre leurs avertissements.
Outre les événements météorologiques extrêmes, Vassen Kauppaymuthoo soutient que d’autres conséquences du phénomène d’El Niño sont à prévoir dans divers secteurs : la pêche, avec moins de poissons dans l’eau de la mer devenue plus chaude, et l’agriculture avec une baisse de production due à la sécheresse. L’environnement marin peut également être affecté, notamment avec le blanchiment des coraux, comme le souligne Nadeem Nazurally, Senior Lecturer au département océanique de l’Université de Maurice.
« Avec les deux saisons que nous avons, le cycle normal de l’écosystème des espèces marines présentes autour de Maurice peut être perturbé. Ainsi, si certaines espèces doivent se reproduire en été ou en hiver, les changements que va apporter le phénomène El Niño peuvent retarder ces événements avec diverses conséquences » dit-il. Il en est de même pour l’environnement terrestre, qui connaît déjà des problèmes liés à la pollution, ajoute-t-il. « El Niño va apporter un nouveau stress sur un écosystème déjà fragilisé », estime notre interlocuteur.
Bien que ce phénomène ne puisse être prévenu, le Senior Lecturer est d’avis que chaque individu peut prendre des mesures à son niveau pour que les phénomènes naturels aient moins d'impact sur la nature et l’environnement, cela en diminuant l’empreinte carbone. « Il est impérieux de diminuer la souffrance qu’on inflige à l’écosystème. Chaque personne peut intervenir à son niveau en évitant de polluer », dit-il.
Vassen Kauppaymuthoo fait ressortir que l’on peut se préparer dès maintenant en faisant des réserves d’eau, en prévoyant une plus grande production agricole qui sera stockée pour les mois les plus difficiles, que ce soit à travers la congélation ou la mise en conserve. Il faut aussi prévoir des mesures par rapport à la santé de la population en raison de la forte chaleur qui est attendue l’été prochain.
« Les informations de l’OMM sont très inquiétantes. Il faut se mettre en branle-bas de combat afin de s’assurer d’être prêts pour affronter cette situation, en espérant bien évidemment que nous ne serons pas aussi affectés par rapport à ce qui est prévu », explique l'ingénieur en environnement. Pour lui, mieux vaut prévoir que ne rien faire, car ce genre d’avertissement de l’OMM n’est pas donné à la légère. « Il y a déjà des données qui montrent que les anomalies de température dépassent de beaucoup les anomalies observées auparavant », affirme-t-il.
Nous avons sollicité les services météorologiques de Maurice et le ministère de l’Environnement pour des commentaires. Nous attendons leur réponse.
Phénomène El Niño : Sécheresses et fortes pluies attendues dans les mois à venir
L’Organisation météorologique mondiale (OMM) a averti, le mercredi 3 mai, que le phénomène climatique naturel El Niño pourrait se former cette année, augmentant ainsi les risques de nouveaux records de chaleur dans le monde.
Selon l’OMM, il y a 80 % de chances qu’El Niño se manifeste entre juillet et septembre, avec un risque de 60 % pour la période de mai à juillet et de 70 % entre juin et août. El Niño est généralement associé à une augmentation des températures, une sécheresse accrue dans certaines parties du monde et de fortes pluies dans d’autres.
Les effets d’El Niño, observé pour la dernière fois en 2018-19, sont généralement inverses à ceux de La Niña, qui a duré très longtemps cette fois-ci et qui a eu un effet modérateur sur le réchauffement climatique. Les huit dernières années ont certes été les plus chaudes jamais enregistrées, mais sans La Niña, la situation aurait été pire.
El Niño est aussi associé à une augmentation des précipitations dans certaines régions du sud de l’Amérique du Sud, le sud des États-Unis, la Corne de l’Afrique et l’Asie centrale, mais il peut également provoquer des sécheresses graves en Australie, en Indonésie et dans certaines zones du sud de l’Asie.
L’OMM et les services météorologiques et hydrologiques nationaux surveilleront donc de près l’évolution de la situation. Il n’est pas possible de prédire l’intensité ou la durée d’El Niño, mais le dernier en date était considéré comme faible, alors que celui d’avant, entre 2014 et 2016, était puissant et a eu des conséquences désastreuses. « L’apparition d’un phénomène El Niño entraînera très probablement une nouvelle flambée des températures mondiales et augmentera le risque de battre des records de chaleur », a averti le secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas.
Il a souligné que le monde devrait se préparer au développement d’El Niño, qui est souvent associé à une augmentation de la chaleur, de la sécheresse ou des précipitations dans différentes régions du monde. Le phénomène pourrait apporter un soulagement face à la sécheresse que subit la Corne de l’Afrique et à d’autres effets liés à La Niña, mais il pourrait aussi déclencher des phénomènes météorologiques et climatiques plus extrêmes.
Selon l’OMM, des températures supérieures à la normale sont attendues dans toutes les zones terrestres de l’hémisphère Nord et de l’hémisphère Sud. L’Organisation appelle à la mise en œuvre de l’Initiative des Nations unies en faveur d’alertes précoces pour tous afin d’assurer la sécurité des personnes face à des phénomènes météorologiques et climatiques plus extrêmes.
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