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Ces «game changers» pour une reprise assurée

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On a accueilli la nouvelle année. Force est de reconnaître que les choses n’ont pas été de tout repos ces deux dernières années avec la pandémie de Covid-19. Nombreux sont les secteurs en berne ou qui tournent au ralenti. En 2022, quelles sont les mesures qui s’imposent pour qu’il y ait un véritable « game changer » dans les divers domaines ?

Économie 

Augmentation des investissements 

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Manisha Dookhony, économiste.

Pour l’économiste, Manisha Dookhony, il est temps d’établir une nouvelle stratégie d’orientation économique. « Depuis le début de la pandémie, je ne cesse de le dire, nous avons besoin de cibler une augmentation des investissements. Des investissements qui proviendraient de secteurs autres que la construction de villas de luxe. Pour moi, ils doivent provenir du secteur manufacturier. De plus, on dit qu’il ne faut pas laisser passer une crise sans faire les ajustements économiques nécessaires… », avance notre interlocutrice. 

Il y a des entreprises qui subsistent, souligne l’économiste, malgré les difficultés en investissant dans l’industrie 4.0 et 5.0, c’est-à-dire l’innovation et le capital humain. On peut explorer davantage de produits.

Selon Manisha Dookhony, ses collègues à Harvard et au MIT ont établi que pour Maurice le «low hanging fruit » serait la production de médicaments. « Il a fallu une pandémie pour qu’on se décide à se tourner vers ce secteur. Dans cette optique, il convient d’attirer les entreprises sérieuses et désireuses d’implanter des usines de fabrication à Maurice. Pour cela, il faut mettre en place tout un écosystème qui permet le développement de ces produits.  Il y aura de gros investissements à faire dans tous les maillons de la chaîne de production, allant de la recherche à la mise en place de nouvelles normes et la fabrication de médicaments et de vaccins.  Les centres de production de vaccins et de médicaments sont peu nombreux à travers le monde. Souvent, ils sont développés autour d’un socle universitaire ou de recherches qu’il faudrait aussi créer », explique-t-elle. 

Il a fallu une pandémie pour qu’on se décide à se tourner vers ce secteur. Dans cette optique, il convient d’attirer les entreprises sérieuses et désireuses d’implanter des usines de fabrication à Maurice»

Manisha Dookhony ajoute qu’il nous manque un écosystème de preneurs de risques de type « angel investors ». Du moins s’il existe chez nous, 

Cependant, selon l’économiste, si on arrive à surmonter ces contraintes, cela permettra à Maurice de devenir une référence en Afrique.  Toutefois, même si les bases sont en train d’être jetées, il reste un long chemin à parcourir.  

Selon Manisha Dookhony, le « product tree » nous indique plusieurs autres secteurs/sous-secteurs vers lesquels nous pourrions nous tourner pour étendre notre offre dans le secteur des entreprises manufacturières. 

Explorer ces options serait une bonne idée.  « Après le démantèlement de l’accord multifibre, on s’est dit que la seule issue pour Maurice serait le secteur des services.  On tend souvent à ignorer les secteurs de l’ancien « import substitution » qui existent encore. Si on arrive à donner un coup de pouce aux entreprises mauriciennes, notamment les PME, pour étendre leurs exportations vers les pays avec lesquels nous avons de nouveaux accords, dont la Chine, l’Inde et l’Afrique, cela pourra aider à regénérer notre secteur manufacturier et l’économie », affirme l’économiste.  

PME

Pour une stratégie cohérente 

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Beas Cheekhooree, ancien président de la Mauritius Export Association (MEXA).

L’ancien président de la Mauritius Export Association (MEXA), Beas Cheekhooree, est d’avis que, « des tonnes de rapports d’experts remplissent les tiroirs – chez les autorités, les institutions et les banques commerciales » concernant le secteur des Petites et Moyennes Entreprises (PME). Certains de ces documents, concède-t-il, ont mis en avant des points valables qui présentent des solutions pour sortir un secteur en difficulté de l’ornière. 

Afin de redonner un nouveau souffle aux PME, souligne Beas Cheekhooree, il y a des pistes à explorer. Par exemple, se tourner vers d’autres marchés, comme l’Afrique qui est brandi comme le continent d’avenir depuis des décennies. Il estime que le secteur des PME a toujours été porteur d’espoir, sans que l’on n’y dédie une considération honnête et sérieuse. C’est justement par là qu’il faut commencer. « D’abord, il faut débuter par la segmentation des PME manufacturière/commerce/services. Chacun a un besoin différent, donc une solution adaptée au sous-secteur est nécessaire. Cependant, l’accès aux ressources financières constitue un besoin commun aux PME, tout comme un accompagnement stratégique, technique et administratif »,indique-t-il. 

Chacun a un besoin différent, donc une solution adaptée au sous-secteur est nécessaire» 

Beas Cheekhooree pense que ce soutien doit être distillé de la manière suivante. Tout d’abord, à travers une enveloppe financière d’un fonds mixte gouvernement/fonds privé, destiné aux PME répondant à une série de critères spécifiques. « Cela peut être similaire au modèle SIC /banque commerciale/entreprise mis en place pour les gros opérateurs en vue de venir en aide aux PME pour qu’elles retrouvent une sérénité financière et mettent en place leurs stratégies », avance-t-il. 

Il évoque aussi une gestion saine et transparente des finances avec un suivi constant par des experts. 
Beas Cheekhooree préconise, par ailleurs, un accompagnement à la fois technique, du marketing et administratif. En sus de l’innovation, la recherche et le développement avec une stratégie et une direction cohérente. 

« Il faut la poursuite d’une stratégie nationale cohérente pour substituer les importations là où c’est possible. L’objectif est de protéger et redynamiser le secteur manufacturier local qui est un catalyseur potentiel d’une économie circulaire », croit-il. 

Environnement 

Une nouvelle stratégie  

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Shaama Sandooyea, militante pour le climat et biologiste marine.

Militante pour le climat et biologiste marine, Shaama Sandooyea estime la stratégie du gouvernement pour le secteur de l’environnement doit changer. « Il faut redéfinir les urgences, car ces derniers ne sont pas les mêmes qu’il y a 10 ans. Nous savons que la biodiversité à Maurice s’est nettement dégradée et que notre île est vulnérable face à la crise climatique. Il faut donc aborder le problème en plaçant au centre, le vivant, la biodiversité, la société, car tout est lié », lance notre interlocutrice. 

Shaama Sandooyea pense, de plus, qu’il est primordial d’arrêter l’exploitation non contrôlée des ressources naturelles, des terres et de la mer par les industries. « On doit songer à amender les lois en ce sens pour que le peu de ressources naturelles qu’il nous reste soient protégées et se régénèrent », poursuit la militante pour le climat. 

Elle estime, par ailleurs, que nous devons aussi nous focaliser sur la sécurité alimentaire. Cela en adoptant l’agro-écologie. « Nous ne devons pas dissocier la science, les besoins du peuple et la crise écologique. Nous avons besoin d’un changement systémique et non pas de quelques « efforts ». Nous devons revoir toute la stratégie gouvernementale parce que tout est lié. Ce n’est pas l’énergie verte ou les voitures électriques qui nous sauveront », déclare Shaama Sandooyea. 

Santé

Davantage de dépistages  

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Dr Shameem Jaumdally, virologue et Senior Research Scientist.

Le Dr Shameem Jaumdally, virologue et Senior Research Scientist, pense qu’il y a plusieurs mesures à prendre en urgence dans le secteur de la santé. Tout d’abord, il croit fortement qu’une amélioration de la Domiciliary Monitoring Unit (DMU) est de mise. « En 2021, on a vu que bon nombre de personnes sont décédées à la maison alors qu’elles étaient en auto-isolement. Il y a aussi celles qui sont arrivées à l’hôpital dans un état vraiment ‘trop grave’. En améliorant la DMU, on pourra améliorer le service et donner aux patients une plus grande chance de guérir et de survivre », estime-t-il. 

Le virologue est, de plus, d’avis que dans cette bataille contre la Covid-19, le dépistage reste le maître-mot. « On peut améliorer le dépistage en adoptant une stratégie de régionalisation. Cela, en utilisant des dispensaires. Une personne diagnostiquée tôt, c’est une personne qu’on peut mettre en isolement, diminuant ainsi le risque de transmission du virus au sein de la communauté », poursuit le Dr Shameem Jaumdally. 

Notre interlocuteur préconise, par ailleurs, une amélioration des infrastructures médicales. Il met l’accent sur le fait qu’il y a eu de multiples doléances autour des équipements qui ne fonctionnent pas alors que nous sommes en période de pandémie. « Il est important que, d’un point de vue qualité, on améliore les infrastructures existantes. Pourquoi ne pas se tourner vers des médecins du public de même que du privé qui ont une compréhension et de l’expérience afin de formuler des protocoles viables ? Cela dans le but de sauver des vies », lance ce dernier. 

Le Dr Shameem Jaumdally évoque aussi une communication « franche » avec la population. « En donnant les bonnes informations par rapport à la Covid-19 et concernant les stratégies adoptées, les autorités regagneront la confiance de la population. Ce qui résultera en une meilleure adhésion du public aux mesures prises pour mitiger les effets de la pandémie », ajoute notre interlocuteur. 

Il recommande toutefois de ne pas négliger les gestes barrières, dont le port du masque et la distanciation sociale, entre autres. « Aujourd’hui, nous avons trois niveaux de protection : les gestes barrières, la vaccination et la pilule développée contre la Covid-19 qui a été approuvée aux États-Unis. Ce dernier est une arme efficace pour les personnes qui ont été vaccinées, mais qui ont malgré tout une défaillance du système immunitaire et qui peuvent développer une forme sévère de la maladie », explique-t-il. 

Pour le Dr Shameem Jaumdally, si cette pilule maintient son efficacité qui est de 90 % comme le démontrent les essais cliniques, cela permettra d’alléger le fardeau sur le système de santé. « Les personnes à risque auront plus de chance de guérison et de survie », prévoit le Senior Research Scientist. 

Tourisme

Leadership

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Sen Ramsamy, Managing Director de Tourism Business Intelligence.

« En dépit de ses difficultés, le tourisme sera un secteur déterminant pour la reprise de notre économie. Pour cela, la mesure qui serait un véritable ‘game changer’ pour ce secteur, c’est de mettre à la tête du ministère du Tourisme un ministre à plein temps. C’est un secteur trop important pour le pays pour que le ministre responsable s’en occupe seulement à temps partiel », conseille le Managing Director de Tourism Business Intelligence, Sen Ramsamy. 

Selon lui, cela fait longtemps que le tourisme mauricien n’a pas eu un leadership fort et visionnaire. « Bref, il faut un vrai meneur pour ce secteur clé de notre économie. Cela dit, il est fort regrettable que tous les appels pour que les meilleures compétences du pays soient mises au service de ce secteur afin d’aider Maurice à sortir de l’état d’urgence économique dans lequel il se trouve soient tombés dans l’oreille d’un sourd. C’est le pays qui en sort perdant. Il est temps de faire preuve de maturité professionnelle et politique dans la gestion des affaires. Ce sera un ‘game changer long overdue’ », avance notre interlocuteur. 

Sen Ramsamy dit espérer que 2022 sera enfin l’année de la relance du tourisme à « Maurice en sachant bien que, malgré la Covid 19 et ses variants, nos concurrents directs ont réalisé une belle récolte touristique en 2021 ». 

Il faut un vrai meneur pour ce secteur clé de notre économie»

Il ajoute : « Malgré la réouverture de nos frontières en deux temps cette année, soit en juillet et octobre, 2021 a été la pire année dans toute l’histoire du tourisme mauricien. Nous avons perdu énormément en termes de nombre d’arrivées, de recettes touristiques  et, plus grave, environ 4 000 employés du secteur ont perdu leur emploi ce, malgré le Wage Assistance Scheme estimé à plus de Rs 10 milliards accordé au secteur du tourisme », souligne ce dernier. 

Selon lui, les opérateurs du tourisme comprendront que si la population locale est en bonne santé, les touristes reviendront chez nous en grand nombre. « Il faut donc arrêter de demander encore plus d’argent au gouvernement, mais surtout avoir la grandeur d’âme de permettre à l’État de donner priorité au personnel hospitalier et au public mauricien qui meurt en grand nombre », fait-il ressortir. 

Le Managing Director de Tourism Business Intelligence affirme qu’avec la technologie, le monde est aujourd’hui un immense marché sans frontières. Il pense qu’une «attitude discriminatoire par rapport aux différents marchés émetteurs pour Maurice serait la meilleure recette pour échouer lamentablement demain ». 
La situation de la Covid en Europe, souligne-t-il, nous oblige à faire preuve de plus de retenue et de diplomatie dans notre stratégie de marketing.

Il recommande ainsi de ne jamais sous-estimer un marché émetteur, surtout s’il nous est historiquement fidèle. « Il ne faut pas se laisser porter par le vent de l’émotion. Demandez aux jeunes diplômés en tourisme. Ils vous diront que tout cela s’apprend. On ne devient pas expert en tourisme du jour au lendemain. Une emphase sur les marchés régionaux aura aussi toute son importance pour le succès du tourisme en 2022 et au-delà. Je ne cesse de le dire, 2022 sera l’année de vérité pour le tourisme mauricien. Je souhaite bonne chance à notre tourisme et bon courage à tous les employés de ce secteur », conclut Sen Ramsamy.

 

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