Live News

Cédric Béguier : «La hausse de l’euro est le reflet des vulnérabilités locales et d’un affaiblissement du dollar»

La récente envolée de l’euro, atteignant plus de Rs 53, interpelle autant les importateurs que les ménages mauriciens. Cédric Béguier chez Axys, analyse les causes de cette appréciation et ses effets attendus sur l’économie, l’inflation et le pouvoir d’achat. Il aborde les dynamiques mondiales et les fragilités locales.

Publicité

Quels sont les principaux facteurs, tant locaux qu’internationaux, qui expliquent une appréciation historique de l’euro qui a dépassé les Rs 53 ?
Plusieurs facteurs, sur le plan international et local, expliquent cette appréciation marquée de l’euro face à la roupie mauricienne. Sur le plan international, l’un des éléments structurants est l’affaiblissement du dollar américain, devise à laquelle la roupie mauricienne est partiellement arrimée via un panier de monnaies dominé par l’euro et le dollar. Cette faiblesse du billet vert est liée à la détérioration du solde budgétaire des États-Unis, avec un déficit de plus de 6 000 milliards de dollars projeté pour les dix prochaines années. Parallèlement, on observe une baisse de l’appétit des investisseurs étrangers pour les actifs américains.

Il y a une réduction de la demande mondiale en dollars, conséquence de la fragmentation du commerce mondial et des hausses de droits de douane depuis le tournant de la « Liberation Day ». En face, l’euro se renforce. Ce mouvement est alimenté par le retour de politiques expansionnistes en Europe, notamment le plan d’investissement massif de l’Allemagne, qui prévoit 500 milliards d’euros sur dix ans. D’autre part, les marchés boursiers européens attirent des flux de capitaux grâce à une valorisation plus attractive comparée à d’autres régions. Enfin, la politique monétaire plus prévisible de la Banque centrale européenne contraste avec celle, plus polarisée, de la Réserve fédérale américaine.

wDu côté local, la roupie subit également des pressions. Le déficit courant demeure structurel, alimenté par une hausse des importations dont 30 à 40 % sont libellées en euros et une reprise touristique qui reste incomplète. Ces déséquilibres pèsent sur les réserves de change. De plus, les arbitrages en matière de taux d’intérêt et de croissance ne jouent pas en faveur de la roupie, renforçant sa tendance à la dépréciation.

Quelles pourraient être les répercussions de ce niveau record du taux de change de l’euro sur les importations, l’inflation et le pouvoir d’achat des Mauriciens dans les mois à venir ?
Une telle appréciation de l’euro renchérit naturellement le coût des importations depuis l’Europe. Les médicaments et les équipements médicaux, les biens de consommation durables comme les véhicules ou l’électroménager, ainsi que les produits agroalimentaires transformés sont particulièrement concernés. Sur le front de l’inflation, un effet de transmission directe – dit « import price pass-through » – est à prévoir. Cette dynamique pourrait faire grimper l’indice des prix à la consommation de plus d’un point sur une base annuelle, avec un décalage estimé d’un à trois mois. Pour les ménages mauriciens, cette situation se traduit par une érosion du pouvoir d’achat, notamment pour ceux dépendants de produits importés en euros. Les classes moyennes et les retraités, souvent plus sensibles à l’évolution des prix alimentaires et de l’énergie, seront particulièrement touchés.

Pensez-vous que cette tendance haussière de l’euro est appelée à se poursuivre, ou devons-nous nous attendre à une correction dans un avenir proche ?
Plusieurs éléments plaident pour une poursuite de cette tendance. Il y a le maintien de la faiblesse du dollar dans un contexte de déficit public américain élevé. Il y a la relative stabilité macroéconomique en Europe face à une volatilité croissante ailleurs. Il y a aussi une réallocation des investissements vers les marchés européens, qu’il s’agisse d’actions ou d’obligations souveraines, qui pourraient continuer à soutenir l’euro. Cela dit, un scénario de correction, bien que minoritaire à ce stade, ne peut être exclu. Il pourrait être déclenché par une intervention des autorités monétaires ou un rééquilibrage technique. Un resserrement plus marqué de la politique monétaire américaine, en cas de forte résurgence de l’inflation aux États-Unis, pourrait également inverser la tendance. Enfin, un apaisement géopolitique dans certaines zones de tension, comme le détroit d’Ormuz ou le conflit Israël/Iran, pourrait réduire la prime de risque sur l’euro.
 

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !