Interview

Ambal Jeanne : «C’est dans les mentalités que la femme est la plus discriminée»

Ambal Jeanne

La directrice de SOS Femmes fustige la violence domestique, qu’elle compare à un meurtre. Pour Ambal Jeanne, les femmes victimisées doivent s’affirmer en dénonçant leur mari ou conjoint. Elles ne doivent pas garder le silence et vivre dans la peur.

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« Des inégalités subsistent encore tant sur le plan familial que politique ou professionnel »

Est-ce que la Mauricienne est reconnue à sa juste valeur ?
Plusieurs lois ont été votées pour protéger les droits de la femme. C’est dans les mentalités et les pratiques que la femme est la plus discriminée.

Par exemple ?
Le glass ceiling au niveau de l’emploi, surtout dans le secteur privé. Je dirai que, dans la sphère publique comme privée, les femmes et les jeunes filles sont victimes d’humiliations, de privations, de harcèlements, de viols, de violences, de féminicides, de traitements inhumains et dégradants. Mais souvent, c’est au sein du couple que leurs droits sont le plus souvent bafoués. Des inégalités subsistent encore tant sur le plan familial que politique ou professionnel.

Dans certaines sphères, les femmes sont considérées uniquement bonnes pour s’occuper des enfants et de la maison. Explications ?
Bien qu’une majorité de femmes ont un emploi rémunéré de nos jours, leur responsabilité première dans la société est l’entretien de la maison, l’éducation des enfants. Cela, parce que c’est la culture sexiste d’une société patriarcale qui a établi les coutumes et traditions qui cantonnent la femme dans une sphère privée.

Ces derniers temps, des femmes sont prises à partie par leurs conjoints… jusqu’à la mort. Que se passe-t-il ?
La violence domestique est un comportement destructeur ou agressif dans une relation, visant à exercer son pouvoir et son contrôle sur son partenaire dans un rapport inégal entre l’homme et la femme. Elle se manifeste par des violences physiques, sexuelles, émotionnelles, économiques ou psychologiques ou des menaces. Les effets dévastateurs de la violence domestique entraînent souvent des traumatismes psychologiques, des blessures physiques et parfois la mort. Les conséquences émotionnelles, physiques et psychologiques de la violence domestique peuvent s’étendre sur plusieurs années et même durer toute une vie.

Est-ce que la violence touche toutes les couches sociales ?
La violence domestique peut toucher n’importe qui, quelle que soit sa race, son âge, sa religion ou son sexe. Cela peut arriver aux couples qui sont mariés, qui vivent ensemble ou qui sortent ensemble. La violence domestique touche des personnes de tous les milieux socio-économiques et de tous les niveaux d’éducation.

L’infidélité est-elle l’une des causes des conflits conjugaux ?
L’adultère est certainement cause de conflits dans le couple. Mais en découvrant l’infidélité de l’autre, il faudrait en discuter. Le mariage se vit à deux. Donc, le conflit fait partie du quotidien de tout couple, chaque conjoint doit pouvoir reconnaître ses erreurs, ses fautes et surtout être capable de les assumer. S’il s’avère qu’on ne peut plus vivre ensemble, qu’on se sépare de manière civilisée et qu’on n’exerce pas la violence, jusqu’à tuer dans certains cas.

On a enregistré des cas où des hommes tuent leur épouse pour des raisons banales…
Les violences conjugales ne sont pas des « cas isolés », comme le relatent les journalistes qui parlent de crime passionnel, alors qu’il s’agit de meurtre. La séparation et/ou le divorce ne met pas fin aux violences, car certaines femmes sont assassinées par leur ex. La violence conjugale est un véritable fléau et un réel problème de société causé par la domination masculine. Les hommes violents ont un sentiment de toute puissance et s’octroient le droit de vie et de mort sur tous les membres de la famille. Les enfants ne sont donc pas épargnés et doivent être considérés comme des victimes. C’est un crime d’amour propre, d’orgueil, de jalousie possessive et obsessionnelle, un crime de contrôle total et final sur l’autre.

« Les enfants ne sont pas épargnés et doivent être considérés comme des victimes »

Il y a des mariages qui se font encore par des entremetteurs chez nous. Votre opinion ?
Le mariage aranze, comme on l’appelle, est de plus en plus rare chez nous. Ce n’est pas nécessairement ce genre de relations qui virent au drame. Toute relation émotionnelle entre un homme et une femme peut virer au drame pour les raisons avancées plus haut.

 

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