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Zohra Ellapen, kitesurfeuse : elle a frôlé la mort, mais n’a jamais abandonné sa passion

Zohra Ellapen dit avoir appris la patience, l’humilité et la résilience grâce au kitesurf.

Zohra Ellapen, 33 ans, est une figure rare et audacieuse du kitesurf à Maurice. Résidente de Mare La Raie, elle est la seule femme dans le nord du pays à enseigner cette discipline exigeante. 

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Il y a trois ans, au large de Mare La Raie, un après-midi ordinaire s’est transformé en cauchemar pour Zohra Ellapen. Le regard encore chargé d’émotion, elle raconte cette journée quand la mer a failli lui prendre la vie.

« Une bourrasque a brusquement déchiré mon kite. Le vent s’est levé d’un coup, j’ai perdu le contrôle et j’ai été projetée contre l’eau. Ma hanche a pris un coup terrible et je me suis cassé la cheville. Et j’étais seule. »

Elle reste silencieuse un instant. La mer, cette complice fidèle, s’était montrée impitoyable. Pendant plus de 30 minutes, elle flotte, blessée, impuissante, espérant un miracle.

« Je ne savais plus que faire. Je priais. Et puis j’ai vu un bateau au loin… Je me suis accrochée et je leur ai fait signe. Je me suis évanouie juste après. »

Heureusement, les occupants du bateau la repèrent, la hissent à bord et la transportent d’urgence à l’hôpital. Elle s’en sort après plusieurs mois de convalescence. Mais elle a une seule idée en tête : retourner sur sa planche.

Zohra  Ellapen découvre le kitesurf à l’âge de 16 ans. À l’époque, cette discipline était encore peu connue sur l’île, et encore moins pratiquée par des femmes. « Ces voiles colorées dans le ciel me fascinaient, cette liberté que je voyais dans les mouvements. J’ai su tout de suite que c’était pour moi. »

Aujourd’hui, à 33 ans, elle cumule dix-sept années d’expérience, de chutes, de défis et de passion. Elle est une instructrice certifiée pour débutants et pour professionnels. Et elle est une des rares femmes kitesurfeuses professionnelles à Maurice. Elle est la seule dans le nord à vivre de ce métier.

« On me demande souvent si ce sport est trop physique pour une femme. Mais ce n’est pas une question de force, c’est une question de technique, d’équilibre et d’aptitude. Il faut écouter le vent, lire les vagues, anticiper. C’est presque une danse. »

Forte de son expérience et de sa réputation, Zohra Ellapen a franchi une nouvelle étape : elle a ouvert sa propre école de kitesurf à Mare La Raie. Un projet qu’elle a longtemps mûri et qu’elle gère avec passion et rigueur.

« J’ai voulu créer un espace dans lequel les gens peuvent découvrir le kitesurf dans les meilleures conditions, en toute sécurité, et surtout, avec du cœur. »

Elle y propose des cours adaptés à tous les niveaux : débutants, intermédiaires, confirmés. Elle organise également des sessions privées, des stages sur plusieurs jours et des découvertes pour les plus jeunes. L’école attire des Mauriciens et des touristes étrangers.

Chevaucher les vagues

Être une femme dans un univers encore largement masculin n’est pas simple. « Au début, on me regardait avec scepticisme. Certains clients préféraient les moniteurs hommes. Mais une fois que je suis sur l’eau, que je montre ce que je peux faire, les doutes se dissipent. »

Sa pédagogie, sa patience et sa parfaite maîtrise du matériel en ont fait une instructrice très respectée. Elle a même accompagné plusieurs élèves lors de compétitions locales. Certains, à son image, maintenant d’aller plus loin.

Elle a participé à plusieurs compétitions à Rodrigues et à La Réunion. « Chaque compétition est une remise en question. Ça me pousse à donner le meilleur de moi-même. »

Zohra Ellapen a transformé sa passion en gagne-pain et en mission. « Le kitesurf m’a appris la patience, l’humilité, la résilience. C’est une école de vie. »

Elle évoque avec émotion les enfants qu’elle initie gratuitement de temps en temps. « Certains n’ont pas les moyens de suivre un cours structuré. Quand je peux, je les invite, je leur prête le matériel. Ils ont le sourire après avoir glissé sur l’eau pour la première fois : “ Ça n’a pas de prix ”. »

Zohra Ellapen vit en harmonie avec les éléments. Sa journée commence tôt. Elle prend connaissance de la météo. Elle surveille les vents, planifie les leçons, vérifie son matériel. « Chaque journée est différente. Parfois, il n’y a pas assez de vent. D’autres fois, c’est trop fort. On doit toujours s’adapter. »

Elle s’entraîne aussi régulièrement pour garder son niveau : gainage, natation, yoga. « Il faut garder le corps prêt. Mais le plus important, c’est la connexion avec la mer. »

Quand on lui demande si elle a eu peur de reprendre ses activités après son accident, elle sourit.
« Bien sûr que j’ai eu peur. Mais j’aime trop ce sport pour arrêter. Cet accident m’a rendue plus forte, plus prudente aussi. »

Elle ne se voit pas faire autre chose. Son bureau, c’est la mer. Son moteur, c’est le vent. Et son plus grand bonheur, c’est de voir ses élèves, petits et grands, s’élever dans les airs, portés par une voile, grâce à elle.

Zohra Ellapen incarne la résilience, la passion et le courage. À travers le kitesurf, elle a trouvé non seulement sa voie, mais une mission. Elle ouvre la voie aux autres, surtout aux femmes, et leur prouve que tout est possible.

Ajagen Koomalen Rungen et Azeem Khodabux

 

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