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Violence conjugale, chantage, photos intimes : malgré un Protection Order, elle est menacée chaque jour 

L’œil tuméfié de Sabrina et un visage marqué par la peur témoignent de son calvaire. Les ecchymoses sur la jambe de Sabrina racontent un épisode de brutalité de plus.
  • Sabrina : « Il m’a battue alors que j’avais mon bébé dans les bras » 

Sabrina (prénom d’emprunt), 33 ans, mère de deux enfants, vit dans un faubourg de la capitale. Officiellement protégée par la justice – à coups de plaintes et d’ordonnance de protection –, elle reste pourtant menacée chaque jour. Son quotidien est marqué par la peur, les blessures, les silences imposés. Son témoignage bouleversant révèle les failles d’un système qui, malgré les apparences, ne protège pas toujours. 

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Aujourd’hui, elle n’en peut plus. Elle appelle à l’aide. Son message s’adresse au ministère de l’Égalité des genres : elle veut vivre. Elle veut reconstruire sa vie et offrir un avenir paisible à ses enfants. « Combien d’entre nous doivent finir mortes comme Madame Nawsheen Chady pour que quelqu’un réagisse ? » demande-t-elle, secouée par le meurtre de cette mère de famille de 37 ans tuée par son mari, Safwaan Chady, à Saint-Pierre, le 10 juillet dernier. 

Espoir d’un nouveau départ

Comme tant d’autres femmes, Sabrina a d’abord cru en un nouveau départ. Battue dans son premier mariage, elle trouve le courage de quitter son époux en 2015, après quatre années de vie commune. Son fils n’est encore qu’un bébé de onze mois. Sans autre issue, elle s’installe chez ses parents. Elle espère tourner la page. 

Mais en 2020, alors que le monde est confiné et que les liens se font et se défont derrière les écrans, elle fait la connaissance d’un homme via les réseaux sociaux. Âgé de 38 ans, cet habitant de Pailles semble attentionné, doux et compréhensif. Très vite, Sabrina y voit une seconde chance, comme un coup de pouce du destin. « Il me promet le mariage. Il dit m’aimer, me valorise. Je suis vulnérable. J’ai besoin d’y croire », confie-t-elle, la voix nouée. 

Derrière les promesses, la réalité revient comme un boomerang, implacable, dure. L’homme commence par lui demander de l’argent. Il lui parle de dettes qu’il a envers son oncle. Il lui parle aussi des frais de clinique de ses parents. Par amour, Sabrina accepte de l’aider. Elle avance jusqu’à Rs 50 000. Puis tout s’accélère. 

Durant leur relation, il lui extorquera, selon elle, près de Rs 500 000. « Li finn mem fer mwa pran Loan kot CIM me zame li finn peye. Zordi ankor mo pe pey sa det la », déplore-t-elle. 

En mai 2020, Sabrina change d’emploi et se fait embaucher comme réceptionniste dans une entreprise à Port-Louis. Le comportement de son compagnon change brusquement. Jaloux et possessif, il devient violent. « Chaque jour, quand je reviens du travail, il m’accuse d’avoir un amant. Il me gifle, puis il s’excuse. Je pardonne. Mais ce n’est alors que le début d’une descente aux enfers. » 

Terreur quotidienne 

Les agressions se multiplient. Un jour, en mai 2021, il tente de la poignarder avec un couteau dans sa voiture. « Il me menace. Il me dit que si je le quitte ou si je vais à la police, il me tuera et me défigurera. Je commence à vivre dans l’ombre. J’ai peur. Je camoufle mes blessures avec de faux prétextes. » 

Malgré tout, elle reste. Par peur. Par résignation. Par naïveté : celle de croire qu’il changera. En août 2021, elle emménage avec lui, espérant éviter d’éveiller les soupçons de ses parents sur le fait qu’elle est une femme battue. 

Sabrina affirme qu’il la filme à son insu pendant leurs relations intimes. Lorsqu’elle lui demande de supprimer les images, il la culpabilise : « Ler mo dir li ‘delete’ sa, li dir mwa ‘to pa fer mwa konfians, to mefie mwa’. Mo telman per li ki mo pa kapav fer nanie. » 

Quelque temps après, il lui montre ces vidéos, sans jamais apparaître lui-même à l’image. Puis il la menace : « Si to al lapolis e si to kit mwa, mo larg to video lor rezo sosio. » Les fichiers sont conservés sur plusieurs clés USB, cachées. À cela s’ajoutent les insultes, les agressions, et même une cigarette écrasée sur sa peau. 

Une grossesse sous les coups 

Sabrina tombe enceinte. Commence alors un nouveau scénario de violence : son concubin lui reproche que l’enfant n’est pas de lui. Il l’accuse d’infidélité, l’emmène chez un gynécologue pour s’informer sur un futur test ADN : « Zot dir li kan li fini ne ki fer test ADN. »

Épuisée, à bout et n’arrivant plus à supporter les coups, elle retourne chez ses parents à six mois et demi de grossesse. En février 2024, elle accouche. Mais l’enfer continue. Il revient, rôde et la menace par téléphone. En juin 2024, il vient sous prétexte de voir l’enfant. Il n’hésite pas à frapper Sabrina sous les yeux de sa mère. 

Lorsque sa mère intervient, il l’agresse également. Sabrina se rend à l’hôpital pour des soins puis dépose une plainte pour violence domestique au poste de police de Plaine-Verte. Mais son concubin n’est pas arrêté.

Le 16 février 2025, un nouvel épisode tragique. Prétextant vouloir fêter l’anniversaire du bébé, il propose une sortie avec l’enfant. Sabrina accepte, à condition toutefois qu’il le lui ramène plus tard. Mais c’est un piège. 

Dans la soirée, lorsqu’il ramène le bébé, il demande à Sabrina de descendre pour le récupérer. Là, il la force à monter dans sa voiture, lui remet l’enfant, puis la tabasse violemment. « Mo ti pe tini mo baba dan mo lame ek li finn koumans bat mwa bien mem dan loto. Apre linn dir mwa desann ale. »

Souffrance psychologique 

Blessée, elle est conduite à l’hôpital. Le lendemain, elle dépose une plainte. Il est arrêté sous une accusation provisoire de violence domestique, puis aussitôt libéré sous caution. Ce n’est qu’en février 2025 qu’un premier Protection Order est émis – pour trois mois. Mais les menaces persistent. Il continue à la harceler. Il la suit, la surveille, lui envoie des messages vulgaires et menace de diffuser des photos. 

Le 7 juillet 2025, elle dépose une nouvelle plainte contre lui pour non-respect d’une ordonnance de protection. Il est par la police le même jour et libéré sous caution. Pendant la période du 23 mars au 16 mai 2025, il lui a envoyé des messages obscènes et menaçants. Des mots qui ont profondément affecté Sabrina. Elle est d’ailleurs désormais suivie psychologiquement, prise en charge par le ministère de l’Égalité des genres et du Bien-être de la famille. 

Le 9 juillet, elle obtient enfin une Protection Order de deux ans. Le même jour, une vidéo intime est publiée sur les réseaux sociaux. Une vengeance. Une humiliation supplémentaire. Il l’accuse d’en être l’auteure, comme pour inverser les rôles. 

« Je veux vivre. Je veux que mes enfants grandissent sans peur. J’ai tout fait : crié, fui, porté plainte. Il est toujours libre. » Sabrina ne veut plus simplement une arrestation. Elle veut une vie. Elle veut la paix. Elle veut que les autorités agissent concrètement. 

Son témoignage n’est pas un simple fait divers. C’est un signal d’alarme. Elle a tout documenté : photos, vidéos, certificats médicaux, plaintes officielles. Elle a fait sa part. La balle est désormais dans le camp de ceux qui peuvent sauver des vies. Agir maintenant, c’est prévenir l’irréparable. 

 

 

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