Il dit avoir frôlé la mort. Clifford Esther affirme que ce serait un élément de la force policière qui lui aurait tiré dessus. Cette affaire remonte à mars 1982. Aujourd'hui, l'homme accuse les autorités de l'avoir laissé vivre « comme un mort-vivant ».
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5 mars 1982. Une détonation retentit dans un campement, à Rivière-Noire. C’est la police qui a ouvert le feu sur un jeune homme. À première vue, c’est un raid qui a mal tourné, laissant pour mort Clifford Esther, âgé de 22 ans. Pire encore, il a été atteint à la bouche. La balle lui traversera le crâne.
Ses chances de survie sont minimes. Pourtant, quelques semaines plus tard, après un coma profond, Clifford se réveille dans son lit d’hôpital. Il ne souvient pas trop de ce qui s’est passé, mais constate qu’il n’est plus lui-même, qu'il est diminué. Lui, le bel homme que l'on considérait à cette époque comme un playboy qui faisait chavirer le cœur de ces dames, surtout les touristes.
À 22 ans, un bel âge, Clifford Esther, lui, voit sa vie de jeune dans le vent gâchée. Il déplore cet acte de brutalité policière qui a eu de lourdes conséquences (et pas des moindres) sur son quotidien. Le blessé constate qu’il a perdu l’usage de l’œil gauche, que l’acuité visuelle de celui de droite a baissé, que son bras droit est paralysé et qu’il ne sent plus une de ses jambes. C’est la consternation totale.
Ses proches l’informent qu’il est handicapé à cause de l’impact d’une balle dans la tête. Il éprouve même des difficultés à s’exprimer.
35 ans se sont écoulés depuis. Clifford Esther, âgé de 57 ans aujourd’hui, ne s’est jamais remis de cette blessure. Cet habitant de Baie-du-Tombeau vit avec une pension d’invalide de Rs 5 000 par mois. Il réclame toujours justice. Mais, la police parle d’une opération de grande envergure à l’époque et d’avoir agi en état de légitime défense. À la suite de cette « bavure policière », Clifford Esther avait attaqué l’État en justice et réclamé Rs 3 millions d’indemnités. Malheureusement pour lui, il n’a jamais reçu le moindre sou. « Mon procès en réclamation a été rejeté et faute de moyens financiers, je n’avais pu aller en appel à cette époque. »
Une histoire d’amour interdite
À 22 ans, Clifford Esther, ancien élève du Saint-Esprit, est musicien et footballeur. Son père était, lui, enseignant du collège Royal de Port-Louis. En 1981, le jeune homme fait ses débuts comme chanteur à l’hôtel La Pirogue. Un soir, au bar de l’établissement, il rencontre Margaret Anna Lang (24 ans), une Allemande en vacances, à Maurice, accompagnée de son mari. C’est une rencontre fatale où les deux amants décident de se voir en catimini. Quelques jours après, l’Allemande décide de fuguer pour venir vivre avec Clifford. Le couple s’installe à L’Oasis, un pensionnat chic, à Rose-Hill. Michel, l’époux de Margaret, dépose une plainte à la police de Bambous.
La police de Bambous fait une descente dans le pensionnat. « Un policier, que je connais sous le nom de Jean-Marie, m’a demandé de venir au poste de police de Bambous et m’a informé que Michel était à la recherche de sa femme. J’avais peur qu’on m’emprisonne. Michel a-t-il récupéré son épouse et reparti ? Moi, j’ai été réprimandé par le policier. Il m'a dit de ne pas « voler » la femme d’un étranger. J’ai été ensuite autorisé à rentrer chez moi », se remémore Clifford.
Il dit avoir sollicité les conseils d'un avocat de l’époque. « L’homme de loi m’a fait comprendre que je pouvais vivre en toute liberté avec Margaret et que, légalement, rien ne pouvait s’opposer à notre union. »
Ainsi, Clifford prend un taxi et part récupérer Margaret qui décide de quitter son mari pour de bon. Le couple s’installe à nouveau à L’Oasis. Cependant, la jeune femme regagne l'Allemagne, son visa ayant expiré. Une dizaine de jours plus tard, elle revient à Maurice et le couple s’installe dans un campement, à Rivière-Noire, où le drame s’est produit. « Margaret m’a informé que le policier que je connais l’attendait à l’aéroport et l’avait insultée parce qu'elle était revenue ici. Il est venu au campement et a demandé à Margaret si elle comptait partir et quand. Il exerçait des pressions sur nous. Mais nous n'y prêtions aucune attention. »
Le 5 mars 1981, un ami de longue date de Clifford, est venu s'installer chez le couple. Vers 4 heures du matin, plus d’une trentaine de policiers font irruption chez Clifford — Special Support Unit, chiens renifleurs, Special Mobile Force et un sergent — tous armés jusqu’aux dents.
Black-out
« Zot rantre ek anserkle partou. Zot dir Sylvio kote. Nou pe demande ki Sylvio. Un polisier donn mwa enn kout kross revolver lor mo latet. Apre mo santi enn fizi rant dan mo la bouss ek mo gayn blackout. Ti ena enn dizenn polisier presan », raconte Clifford.
Cette opération policière, à Rivière-Noire fait suit à un hold-up commis le 24 février 1982, où trois personnes étaient impliquées. Mais Clifford rejette toute implication dans cette affaire.
D'ailleurs, la police n’a rien trouvé de compromettant chez lui ce jour-là. « Mari Margaret finn paye pou fer moi di mal. Parski li pa ti dakor ki so fam finn kit li pou vinn ar mwa. Me zame lanket ti fer kouma bizin dan sa bavir la polis-la. Leta pa finn mem ed mwa. Zot finn less mwa viv kouma enn mor vivan depi 5 mars 1982. »
Pour dénoncer ce qui est considéré comme une injustice, un livre a été mis sous presse en 2007. L’ouvrage relate le drame du 5 mars 1982 sous le titre : Clifford Esther plus qu’un martyr !
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