
Son appel à une plateforme commune réunissant l’opposition extraparlementaire est resté lettre morte auprès des partis hors de l’hémicycle. Pourtant, Nando Bodha, du Rassemblement Mauricien (RM), reste ferme sur sa position : selon lui, affronter seul un gouvernement aussi puissant revient à foncer droit dans le mur.
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Pourquoi ce besoin d’avoir une plateforme commune de l’opposition ?
J’avais souhaité bonne chance au gouvernement en disant qu’il ne fallait pas rater ce troisième 60-0 après 1982 et 1995. Mais hélas, nous vivons un désastre. Navin Ramgoolam n’a pas changé et ne changera pas. Pire, il est un mauvais Premier ministre.
Un gouvernement de 60-0 qui a trahi la confiance du peuple avec de fausses promesses, qui a un mandat de quatre ans et demi avec un Parlement sans opposition réelle. Il y aura des velléités de toutes sortes d’abus d’un côté, et les grandes réformes attendues de l’autre. La réforme de la pension et le Budget qui sacrifie le peuple sont des urgences à combattre.
Combattre seul ou de manière isolée ne mènera nulle part. Exemples : la manifestation de Bruneau Laurette et celle des syndicats le même jour à Rose-Hill et à Port-Louis, une troisième manifestation au Plaza, à Rose-Hill, qui ne consolide pas le momentum, les débats à la radio et au Parlement, une action juridique envisagée par Me Sanjeev Teeluckdharry, la grève de la faim de Dave Kissoondoyal. Il y a aussi eu une tentative d’un Lundi cordonnier. Ce sont des actions isolées qui ne créent pas la dynamique.
Parmi tous ceux qui s’opposent à la réforme de la pension, rares sont les dirigeants qui étaient présents lorsque Dave Kissoondoyal menait sa grève de la faim dans le froid de Nouvelle-France. Pourquoi ? Celle de Nishal Joyram avait été un succès de mobilisation, parce qu’il y avait une organisation, un encadrement.
Me Sanjeev Teeluckdharry travaille sur une action en justice, pourquoi ne pas avoir un panel très large avec des juristes de tous côtés ? Il faut un rempart national. Je pense au pays avant tout. Navin Ramgoolam, avec un 60-0, est capable de tout. Plus tard, il faudra une alternative. Elle viendra. L’Alliance du Changement a mis quatre ans pour se structurer.
Il n’est pas du tout question d’alliance, de tickets, de combat électoral. Mon expérience, mon vécu politique et mon analyse politique m’orientent dans cette direction.
Est-ce que ce rôle est réservé à quelqu’un ? Mon sentiment, c’est une action commune d’hommes et de femmes de bonne volonté. J’ai pris contact avec beaucoup de dirigeants dans ce sens. J’ai eu des réactions très encourageantes de certains parmi eux. J’ai aussi découvert le vrai visage et l’ambition d’autres… Je ne suis pas de ceux qui dénigrent les frères d’armes d’hier en fonction des intérêts du jour. Je constate et je continue ma mission.
Nous ne sommes pas en période électorale, il n’est pas question d’alliance, de tickets»
Il y a bien eu une plateforme Linion Moris/Reform Party/Rassemblement Mauricien qui n’a pas résisté à l’épreuve des urnes aux dernières législatives. Vous tentez de nouveau le coup ?
La plateforme avait su créer une dynamique avec une belle équipe et un programme d’un vrai changement. On parlait alors d’une bataille à trois et de la possibilité d’un hung Parliament et des alliances post-électorales. Missie Moustass a tout balayé et nous sommes ses premières victimes. Il y a eu une psychose accentuant un rejet total du régime sortant en faveur de l’Alliance du Changement, alors qu’une grande majorité des indécis ne voulait toujours pas de Navin Ramgoolam.
La politique n’aime pas le vacuum, dit-on. Est-ce que ce vide demande à être rempli et par qui ?
C’est ce vide que nous devons remplir. Le pacte de confiance entre le gouvernement et le peuple est brisé. Il ne pourra pas le rétablir avec un avenir qui s’annonce difficile, une plus grande misère qui est inévitable, qui pourra déboucher sur une grande crise sociale dans la rue. Nous ne sommes pas en période électorale, il n’est pas question d’alliance, de tickets. Si une tension sociale éclate demain, sous l’effet de la politique ‘dominer’ de Ramgoolam, et que le pays risque de s’embraser, il nous reviendra de choisir à qui lancer l’appel.
Le Reform Party a été sévère vis-à-vis de votre demande et dit ne pas vouloir que l’on « mont dadak » sur son parti qui se débrouille bien seul. Vous lui répondez quoi ?
Heureusement que l’arrogance ne tue pas. Le vernis d’humilité lors du lancement de Linion Reform a disparu aussitôt. Pour ce qui est de la question de « mont dadak », pourquoi le Reform Party avait-il imposé que, quels que soient les résultats, le poste de leader de l’opposition lui revienne ? Alors que nous avions réussi à créer une plateforme de 10 formations politiques comme une équipe. Et puis, pourquoi dois-je consulter Roshi Bhadain ? J’ai fait un appel, je prends note de sa réaction.
Missie Moustass a tout balayé et nous sommes ses premières victimes»
Rama Valayden a été catégorique : pas question de travailler sur la même plateforme que le MSM, accusé de tous les maux de la terre. Réaction ?
J’ai été surpris. Je croyais que, pour lui, l’intérêt national allait primer sur tout. S’il y a quelqu’un qui devrait comprendre ma démarche, c’est bien Rama Valayden.
Le MSM serait comme un repoussoir, même si ce parti n’a pas encore dit s’il compte rejoindre cette plateforme. Pourquoi avoir brassé si large ?
J’ai brassé large, le parti est dans l’opposition, le leader de l’opposition est un membre du MSM. Tous les hommes de bonne volonté doivent se battre pour des causes nationales. Un exemple : lors de la manifestation de février 2021, organisée par Bruneau Laurette, tous les partis de l’opposition parlementaire et extraparlementaire, députés ou candidats battus, étaient solidaires et présents sur un appel d’une plateforme nationale pour une même cause. On a fait toutes sortes d’allusions à mes déclarations lors de mon départ du MSM. L’odeur de la mort, par exemple.
Bien sûr, c’est toujours sacré pour moi. Il faut que la vérité sorte, il faut que justice soit faite. Ceux qui sont responsables doivent faire face à la justice. Nous sommes dans un État de droit, un pays de paix. Ramgoolam avait promis de faire la lumière. Missie Moustass l’a fait gagner les élections. Il devrait pouvoir aider dans l’affaire Kistnen.
Concernant la gouvernance, je suis d’avis que, quand on a le pouvoir, on doit gouverner pour le peuple. On doit avoir des institutions libres avec des hommes et des femmes intègres. Le pouvoir ne doit jamais être cadenassé. Le pouvoir ne doit jamais être la propriété de qui que ce soit. Il y a les structures, les institutions et les instances, et elles doivent fonctionner sans ingérence. C’est mon combat, hier, aujourd’hui et demain.
Le tout dernier à avoir formellement rejeté votre proposition est En Avant Moris de Patrick Belcourt, qui vous accuse d’être coupé de la réalité du terrain.
Patrick Belcourt est un nouveau leader qui a ses qualités et je lui souhaite bonne chance pour le futur sur son terrain de prédilection : sa circonscription.
Votre avis sur le Finance Bill ? Quels sont les amendements qui vous chiffonnent le plus ?
C’est une « omnibus legislation » qui va sûrement passer comme une lettre à la poste. Je vais seulement énumérer quelques priorités. Navin Ramgoolam persiste et signe sur la pension à 65 ans. C’est grave. On aurait pu faire autrement et trouver des solutions autour des 60 ans. La TVA pour les PME ayant un chiffre d’affaires de Rs 6 millions est une mesure qui paralyse les petits entrepreneurs. La diminution du ‘top up’ sur le salaire minimum va augmenter la misère dans beaucoup de foyers.

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