L’homme, considéré comme le « diable incarné » à cause des moyens qu’il a utilisés pour mettre un couple d’Albion sur la paille, vient de refaire parler de lui. C’est au sein d’une société religieuse dans le Nord qu’il s’est manifesté. Il a été stoppé à temps, avant d’être expulsé avec le concours de la police.
Il s’agit de A.S.F., un repris de justice comptant une série de condamnations pour divers cas d’escroquerie. Il s’est aussi fait passer pour un facilitateur auprès d’un couple d’étrangers à la recherche du passeport mauricien. Il a fini par leur soutirer une somme d’un demi-million de roupies, avant de disparaître.
Comment s’est-il laissé prendre cette fois ? Il advient qu’il s’est jeté dans la gueule du loup. Il est parvenu à se faire admettre comme résident au sein de la société religieuse qu’il avait pris pour cible. Ce qu’il ignorait, c’est que le vice-président de la société était un policier perspicace. Il s’agit du constable Vedanand Beekharry, posté à la Divisional Support Unit du Nord.
« En examinant son comportement, on lui donnerait le Bon Dieu sans confession », dit le policier. « Mais certains faits troublants ne sont pas passés inaperçus. Il n’a cessé d’annoncer, depuis décembre, l’arrivée en provenance de France de sa femme. C’est lorsque cette dernière aura foulé le sol mauricien, que ses engagements pourraient être réalisés, disait-il. C’est-à-dire, le virement d’un montant d’aide de Rs 20 millions au profit de la société religieuse pour permettre à cette dernière de réaliser un ambitieux projet de construction d’une école à Nouvelle-Découverte. »
Il s’est aussi fait passer pour un auteur bien connu, qui aurait publié un livre chez Hachette, tiré à 7 millions d’exemplaires et intitulé ‘Mon père, ce génie’. J’ai cherché son nom sur Internet. Aucune trace ni de lui, ni de son fameux livre»
« À chaque fois, la date de retour de sa femme était reportée. L’homme cherchait tout bonnement à gagner du temps pour continuer à être logé, blanchi et nourri aux frais de la société. Déjà, j’avais commencé à me méfier », explique le constable Beekharry.
Un développement majeur devait mettre le policier sur une piste sérieuse. C’était lorsqu’un membre du comité est arrivé avec un exemplaire de Le Dimanche/L’Hebdo dans lequel un article, en une, parlait du calvaire du couple d’Albion, victime d’un homme prétendument richissime et propriétaire d’un bungalow à Calodyne, dans le Nord.
En parcourant cet article, le constable Beekharry tombe des nues. Le discours de l’homme qui a détruit la vie du couple d’Albion ressemblait en tout point à celui que tenait l’homme... providentiel qui venait de débarquer dans la vie de la société.
C’est-à-dire, son épouse qui est en France, le bungalow dont il est le propriétaire à Calodyne, les grosses sommes d’argent qu’il possède et qu’il est prêt à distribuer, ses contacts privilégiés avec l’un des membres les plus influents de la Mauritius Commercial Bank...
A.S.F était tellement convaincant qu’à un moment, le comité avait même réuni tous ses membres pour parler très sérieusement des nouvelles opportunités qui se présentaient à eux pour démarrer le projet de construction de l’établissement scolaire.
Mais on devait, en fin de compte, réaliser que le respectable A.S.F, qui parle avec un accent français, menait tout le monde en bateau.
Il était convenu, de la part des membres de la société, qu’il fallait mettre un terme à ses activités et qu’on allait entrer dans son jeu.
Le constable l’a même invité à dîner chez lui, à l’occasion de son anniversaire, le 7 janvier 2018. C’était dans le but de lui tirer les vers du nez. « Avant de passer à table, il n’a même pas pris la pleine de se laver les mains, chose inhabituelle pour quelqu’un qui a vécu en Europe », nous confie le policier.
« Puis, il a des dents de devant cassées. Il aurait bien pu régler ce petit détail avec tout son argent. Ou encore s’acheter une bonne montre. Celle qu’il portait avait la vitre endommagée. Pourtant, il avait promis à chacun des membres du comité une montre de la marque Tissot. »
« Mon père, ce génie »
Autant de signes, pour le constable Beekharry, que l’homme en face de lui n’était définitivement pas celui qu’il prétendait être.
« Il s’est aussi fait passer pour un auteur bien connu, qui aurait publié un livre chez Hachette, tiré à 7 millions d’exemplaires et intitulé Mon père, ce génie. J’ai cherché son nom sur Internet. Aucune trace ni de lui, ni de son fameux livre. »
Ainsi, pour le policier, le sort de l’escroc était scellé. D’où sa décision de pousser plus loin ses investigations, menées avec le concours d’un autre policier, le constable Kissoon, du National Security Service.
Finalement, l’homme a été convoqué à une réunion de l’exécutif de la société. Il s’y est présenté sans se méfier. C’est là que le policier l’a appelé de son vrai nom : « Tout korek, Missie F… ? » Celui-ci était en état de choc, mais n’a pas bougé, ni prononcé une parole. Alors, le policier l’a présenté à l’assistance comme un arnaqueur ayant passé plusieurs années en prison pour divers escroqueries.
À la fin, un membre du comité a demandé à A.S.F si tout ce qui venait d’être dit sur son compte était la vérité. Il a répondu par un oui.
Par la suite, la police, mandée sur les lieux, l’a embarqué pour être conduit au poste de St-Pierre. Il a dû s’engager par écrit à ne plus s’aventurer dans les périmètres de la société religieuse. Puis, il a été autorisé à partir.
A.S.F, le juif errant : son mode opératoire
N’ayant nul part où aller, A.S.F doit se trouver un logis et de la nourriture. La dernière fois, il a décidé de se rendre à l’hôpital avec l’intention de s’y faire admettre sous le nom d’A.S.A.
Il a dit au médecin qu’il souffrait de la tête et qu’il pensait avoir une tumeur au cerveau. On a pris son cas au sérieux et on lui a fait subir une batterie de tests, dont des examens aux rayons X.
Pendant son séjour à l’hôpital, il a fait la connaissance d’un membre de la société religieuse. Celui-ci lui a exposé le grand projet de de construction sur un terrain de cinq arpents obtenu du gouvernement. A.S.F a pris soin de recueillir le maximum d’informations sur la société religieuse.
À sa sortie de l’hôpital, il a été directement voir le doyen de la société : « C’est fort louable tout ce que vous faites, lui a-t-il dit, mais une personne âgée comme vous ne doit pas vivre tout seul. Je peux rester près de vous jusqu’à l’arrivée prochaine de ma femme, qui vit en France. »
Il s’est présenté sous le nom d’A.S.I. Il a expliqué qu’il avait une tumeur et qu’il ne lui restait pas beaucoup de jours à vivre. Il voulait aider le centre à concrétiser son projet. L’argent qu’il comptait offrir provenait d’intérêts qu’il ne pouvait toucher personnellement.
Le doyen n’a pas refusé sa proposition.
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