La réforme du secteur public est une priorité, soutient Tim Taylor, Chairman de CIM Group. Mais le gouvernement n’aura pas la tâche facile et devra notamment composer avec les lobbys des groupes qui profitent du système actuel.
Pravind Jugnauth veut réformer le secteur public. Ainsi, des fusions et des restructurations sont à prévoir au sein des institutions publiques. Comment accueillez-vous cette décision ?
J’accueille favorablement l’annonce du ministre Pravind Jugnauth selon laquelle il va réformer le secteur public. Maurice est actuellement une économie à revenu intermédiaire et, à juste titre, l’ambition de ce gouvernement, tout comme des gouvernements précédents, est de faire de Maurice, grâce au développement économique, une économie à revenu élevé. Toutefois, cela ne se fera pas sans une réforme sérieuse au niveau du secteur public.
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Actuellement, le secteur public n’apporte pas assez de valeur par rapport à ses coûts. Il n’y a rien de surprenant à cela, car depuis l’Indépendance, il n’y a pas eu de véritable restructuration dans le secteur public. Au fait, au cours de ces années, il y a eu des degrés supplémentaires de complexité avec la création de nombreux régulateurs et d’autres institutions publiques. Faisons la comparaison avec le secteur privé. Au cours de ces 50 dernières années, en moyenne, chaque entreprise/groupe du secteur privé s’est engagé dans au moins cinq à huit exercices fondamentaux de réorganisation et restructuration.
« Je suis convaincu que dans les années à venir, nous allons avoir un plus grand nombre de femmes directrices »
Ce n’est pas la première fois qu’on parle de réformer le secteur public. Pourquoi rien de concret ne ressort malgré les bonnes intentions de l’État ?
C’est vrai les gouvernements précédents ont parlé de
réformer le secteur public, mais peu de choses ont été concrétisées. C’est parce qu’une réforme est relativement complexe et si elle est faite correctement, elle remettra en question beaucoup de sagesses populaires, et peut donner lieu à des changements considérables et sortir les gens de leur zone de confort. La réforme n’est pas une solution miracle. Elle prendra des années à se mettre en place. Pour toutes les raisons évoquées, je dirai qu’à court terme, ce ne sera pas un ticket gagnant.
Selon vous, la réussite de cette réforme passera par la détermination du ministre des Finances à ne pas reculer face aux pressions. Qui sont ceux qui se cachent derrière les lobbys ?
Oui, le succès dépend de la détermination du ministre Pravind Jugnauth. Je suppose qu’il va d’abord définir le processus, puis rechercher le soutien de ses collègues du Cabinet, avant de réellement lancer le processus. En ce qui concerne les lobbies, ils viendront des groupes qui bénéficient du système tel qu’il est. Qui sont ces groupes, me direz-vous ! Ce sont les employés, directeurs et les présidents des corps parapublics et des ministres (leur pouvoir de favoritisme sera affecté négativement). Les récents événements à la Mauritius Shipping Corporation Ltd (MSCL) ne sont guère encourageants. Ces cinq dernières années, MCSL a perdu Rs 260 millions. Après un processus de revue, la direction et le conseil d’administration ont identifié 82 personnes comme étant surnuméraires. Un plan de mise à la retraite volontaire (VRS) leur a été proposé. Puis, après diverses pressions, cette liste a été ramenée à 30, puis à 15. Quatre personnes ont accepté le VRS tandis que les 11 autres personnes ont porté l’affaire devant l’Employment Relations Tribunal qui, apparemment, leur a accordé Rs 30 millions.
Que faire justement face à ces pressions ?
Il faut du courage et de l’unité au sein du Cabinet. Il faudrait aussi mettre en place une stratégie de communication de haut niveau, afin d’expliquer la pertinence des changements qu’implique la réforme du secteur public.
Avons-nous les moyens d’instaurer une vraie culture d’efficience dans la fonction publique et les corps parapublics ?
Il est vrai que les entreprises du secteur privé ont des faiblesses et des défauts. N’empêche, au fil des années, la plupart d’entre elles sont devenues plus efficaces, plus productives et se sont rapprochées des consommateurs. L’hôtellerie, l’industrie de la mode et le secteur financier sont aujourd’hui compétitifs sur la scène mondiale. Les employés du secteur privé et du secteur public proviennent du même bassin de talents : la population mauricienne. Par conséquent, à première vue, il n’y a aucune raison de ne pas croire que nous ne pouvons pas avoir un secteur public efficace. Toutefois, pour arriver à ce résultat, il est essentiel qu’un cadre compréhensif soit défini et qu’il y ait une gestion compétente et honnête au sein de divers ministères et organismes du secteur public. Et finalement que les ministres se tiennent davantage en retrait pour laisser la gestion entre les mains du management, et ce sous la supervision du conseil d’administration.
Le gouvernement entend concrétiser des projets de développement d’un montant de Rs 153 milliards sur les cinq prochaines années. Ne craignez-vous pas que les lourdeurs administratives puissent freiner la mise en œuvre de ces projets avec l’impact qui pourrait en résulter sur la croissance ?
Mobiliser des ressources à cette échelle va toujours être difficile. Il est évidemment vital que Maurice puisse rentabiliser sur son investissement. Dans cette optique, il est essentiel que chaque ministère et organisme du secteur public concerné soit informé de ce qu’on attend de lui et s’organise en conséquence.
Le gouvernement veut aller plus loin dans l’émancipation économique de la femme. Ainsi, dorénavant, les entreprises listées devront obligatoirement avoir au moins une femme au sein de leur conseil d’administration. En tant qu’ancien président du comité national sur la bonne gouvernance, comment accueillez-vous la démarche des autorités ?
Au cours de ces dernières années, les femmes ont gravi les plus hauts échelons du secteur public. Dans le secteur privé également, on retrouve beaucoup de femmes à des postes de cadres intermédiaires et supérieurs. Cependant, au sein des conseils d’administration du secteur privé, il y a eu très peu de progrès. Par conséquent, je salue cette mesure. Dans le code révisé de la gouvernance d’entreprise, la question de femmes occupant les postes de direction est également abordée. Et les conseils d’administration sont encouragés à nommer des femmes comme directrices. Il est clair qu’avoir une directrice au sein d’un conseil d’administration n’est qu’un début. Je suis convaincu que dans les années à venir, nous allons avoir un plus grand nombre de femmes directrices.
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