
L’annonce de la suppression de la ‘Registration Duty’ a été accueillie avec enthousiasme. Mais sur le terrain, c’est une autre histoire : des centaines de personnes patientent chaque jour à l’Emmanuel Anquetil Building, dans des conditions éprouvantes. Un service public saturé, des usagers frustrés, et des journées entières perdues pour une formalité de quelques minutes. Reportage au cœur d’un système à bout de souffle.
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Mardi 8 juillet. Il est 7 h 20 et le soleil vient à peine de pointer le bout de son nez sur la capitale. Au bâtiment Emmanuel Anquetil, Port-Louis, une file s’étire déjà sur plusieurs dizaines de mètres. Les visages sont encore endormis, mais les mains sont pleines : enveloppes contenant cartes d’identité, certificats de ‘horsepower’, actes de vente. Tous sont là pour une seule raison : enregistrer leur véhicule.
La scène est presque irréelle. Certains sont là depuis 5 h 30. D’autres ont pris un jour de congé, espérant en finir rapidement. Mais très vite, la réalité les rattrape : la file progresse lentement, les guichets n’ouvrent qu’à 9 heures, et les places sont limitées.
À 9 h 10, la queue atteint l’entrée, longeant les murs, contournant les autres bureaux se trouvant dans ce bâtiment. À l’intérieur, des préposés commencent à vérifier les documents. Ceux qui sont en règle reçoivent un ticket numéroté. Les autres, ceux qui arrivent trop tard ou dont les papiers sont incomplets, sont invités à revenir le lendemain. Une annonce qui provoque frustration et colère.
« Je suis venu avant l’ouverture, j’ai pris un jour de congé, et, maintenant, on me dit de revenir demain ? Ce n’est pas normal qu’en 2025, les services publics fonctionnent encore comme ça », s’indigne un usager, escorté par un policier venu calmer les esprits.
Une fois le précieux ticket en main, il faut encore attendre de longues heures pour être par la suite dirigé au 6e étage. Là, les usagers s’acquittent des frais d’enregistrement – Rs 300 – auprès du Registrar General’s Department. La salle est bondée. L’attente continue.
Mais ce n’est pas fini. Après l’enregistrement, il faut redescendre pour se rendre au bureau de la National Land Transport Authority (NLTA), afin de mettre à jour le document du ‘Horsepower’. Une course contre la montre, car les services ferment à 15 h 30. Et là encore, il faut un ticket.
Vijay Oogager, de St-Pierre, est venu deux jours de suite. « Hier, on m’a demandé le passeport du vendeur, un étranger. Je l’ai récupéré dans l’après-midi. Aujourd’hui, je suis arrivé à 6 heures, j’ai eu le numéro 151. Je n’ai pas mangé, je suis épuisé. Pourquoi ne pas organiser les passages par ordre alphabétique ? On punit les gens sous la pluie, le soleil, le vent. Personne ne semble s’en soucier », dit-il.
Mohammad Oubeidullah Babounbhoy, jeune de Bel-Air-Rivière-Sèche, a eu plus de chance. « Je suis arrivé avant 6 heures, il y avait déjà foule. J’ai eu le ticket numéro 112. Mais c’est trop de stress pour une simple formalité. »
Yull, la cinquantaine, a dû s’y reprendre à deux fois après un premier échec. « Vendredi, je suis arrivé à 8 h 15. À 11 heures, on m’a annoncé que je ne passerais pas. J’ai perdu une journée de travail. Aujourd’hui, je suis revenu très tôt. Mais après l’enregistrement, il était déjà 14 h 40. Je me suis précipité pour faire l’assurance, mais à la NLTA, on m’a dit que sans ticket, je ne passerais pas. Je dois revenir demain. » Il précise que la forte affluence ne s’explique pas seulement par la suppression de la ‘registration duty’ : « C’est tout le temps comme ça à l’Emmanuel Anquetil Building. »
Des solutions
« Il faut plus de guichets, insiste Mohammad. On ne peut pas avoir autant de monde et si peu de caisses. » Yull, lui, plaide pour une meilleure répartition : « Il y a des bureaux de poste dans toutes les régions. Pourquoi ne pas y faire les premières démarches, puis finaliser au bureau de la NLTA le plus proche ? Ça éviterait aux gens de perdre une ou deux journées pour des formalités qui, au final, ne prennent que quelques minutes. »
Un système à repenser
Si la suppression de la ‘registration duty’ a été saluée, elle a aussi mis en évidence les failles d’un système administratif dépassé. En attendant une réforme, les Mauriciens continuent à faire la queue dès l’aube, dans l’espoir de décrocher un ticket.
Dans notre édition du mercredi 9 juillet, nous avons rapporté qu’en seulement cinq jours, plus de 1 400 voitures d’occasion ont été enregistrées à Maurice, conséquence directe de la suppression de la ‘registration duty’ sur les véhicules domestiques de seconde main, annoncée dans le Budget. Une mesure qui, bien que technique en apparence, a eu un impact immédiat sur le marché. Entre le 1er et le 7 juillet, la NLTA a enregistré 1 414 transactions, un chiffre nettement supérieur à la moyenne habituelle pour cette période. Les enregistrements journaliers ont grimpé régulièrement, atteignant un pic de 380 véhicules le 7 juillet.
Cette suppression représente une économie substantielle pour les acheteurs comme pour les vendeurs, et elle est perçue comme une opportunité à saisir.
Le ministre du Transport terrestre, Osman Mahomed, a expliqué que cette décision vise à encourager les ventes de véhicules déjà présents sur le territoire, tout en freinant la croissance trop rapide du parc automobile. L’objectif est double : stimuler l’économie circulaire locale et réduire la congestion routière.

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