Ancien chef juge, il est aussi celui qui a prononcé la dernière condamnation à mort à Maurice. Sir Victor Glover estime que la réintroduction de la peine capitale ne serait pas une solution. Selon lui, ce sont les parents et les enseignants qui devraient mieux encadrer les jeunes.
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La demande pour une réintroduction de la peine de mort est-elle justifiée ?
D’abord, nous ne sommes pas parvenus à prouver que la peine de mort empêchera les drogues d’entrer à Maurice. Aussi, je ne pense pas que cela fera reculer une mule de savoir qu’elle risque 35 années de prison ou la pendaison.
Vous êtes d’avis que, même en réintroduisant la peine de mort, des gens vont continuer à faire venir de la drogue à Maurice ?
Pour ces gens-là, ce n’est pas une question de drogue, mais d’argent. C’est pour eux aussi une occasion de venir faire du tourisme, en quelque sorte, de loger dans de grands hôtels. Le transport de la drogue devient secondaire.
Il y a des pays tels que Singapour, où les lois sont très sévères. Ne pensez-vous pas que c’est un moyen dissuasif ?
Je ne vous dis pas que cela ne servira à rien, mais si une personne vient me dire qu’avec la réintroduction de la peine de mort, cela diminuera la quantité de drogues entrant à Maurice, je n’en suis pas sûr. Il faut pouvoir le prouver. On ne peut faire la comparaison avec Singapour, qui a une culture propre à elle. Puis, ceux qui viennent chez nous sont généralement des petites dames de Madagascar ou du Botswana, entre autres.
Vous voulez dire que ce sont les petits trafiquants qui sont les plus vulnérables, alors que les gros bonnets s’en sortent toujours ?
Ce n’est que maintenant que l’on parvient à mettre la main sur de gros bonnets. En l’occurrence (dans l’affaire des 135 Kg d’héroïne, ndlr), c’est un monsieur de Plaine-des-Papayes, qui n’est pas forcément millionnaire. C’est quelqu’un qui essaie de profiter de cette situation pour se faire de l’argent.
Quel est votre regard sur la situation de la drogue à Maurice ?
Le principal problème, de mon point de vue, vient de nos jeunes. Je ne dis pas que notre système d’éducation est mauvais, mais je pense qu’il y a beaucoup d’amélioration que nous pouvons apporter à ce système pour qu’ils comprennent qu’il ne faut pas toucher aux drogues.
En d’autres mots, vous dites que les trafiquants profitent de la demande sur le marché ?
Bien évidemment. S’il n’y avait pas de consommateur, il n’y aurait pas eu de drogue. Beaucoup de personnes pensent, par exemple, que la consommation du cannabis est quelque chose de normal et qu’il ne faudrait plus condamner les gens pour cela.
Rs 2 milliards de drogue qui passent par notre port, cela vous interpelle-t-il ?
Bien sûr. C’est la preuve qu’il y a beaucoup de consommateurs qui n’ont pas forcément été élevés comme il faut, dans une famille où on leur apprend des valeurs.
La plus grande question ne concernerait-elle pas le blanchiment d’argent provenant du trafic ?
Effectivement. Il y a ceux qui préfèrent s’asseoir chez eux et obtenir de l’argent facile plutôt que d’obtenir de l’argent à la sueur de leur front. C’est une forme de blanchiment d’argent.
Sera-t-il difficile, sur un point légal, de réintroduire la peine de mort ?
Ce n’est pas si difficile de changer un mot dans nos lois. Toutefois, si ce projet de loi est débattu au Parlement, la question est de savoir si nous aurons la majorité voulue pour qu’il soit voté. Ce ne serait pas aussi simple. Il faudra une majorité de trois quarts.
Pensez-vous que la police est suffisamment armée pour venir à bout d’un trafic qui prend autant d’ampleur dans le pays ?
Ahh… Je suis d’avis qu’elle est suffisamment armée pour combattre la drogue. L’est-elle aussi pour y mettre un frein, ça je ne sais pas.
Y a-t-il une volonté ?
Oui. Il y a consensus sur le fait que personne ne souhaite voir quelqu’un risquer sa vie en se droguant.
Vous avez présidé plusieurs commissions d’enquête. Est-il possible d’avoir un rapport intérimaire de la commission d’enquête sur la drogue ?
Cela fait quelque temps déjà que cette commission poursuit ses auditions. Je pense qu’ils vont attendre que tout soit complété et qu’ils soient satisfaits de n’avoir rien manqué avant de présenter un rapport complet. Il y a eu des rapports intérimaires dans le passé, mais ils ont fini dans des tiroirs et cinq ans après, personne ne sait où ils se trouvent. Je ne suis personnellement pas pour des rapports intérimaires.
Pouvons-nous justement essayer d’en tirer quelque chose de positif, sachant que certains rapports sont restés sans suite ?
Le problème survient lorsqu’un gouvernement commandite une commission d’enquête et que son successeur, lui, ne voit pas la chose de la même manière. C’est pour cela que nous voyons que certaines recommandations ne sont pas mises en pratique. Il n’y a rien que nous puissions faire face à cela. Je souhaite que les recommandations de Paul Lam Shang Leen soit rapidement mises en pratique.
Votre message, en tant qu’ancien chef juge, à la jeunesse mauricienne, notamment par rapport au fléau de la drogue ?
Le message s’adresse aux parents, aux éducateurs et aux enseignants. Leur rôle ne se limite pas à punir, mais à encadrer, à surveiller et à conseiller. C’est un travail de tous les instants.
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