Le « maintenance officer » se cachait sous 20 identités pour piéger les filles mineures sur le net. Une collaboration entre diverses agences de police, dont le FBI, a débouché sur l'arrestation d'un Mauricien suspecté d'être un pédoprédateur. La police pense qu'il serait mêlé à un réseau international, friand d'images de mineures nues.
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Kevin David Cité, 27 ans, se serait laissé entrainer par ses pulsions envers les jeunes filles. Cet habitant de Résidence Barkly a dressé une vingtaine de faux profils sur Facebook pour approcher ses victimes. L'affaire a pris une dimension internationale lorsqu’il a commencé à exercer du chantage sur des filles mineures, originaires de plusieurs pays, et dont il a exigé des photos les montrant nues et des vidéos osées.
Le suspect, un maintenance officer, a été épinglé par la Cyber Crime Unit qui le soupçonne d’appartenir à un vaste réseau international de pédoprédateurs.
Kevin David a-t-il échangé des photos de ses victimes nues avec d'autres internautes ? C'est ce que tente d'établir le Central CID qui a saisi l'ordinateur portable, le cellulaire et une clé USB du suspect. Toutefois, ces équipements n'ont pas encore été examinés par les enquêteurs. Leur analyse sera déterminante pour la suite de l'enquête.
C'est la Homeland Security Investigations (HSI), filiale de l'agence américaine Federal Bureau of Investigation (FBI), rattachée à Pretoria en Afrique du Sud, qui a adressé une correspondance aux Casernes centrales. L'état-major mauricien a pris connaissance de cette requête le 6 août dernier. Elle faisait état, durant ces dernières semaines, d’un internaute mauricien qui avait créé une vingtaine de faux profils sur Facebook.
L'auteur se faisait passer pour des facebookers mineures. Il opérait de façon très singulière.
L'auteur se faisait passer pour des facebookers mineures. Il opérait de façon très singulière. Derrière son clavier, il se mettait dans la peau d'une étudiante française aux cheveux blonds ou d'un adolescent de 15 ans. Il jonglait entre ces profils taillés sur mesure pour se faire le plus d'amis sur le réseau social sans être démasqué.
Ses proies : des filles mineures. L'étape suivante : la demande d'ami. Une fois que l'adolescente acceptait, le piège se refermait. Jouant la carte de la confiance, au fil des conversations, il demandait à son amie de se dévêtir. Si dans un premier temps, elle se montrait réticente, il finissait par la convaincre en lui adressant une photo de seins nus prise sur le net. « Ce sont les miens », leur affirmait-il.
En retour, sa victime lui envoyait une photo, les seins nus. C’est alors que commençait le cauchemar de sa nouvelle amie. Caché derrière un autre faux profil, Kevin David se faisait passer pour un étudiant et contactait l'adolescente qui avait envoyé la photo. « Tu me connais? » lui demandait-il avant d'ajouter : « J'ai obtenu ta photo », et il lui adressait la photo de ses seins nus, au plus grand étonnement de la fille. Commence alors le chantage : plus de photos dénudées, sinon les clichés feraient le tour du net, menaçait-il. Kevin David se permettait de faire des vidéos de ses victimes. Il est suspecté d'avoir piégé une quarantaine de mineures de cette façon : elles sont originaires de La Réunion, de Maurice et du Bénin, entre autres. Les enquêteurs du CCID veulent confirmer s'il y a eu demande d'argent dans les cas cités.
À la suite de ces menaces incessantes, certaines victimes ont menacé de commettre l'irréparable sur leur profil Facebook. Le réseau social a donc alerté les autorités américaines qui ont retracé l'adresse IP de l'utilisateur. Le Féderal Bureau of Investigation a alors informé sa branche en Afrique du Sud.
Après plusieurs jours d'investigations, les enquêteurs de la Cyber Crime Unit, ont monté une opération pour appréhender le suspect. Une descente a été effectuée jeudi, avec des éléments du GIPM, de la SSU et du CCID, menés par l'inspecteur Robin Bundhoo. Kevin David Cité a été arrêté sur son lieu de travail. Lors d'un entretien, il aurait admis son implication dans cette affaire.
Les limiers ont saisi ses appareils informatiques à Résidence Barkly aux fins d’analyses. Le suspect a comparu devant la cour de Rose-Hill, jeudi après-midi, inculpé provisoirement de « breach of ICTA ». Il reste en cellule policière. Il a retenu les services de l'avocat Yatin Varma. Son interrogatoire aura lieu en début de semaine. L'enquête supervisée, par l'assistant-commissaire de police Devanad Reekoye se poursuit.
Ceux qui en ont été victimes
En janvier 2016, Shameem, 30 ans, avait répondu à une demande d’ami d’une dénommée Cindy V. sur Facebook. La jeune femme a manipulé l’habitant de Vallée-Pitot. Pour l'amadouer, elle lui a même parlé en visioconférence. Sauf que l’ « amie » du trentenaire a fini par lui réclamer 700 euros en le menaçant de poster sur la Toile une vidéo compromettante de lui sur laquelle on peut voir son visage. Shameem a porté plainte à la Cybercrime Unit de la police.
Durant la même année, un policier habitant un faubourg de la capitale s’est laissé prendre au piège. Il était devenu ami avec une jeune femme sur Facebook. C’est du moins ce qu’il croyait jusqu’au moment où elle se transforme en une horrible maître-chanteuse. Après quelques échanges, la jeune femme a commencé à se dévêtir en invitant le policier à en faire de même. Ce dernier s’est exécuté. Mais peu après, elle lui a réclamé 35 000 euros, le menaçant de diffuser les photos de lui nu sur les réseaux sociaux.
Décembre 2015. Une adolescente de 14 ans informe la police qu’elle a été victime de sextorsion. Un dénommé Thomas J., qu’elle dit avoir connu sur Facebook, l’a fait chanter, la menaçant de publier sur la Toile des photos d’elle nue. Le maître-chanteur serait allé plus loin en prenant contact avec la sœur de 21 ans de l’adolescente qui étudie à l’étranger. Il a demandé à l’étudiante de lui envoyer des photos d’elle nue. La jeune femme a rapporté le cas à la gendarmerie.
Noor Soormally, expert informatique : «Le détenteur de l’adresse IP n’est pas forcément l’auteur du délit»
« Toute connexion à Internet laisse des traces », explique Noor Soormally, directeur de la White Field Business School. Cet expert informatique souligne que chaque adresse Internet Protocol (IP) est accompagnée d’un numéro de téléphone appartenant à l’opérateur du service. « Le numéro alloué est unique pour chaque utilisateur. Lorsque vous vous connectez, toutes les informations partent dans un journal de bord. Idem en ce qui concerne Facebook », explique-t-il.
Il ajoute qu’il est donc possible de connaître la date et l’heure de connexion ainsi que d’autres informations sauvegardées. Ce qui permet, dit-il, de retracer le détenteur de l’adresse IP. L’expert précise néanmoins qu’il est impérieux de mener une enquête approfondie. « Si une personne laisse libre accès à son modem, c’est son adresse IP qui apparaît. D’autres internautes peuvent alors utiliser celle-ci pour commettre des délits. Cela signifie que le détenteur de l’adresse IP n’est pas forcément l’auteur du délit », fait-il ressortir.
Facebook : «Comment nous combattons la violence et l’exploitation sexuelle»
« Nous supprimons tout contenu menaçant ou qui encourage la violence ou l’exploitation sexuelles. Cela comprend l’exploitation sexuelle des mineurs et les agressions sexuelles. Afin de protéger les victimes et les survivants, nous supprimons également les photographies et les vidéos mettant en scène des actes de violence sexuelle, ainsi que les images mises en ligne à des fins de vengeance ou sans l’autorisation des personnes impliquées. Notre définition de l’exploitation sexuelle comprend la sollicitation de contenus à caractère sexuel, tout contenu impliquant des mineurs, les menaces de partage d’images intimes et les offres de services de nature sexuelle. Si nécessaire, nous transmettons ce type de contenus aux autorités. Les offres de services de nature sexuelle comprennent la prostitution, les services d’escorte, les massages à caractère sexuel et les actes sexuels filmés. »
Sextorsion : le chantage 2.0
Ces dernières semaines, de nombreux internautes se sont fait piéger par des pédoprédateurs. Qu’est-ce que la sextorsion ? Que dit la loi à ce sujet ? Éléments de réponse.
Qu’est-ce que la sextorsion ? Comment l'éviter ? Et que dit la loi à ce sujet ? Autant de questions qui surgissent depuis l’arrestation de Kervin David Cité le jeudi 24 août. Cet habitant de Barkly de 27 ans est accusé d’avoir incité des mineures à se dénuder devant leur webcam, sur le service Vidéo Call de Facebook, avant de les faire chanter en menaçant de publier les photos. L’homme aurait fait une quarantaine de victimes. La sextorsion, également appelée chantage à la webcam, se définit comme l’extorsion d’argent à une personne, sur Internet, en la faisant chanter et en la menaçant de rendre publiques des photos ou des vidéos d’elle dans une position compromettante. À la base de toute sextorsion, il y a un maître-chanteur. Il peut se trouver dans n’importe quel coin du globe. Il appâte ses victimes en les ajoutant à sa liste d’amis sur Facebook à travers de faux profils qu’il a créés et sur lesquels il prétend être une jeune femme, une adolescente, un adolescent ou un homme.
Au fil des conversations, le maître-chanteur manœuvre pour instaurer un climat de confiance avec sa proie. Il devient plus entreprenant et intime jusqu’à demander à sa victime de se dénuder pour lui sur le Net. Mais ce qui semble alors être un simple moment de plaisir et d’excitation se transforme en un véritable cauchemar pour la victime. Ayant conservé chaque photo ou vidéo intime de sa proie, le maître-chanteur fait pression sur cette dernière pour qu’elle lui donne de l’argent au risque de mettre à nu toute son intimité sur la Toile.
Ce que prévoit la loi
L’article 46 H de l’ICT Act stipule que toute personne qui utilise un outil informatique pour transmettre un message à caractère offensant, indécent, obscène ou menaçant, dans le but de nuire à autrui et de provoquer des angoisses, commet une infraction. L’auteur du délit est passible d’une amende maximale de Rs 1 million et d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans. En vertu de l’article 4 du code pénal, ceux qui créent un faux profil avec l’intention de faire du chantage à une personne risquent Rs 200 000 d’amende et une peine de prison ne dépassant pas 20 ans. L’article 86 du code pénal sanctionne, lui, les délits catégorisés comme « dealing with obscene matters ».
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