Le mécanisme du « regressive mark-up » sera introduit pour huit des 11 classes de produits pharmaceutiques. Cette décision du Conseil des ministres ne fait pas l’unanimité auprès des pharmaciens. En revanche, Xavier-Luc Duval est ravi que sa PNQ ait porté ses fruits.
C’est la consternation parmi les pharmaciens. Ils craignent la fermeture de nombreuses officines avec l’introduction prochaine du « regressive mark-up ». Décision qui découle des délibérations du conseil des ministres du vendredi 3 mars. Les pharmaciens déplorent le manque de communication et de consultations.
« C’est un coup d’épée dans l’eau », déclare Siddique Khodabocus, président de l’Union des pharmaciens. Il s’interroge sur le quantum de ce « mark-up » et se demande jusqu’à quel taux la marge pourra être baissée, alors que le prix d’achat des médicaments est déjà élevé.
Il fait aussi le parallèle avec la dépréciation de la roupie face au dollar américain, qui ne cesse de grimper, ce qui affecte les importations. Il est d’avis que le retrait complet de la marge de profit sur les médicaments n’aura pas une incidence importante sur le prix de vente.
« Le regressive mark-up devrait être introduit sur les produits pharmaceutiques de référence (produits de marque) qui sont vendus plus cher que les autres produits, tels les médicaments génériques », indique Siddique Khodabocus. Pour lui, il ne faut pas toucher aux produits génériques, mais laisser la possibilité aux pharmaciens de proposer ce type de médicaments. Ceux-ci, fait-il ressortir, sont vendus à un prix plus abordable que les médicaments de référence, pour lesquels les importateurs locaux détiennent une licence de commercialisation et de représentation à Maurice.
Siddique Khodabocus pense qu’il est nécessaire de revoir le système de santé car l’État-providence ne pourra pas fonctionner indéfiniment. « Il faut introduire un système de contribution et de participation afin que les patients bénéficient d’une couverture d’assurance pour le remboursement de l’achat de leurs médicaments. Cela devrait améliorer les soins et la prise en charge des patients. »
Il se demande quel est l’objectif du gouvernement en instaurant le « regressive mark-up » pour les services de santé privés, alors que ces mêmes services sont gratuits dans le secteur public. « Le service de santé privé a des coûts qu’il faut payer. Que cherche le gouvernement à travers cette ingérence dans le prix de vente des produits pharmaceutiques ? » lance-t-il.
Les autorités auraient dû proposer ce système dans tous les secteurs, car les prix ont augmenté sur toutes les commodités. « Pourquoi ne toucher que le prix des médicaments, alors que les prix des aliments ont aussi grimpé ? » questionne-t-il.
Un pharmacien, qui n’a pas souhaité être cité, considère aussi que le gouvernement a pris une très mauvaise décision et qu’il aurait dû consulter les pharmaciens. Il plaide pour le dialogue et fait ressortir que de nombreuses pharmacies seront en difficulté avec l’introduction de ce « regressive mark-up ». Certaines d’entre elles pourraient même mettre la clé sous le paillasson.
Le pharmacien Arshad Saroar dit, lui, attendre de connaître le montant exact du «mark-up» avant de donner son avis. Cependant, il craint que cette mesure ne fasse qu’aggraver la situation financière difficile des pharmacies. « À Maurice, la marge de profit pour les pharmacies est déjà très faible, et toute réduction supplémentaire pourrait avoir de graves conséquences. » Les études préliminaires sur le « mark-up » ont montré que toute modification de la marge bénéficiaire des produits pharmaceutiques pourrait causer des problèmes dans le secteur, dit-il.
Plus de 550 produits concernés
C’est le bureau de l’Attorney General qui va rédiger les règlements pour l’introduction du mécanisme du « regressive mark-up », a annoncé le conseil des ministres. Cette démarche découle d’une proposition du ministère du Commerce. Elle concerne huit des 11 classes de produits pharmaceutiques : biologiques, anti-cancéreux, anti-diabétique, anti-hypertenseur, cardiovasculaire, inhalateur, vaccin et antiacide. Plus de 550 produits pharmaceutiques sont concernés.
Crainte de pratiques frauduleuses
L’imposition de toute réglementation des prix qui réduirait davantage les marges d’exploitation ne fera qu’accélérer la création de nouveaux problèmes sociaux. C’est ce qu’avait écrit la Pharmaceutical Association of Mauritius (PAM) dans un document adressé à la Competition Commission en octobre 2020.
Et d’ajouter que les petites pharmacies vont fermer leurs portes, résultant en des pertes d’emplois. Il risque aussi d’y avoir une augmentation significative des abus, y compris la vente de drogues illicites ou dangereuses.
Pour la PAM, la fragilité du modèle de fonctionnement de la pharmacie de détail, en raison de la réglementation de la marge, peut être le catalyseur de certaines pratiques peu scrupuleuses. La situation risque de s’aggraver, car les propriétaires de pharmacie ont du mal à joindre les deux bouts.
L’association avait aussi souligné que les pharmacies opèrent avec une marge nette de 1 à 5 %. « Le secteur est déjà accablé par la faible marge bénéficiaire actuelle. Toute réduction ultérieure de la marge actuelle des médicaments conduira à l’effondrement du secteur pharmaceutique », peut-on lire dans le document.
Xavier-Luc Duval : « Une décision qui découle directement de ma PNQ »
« Je suis heureux de constater que le gouvernement a enfin décidé d’introduire le regressive mark-up. Cette décision découle directement de ma Private Notice Question (PNQ) posée au ministre du Commerce et de la Protection des consommateurs le 19 avril 2022. » C’est ce que soutient le leader de l’opposition Xavier-Luc Duval sur sa page Facebook.
Il fait aussi ressortir qu’un des axes de sa question portait directement sur l’importance de l’introduction d’un « regressive mark-up » sur la vente des médicaments. Ainsi, les pharmaciens bénéficieront d’une plus grande marge de profit sur les médicaments qui sont moins onéreux et d’une marge plus réduite sur les produits plus chers. Cette décision va les encourager à commercialiser des médicaments au bénéfice des consommateurs, dit-il.
« La PNQ a fait son effet. Le résultat est visible et je sais que le public appréciera, une fois la mesure introduite formellement », indique le leader de l’opposition.
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