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Reward Money : Les «documentary evidences», la clé de l’enquête de la FCC

Plusieurs documents ont été saisis chez l’ASP Faraaz Mooniaruth, ex-responsable de la défunte FCIU, arrêté par la FCC. Près de Rs 19 millions, soupçonnées de provenir du Reward Money Fund, ont transité sur le compte bancaire du sergent Yeshdeo Seeboruth.

Enter soupçons de détournement, montants injustifiés et pratiques opaques, l’affaire Reward Money met à nu un système aux dérives inquiétantes au sein de la police. La Financial Crimes Commission (FCC), documents à l’appui, décortique un circuit parallèle de paiements censés récompenser les informateurs dans les affaires de drogue, mais qui auraient largement profité à d’autres.

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La vérité tient en quelques pages. Requêtes, ordres écrits, relevés bancaires, montants décaissés… La Financial Crimes Commission (FCC) a rassemblé un faisceau de preuves accablantes pour les protagonistes visés dans l’affaire Reward Money. Entre ordres hiérarchiques directs et justifications approximatives, la FCC continue de lever le voile sur un système détourné de sa vocation première : de récompenser les informateurs qui collaborent avec la police au démantèlement de réseaux de drogue. 

Selon les documents examinés par la FCC, Rs 250 millions ont été réclamées et versées sous le régime du Reward Money entre 2020 et 2024. Lors d’une intervention sur TéléPlus le 26 juin dernier au micro de Nawaz Noorbux, Sanjay Dawoodarry, Acting Director General de la FCC, a d’ailleurs confirmé publiquement que la barre des Rs 250 millions a été atteinte. 

Une part significative de ces fonds provient du Staff Fund de la police, mais aussi de budgets initialement prévus pour l’achat d’équipements ou l’amélioration d’infrastructures. Face à ces ponctions massives, la police a, à plusieurs reprises, dû réclamer des fonds supplémentaires. Ce recours récurrent interroge aujourd’hui la FCC. 

Au fil de ses recoupements, la commission a identifié un point névralgique dans la circulation des paiements : le compte bancaire du sergent Yeshdeo Seeboruth. Elle a récupéré des relevés bancaires qui confirment ces faits. Près de Rs 19 millions y ont transité, souvent via des montants inférieurs à Rs 500 000, seuil au-delà duquel s’applique la loi sur la Limitation of Payment in Cash. Une technique permettant de ne pas éveiller les soupçons. 

Des relevés bancaires récupérés par la FCC confirment ce schéma. Le fractionnement des transactions, leur fréquence et leur canal posent désormais la question : quel rôle jouait le sergent dans l’exécution des paiements ? Et surtout, pour le compte de qui agissait-il ?

Des justifications floues, parfois falsifiées

Dans plusieurs cas examinés, la FCC note des incohérences majeures dans les documents justificatifs. Certaines demandes de Reward Money mentionnent des numéros d’Occurrence Books (OB) qui ne correspondent pas à des enquêtes de drogue, mais à de simples cas d’agression ou de vol. 

Pire : dans au moins trois dossiers, les numéros d’enquête figurant sur les formulaires de réclamation ressemblent étrangement à ceux d’affaires de stupéfiants, mais ne correspondent à aucun dossier vérifié. « Ena nimero lanket ladrog 1032, zot met 1023 dan Claim », résume une source proche de l’enquête. 

Une explication jugée peu crédible par la FCC, même lorsque les policiers évoquent une « erreur d’écriture ». Ces décalages sont d’autant plus préoccupants qu’un Standing Order amendé en 2022 sous le commissaire de police (CP) Anil Kumar Dip exigeait la traçabilité complète des cas liés au Reward Money : inclusion du numéro OB, résultats de l’opération et détails du rôle de l’informateur.

Lors de son audition par la FCC, le Chief Finance Officer (CFO) des Casernes centrales, responsable des finances de la police, a affirmé que tous les paiements avaient été effectués sur instruction écrite du CP. « J’ai agi sur ses instructions », a-t-il déclaré. L’argent provenait du budget alloué à la force policière et les chèques étaient émis au nom des responsables d’unités – le plus souvent des Assistant Commissioners of Police (ACP) ou des Deputy Commissioners of Police (DCP) – qui avaient validé les opérations. 

Dans les documents en possession de la FCC, on retrouve plusieurs ordres signés du CP accompagnés de recommandations issues des trois unités phares de l’époque : la Police Headquarters Special Striking Team (PHQSST), la Force Crime Intelligence Unit (FCIU) et la Special Intelligence Cell (SIC). Ces trois entités opéraient sous l’autorité d’un même haut gradé. Ce qui, selon la FCC, expliquerait en partie pourquoi les montants, émis via chèques bancaires, ont transité sur le compte bancaire de ce haut gradé. 

Mais un point trouble persiste : pourquoi certains paiements ont-ils ensuite transité par le compte personnel du sergent Seeboruth, et pas directement par les responsables de l’opération ? Dans le sillage de l’enquête de la FCC, on affirme avoir repéré plusieurs montants de Reward Money jugés excessifs. Il est soutenu que le montant doit être proportionnel à la valeur de drogue saisie ou à l’ampleur des cas résolus par les équipes de police. Dans les enquêtes sur de grosses saisies de drogue où aucun suspect n’a été épinglé, il paraît presque illogique de réclamer de l’argent du « Reward Money to Informer ». 

Cependant, un responsable d’une équipe démantelée, qui était en fonction durant le mandat du commissaire de police Dip, réfute cet argument. Il affirme que même dans les cas de pick-up de drogue – lorsqu’une cargaison est découverte dans un lieu sans aucun suspect – il est possible de devoir remettre de l’argent à un informateur : « De fwa se enn informater kinn met lapolis lor sa lapist la. Si zot pa ti dir, lapolis pa ti pou gagn ladrog. » Si l’informateur ne révèle pas le ou les noms des trafiquants, preuves à l’appui, la police ne peut pas réclamer l’argent du Reward Money. 

À ce stade de l’enquête, la FCC tient à clarifier que le Reward Money n’est en aucun cas destiné aux policiers. « C’est l’argent destiné aux informateurs. Il y a beaucoup d’accent sur l’intégrité, la transparence et la redevabilité en permanence dans ce type de cas. Ceux qui ont fauté devront faire face aux conséquences. » 

Recommandations du FBI à la FCC 

Mais la FCC ne se contente pas de constater les irrégularités. Elle veut prévenir toute récidive en instaurant des garde-fous. Pour cela, elle a sollicité l’expertise du Federal Bureau of Investigation (FBI). Parmi les mesures proposées : 

• Vérifications obligatoires en amont : aucune somme ne devrait être versée sans confirmation des résultats de l’opération, croisés avec les numéros des OB et les preuves matérielles. 
• Alignement avec la finalité réelle du Reward Money : seules les affaires de trafic de drogue significatif et ayant débouché sur une arrestation ou des éléments concrets devraient donner lieu à une rétribution. 
• Rejet automatique des demandes floues ou sans traçabilité : certaines réclamations ont été faites sur la base de cas banals, comme des agressions ou des vols, mais en utilisant des numéros OB proches de ceux d’enquêtes de drogue (ex. : 1023 au lieu de 1032). Ces manipulations, qualifiées d’« erreurs » par les policiers concernés, sont désormais sous surveillance. 

Dans son discours à l’Assemblée nationale, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a expliqué que le département Prévention et Éducation de la FCC étudie les recommandations en vue de revoir le système en vigueur. La commission doit compiler un dossier complet à l’attention du bureau du CP. Une révision des Standing Orders de la force policière est donc envisagée à moyen terme.

Les trois étapes-clés d’une réclamation 

1. L’information initiale

Un membre d’une unité policière transmet une information sensible à son supérieur hiérarchique, souvent en lien avec une opération de drogue.

2. L’évaluation post-opération 

Après l’intervention, le supérieur évalue plusieurs facteurs : nature de la saisie, présence d’un suspect, poids stratégique de l’informateur. Quelle est la quantité de drogue saisie ? Est-il le cerveau d’un réseau ? Ou s’agit-il d’un petit maillon ? Dans ce dernier cas, le montant du Reward Money est revu à la baisse. Si Rs 10 millions de drogue sont saisies, par exemple, mais aucun accusé identifié, le montant réclamé peut chuter à Rs 7 000 au lieu de Rs 700 000.

3. La demande officielle 

Une fois les éléments rassemblés, la demande est formulée, accompagnée des justifications (numéro OB, résultats, rôle de l’informateur). Elle est ensuite transmise pour validation au Commissaire de police, seule autorité pouvant approuver le décaissement.
 

 

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