La réforme éducative est entamée. Le ministère de l’Éducation a mis en place une panoplie d’activités et de possibilités pour la mener à bon port. Est-ce que le personnel en place est suffisant et formé pour atteindre les objectifs ? Eléments de réponses.
C’est en janvier 2017 que le Nine-Year Continuous Basic Education (NYCBE) a débuté au primaire. Les classes ont changé d’appellation. Elles sont maintenant connues comme des Grade au lieu de Standard ou de Form. Au primaire, les écoliers de Grade 1 ont eu un nouveau modèle d’apprentissage, qui est mieux adapté à leurs besoins.
Ceux qui sont en difficulté ont une attention spéciale, qui leur permet de se remettre à niveau. Les instituteurs regroupés autour de la Government Teachers Union (GTU) estiment qu’il y a un manque accru de professionnels sur le terrain. Le président, Vinod Seegum, confie que lors des discussions avec le ministère de l’Éducation, il a appris que les autorités font appel aux retraités.
Appel
Le ministère fait appel à toutes les personnes voulant apporter leur pierre à l’édifice de la réforme. Les enseignants ainsi que les chefs d’établissement seront régulièrement en concertation. Dans sa démarche, le ministère est aussi soutenu par des professionnels de l’Education.
Il soutient, tout comme le président des recteurs et des assistants-recteurs, Soondress Sawminaden, qu’il est urgent de recruter. Les autorités précisent, elles, que la réforme est bien entamée même s’il reste beaucoup à faire.
Communication Skills au primaire
Les instituteurs à la retraite sont appelés à aider en tant qu’instituteurs de support pour la classe alors que d’autres assument le poste de modérateur pour les examens de ‘Communication Skills’. « Il faut davantage de personnes pour mener la réforme éducative à terme. Le budget fait provision pour recruter plus de 300 instituteurs, mais ce n’est pas suffisant. Il n’y a jamais eu d’étude scientifique pour savoir combien de personnes manqueront à l’appel d’ici 2018. Il faut savoir que plusieurs vont à la retraite et d’autres se tournent vers d’autres postes. Il aurait fallu un recrutement massif, car à la fin, ce sont les enfants qui sont les perdants s’ils ne sont pas encadrés...»
« Je n’ai rien contre les retraités, mais je trouve qu’ils ne sont pas suffisamment compétents pour superviser les examens de ‘Communication Skills.’ Ce n’est pas bien que des personnes qui ne connaissent rien au Kreol Morisien supervisent les examens. C’est le même cas pour l’Arabic. Ils n’ont jamais enseigné ces matières et tout à coup, il leur est demandé de superviser des examens. C’est du bluff...»
Vinod Seegum estime que les modérateurs auraient dû être des personnes qui sont déjà dans le circuit. À titre d’exemple, les examens de ‘Communication Skills’ pour 1 600 candidats privés se tiendront les 19 et 20 juillet prochain dans une dizaine de centres à travers Maurice et Rodrigues. Le Mauritius Examinations Syndicate (MES) aura recours à 500 instituteurs pour ces épreuves. Vinod Seegum estime que pour les examens des candidats qui sont à l’école, les autorités auraient pu avoir recours aux étudiants qui sont actuellement en classe de ‘Kreol Studies’ à l’Université de Maurice (UOM).
Postes additionnels
Au niveau du secondaire, Soondress Sawminaden soutient qu’il faut aller vers la création de postes additionnels. Le président de l’Association des Recteurs et des Assistants Recteurs précise qu’il y a déjà, en ce moment, un manque de personnel. « La réforme a besoin de personnes qui puissent réfléchir, mettre la main à la pâte. Malheureusement, nous faisons face à un manque de personnes qualifiées et formées...»
Dans le cadre de la présentation du dernier Budget, cette association avait fait des propositions pour que le nombre de personne engagées dans le système soit revu à la hausse. Les recteurs indiquent qu’à ce jour, les établissements secondaires publics peinent à offrir le service requis et que cela influe sur la mise en place de la réforme éducative. C’est ainsi que Soondress Sawminaden propose que l’organigramme actuel soit revu.
Il souhaite qu’il y ait un exercice de recrutement pour avoir les meilleurs candidats pouvant aider dans l’administration du collège. « C’est au ministère de l’Education d’investir dans la création de nouveaux postes au sein des collèges. » Au niveau du ministère, il est précisé que la formation professionnelle continue figure en haut de l’agenda de la réforme.
Mise en place
Dans le cadre du NYCBE et depuis 2015, différents comités permettent déjà de mener à bien le projet dans des créneaux déjà existants tant au primaire qu’au secondaire.
Au niveau des responsables, des ajustements sont en cours dans les nouvelles filières en vue d’un curriculum innovant, qui est déjà en place dans le primaire et qui le sera, en 2018, dans le secondaire.
Les préparatifs pour l’entrée du NYCBE dans le secteur secondaire vont bon train. D’un côté, il y a la mise en place du curriculum ainsi que les préparations des outils pédagogiques qui sont en cours. De l’autre, on s’attelle à la communication et la formation.
C’est ainsi que la refonte structurelle du curriculum se met en place et la préparation des manuels scolaires pour le Grade 7 et toutes les disciplines sont en bonne voie. Des ateliers de travail (incluant les éducateurs mis à la disposition de l’Institut de la pédagogie) complètent actuellement la rédaction des manuels pour des discussions avec les partenaires avant d’être validés. Il faut noter que l’Institut de la pédagogie travaille en étroite collaboration avec le ministère, le corps enseignant de l’État, le privé et le SEDEC.
Formation
La formation du personnel existant est et restera une des priorités du ministère. Des sessions de formation pour les enseignants, appelés à travailler en Grade 7 en 2018, entreront dans une phase cruciale de 15 heures sur trois jours à partir du 18 juillet.
Dans un premier temps, 4 300 enseignants, toutes matières confondues, auront une session de travail sur les principes de la réforme, le ‘National Curriculum Framework’ secondaire, le curriculum, le développement holistique et la pédagogie inclusive.
Dans un deuxième temps, les éducateurs concernés seront en session de formation par matière afin de discuter du contenu, du texte et de la méthodologie.
Finalement, les éducateurs seront appelés à travailler avec les nouveaux textes dans une troisième phase de formation. L’évaluation et le suivi pédagogique seront aussi traités par le Mauritius Examination Syndicate (MES).
Recrutement
Au primaire : recrutement et formation de 272 éducateurs pour le programme holistique. 158 autres seront recrutés par la PSC pendant l’année financière 2017-2018.
Parallèlement, 56 « éducateurs de soutien » ont été recrutés et les fonds nécessaires pour 153 autres ont déjà été mis à la disposition du ministère. 31 autres sont déjà sous contrat.
Pour satisfaire l’impératif du curriculum primaire dans la filière Technologie de l’Information et de la Communication, 147 ICT Support Officers (ICTSO) sont déjà en poste. Le Budget 2017-2018 fait provision pour le recrutement de 244 officiers supplémentaires.
Patil Huma : «Il faut définir les compétences requises à tous les niveaux»
Rajendra Patil Huma est un Leadership Coach et un consultant en ressources humaines. Sa carrière professionnelle s’étend sur plus de trois décennies dans la gestion des ressources humaines, la communication au sein de l’entreprise et l’enseignement. Il donne son avis sur les besoins professionnels pour la réussite de la réforme éducative.
Dans le cadre de la réforme éducative, croyez-vous qu’il y a, en ce moment, suffisamment de personnel pour mener ce projet à bon port ?
On devrait plutôt se demander si on a les profils requis. Par ailleurs, avec la baisse du taux de naissance donc du nombre d’enfants admis dans nos écoles, on pourrait statistiquement parlant être tôt ou tard confronté à un surnombre de personnel.
Parmi ceux qui sont déjà en place, certains affirment qu’il faut davantage de professionnels pour obtenir les résultats escomptés. Votre avis ?
Comme je viens de l’évoquer, il nous faut définir les compétences requises à tous les niveaux, entreprendre un audit et prendre les actions qui s’imposent. Il se peut qu’on a le nombre de professionnels voulu, mais qu’il y ait des lacunes au niveau des compétences.
Il faut commencer par admettre ses faiblesses et prendre conscience de sa vulnérabilité. »
Ayant été enseignant dans le passé et en tant que professionnel des ressources humaines, que proposez-vous pour que la réforme réussisse, compte tenu de ce qui se fait déjà ?
La réforme comporte plusieurs volets – des dimensions purement administratives et techniques qui sont relativement faciles à mettre en place et à gérer. À cela, s’ajoutent des dimensions non-techniques, qui sont beaucoup plus importantes, car elles concernent le fond même de cette réforme. La brochure ‘La Réforme Éducative - Le Nine Year Schooling’, disponible sur le site web du ministère de l’Education, met l’accent sur « Des pédagogies novatrices adaptées et répondant à la culture d’une génération d’apprenants vivant dans un monde digitalisé… L’autonomisation des éducateurs … Un environnement propice à un meilleur apprentissage … Utilisation de l’informatique dans l’enseignement. Nouvelles pédagogies de rattrapage… Une redevabilité accrue pour les résultats de l’apprentissage. » Qu’est-ce qui changera dans notre style de gestion qui fera que les enseignants se sentiront « empowered » et motivés à changer leur approche pédagogique pour répondre à la culture de cette génération d’apprenants, etc. ? D’autres questions du même ordre se posent... De telles initiatives requièrent un changement de ‘mindset’ à tous les niveaux.
C’est-à-dire ?
Ce type de changement est le produit d’un exercice de leadership – dans le sens large du terme. Le leadership ne signifie pas forcément être haut placé dans une hiérarchie ou être en position d’autorité. Le leadership est un processus relationnel, qui permet à celui qui en fait preuve de mobiliser la puissance d’un groupe afin d’atteindre un objectif commun. Le leader sait aider les membres de l’équipe à faire preuve de leur propre leadership sur les sujets ou dans les moments où le sien ne suffit pas. Il se fait un devoir de développer le leadership des autres. Je parle ici d’un leadership éclairé, fondé sur l’humilité et sur l’intelligence émotionnelle et basé sur des principes et des valeurs. Cette capacité d’exercer le leadership – condition sine qua non pour la réussite de toute réforme – est le résultat d’un rigoureux apprentissage. Cela s’apprend et ne vient pas automatiquement avec une promotion professionnelle. Pour se préparer à apprendre, il faut commencer par admettre ses faiblesses et prendre conscience de sa vulnérabilité. Après tout, le leadership est une question de savoir-faire et de savoir-être.
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