La Cour suprême a rejeté la plainte de Rajendra Prasad Dassruth contre Le Défi Quotidien et son directeur Ehshan Kodarbux. L’article contesté rapportait des accusations de disciples, et non des faits avérés. La juge a estimé que la publication respectait l’intérêt public.
Rajendra Prasad Dassruth, connu sous le nom de swami Paramananda, a été désavoué par la Cour suprême, qui a rejeté, avec dépens, sa seconde action contre Femi Publishing Co. Ltd et Ehshan Kodarbux, actuellement directeur du Défi Media Group. Le fondateur de la Satyam Gyanam Anandam Society (SGAS) réclamait des dommages de Rs 2 millions pour préjudice subi après la publication, en avril 2012, d’un article dans Le Défi Quotidien, qu’il considérait diffamatoire.
L’article incriminé, intitulé « C’est aussi arrivé », rapportait qu’un groupe de disciples avait accusé le swami d’entretenir des relations sexuelles avec plusieurs jeunes femmes sous son influence spirituelle. Le texte citait également le témoignage d’une certaine « Sweety » (prénom modifié), affirmant avoir été « dupée » par Rajendra Prasad Dassruth, qu’elle considérait comme une figure divine.
L’article rapportait aussi les explications spirituelles avancées par le plaignant devant un comité interne du Lao Tzu Meditation Centre, où il aurait justifié ces relations dans un cadre religieux. Dans sa plainte, le swami avait soutenu que ces propos l’avaient présenté comme un manipulateur sexuel abusant de son statut de maître spirituel.
Connu au niveau international, auteur d’une vingtaine d’ouvrages et conférencier, Rajendra Prasad Dassruth affirmait que les défendeurs avaient fait preuve de négligence en publiant de telles allégations. Selon lui, ces imputations avaient porté atteinte à sa réputation et constituaient une faute civile au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil.
Les défendeurs avaient, pour leur part, plaidé la bonne foi, affirmant avoir procédé à des vérifications avant publication et soutenant que l’objectif était d’informer le public sur une affaire d’intérêt général impliquant une personnalité religieuse.
S’appuyant sur une jurisprudence, la juge Véronique Kwok Yin Siong Yen a souligné que, pour déterminer si une faute a été commise, il faut analyser non seulement les mots employés, mais aussi leur contexte, ainsi que la manière dont un lecteur raisonnable aurait compris l’article.
Dans ce cas précis, l’expression « fut accusé » était centrale. Ceci se lit comme tel : le plaignant « fut accusé » d’avoir entretenu des relations sexuelles avec plusieurs jeunes femmes considérées comme ses disciples. Selon elle, un lecteur raisonnable comprend clairement que l’article rapporte des accusations et non des faits avérés. « The one and only meaning that the readers of the newspaper as reasonable men should have collectively understood the impugned article to mean is that the plaintiff was being accused of immoral acts and not that the plaintiff in fact committed the immoral acts », souligne-t-elle.
Au cours du procès, Rajendra Prasad Dassruth a lui-même reconnu qu’une réunion du SGAS, le 30 décembre 2011, avait été le théâtre d’allégations formulées par ses propres disciples. Il a aussi admis que lorsque des faits d’intérêt public concernent une figure influente, le public a « le droit de savoir ».
Ces éléments ont pesé lourd. Car, la juge a estimé qu’en rapportant des accusations réellement formulées au sein de l’association religieuse, le journal n’avait fait preuve ni de négligence ni d’imprudence.
En sus, la juge Véronique Kwok Yin Siong Yen a écrit dans son jugement : « After taking into consideration the actual words published and the context in which they were published as well as the own admission of the plaintiff (NdlR, Rajendra Prasad Dassruth) to the effect that allegations which were reported in the newspapers were indeed made against him by his disciples together with the fact that the plaintiff agreed that the public should be informed of matters involving prominent figures, I fail to see in what manner the defendants have been negligent or imprudent in publishing the impugned article. »
Pour elle, Rajendra Prasad Dassruth n’a donc pas réussi à prouver sa cause sur la balance des probabilités. Ainsi, la plainte du religieux a été rejetée, avec frais accordés aux défendeurs. Dans ce procès, le plaignant était représenté par Mes Jacques Tsang Man Kin et Gautam Ramdoyal (avoué), tandis que les défendeurs étaient défendus par Mes Yashley Reesaul et Pravind Nathoo (avoué).
La première action du prêtre spirituel rejetée en Cour suprême
Le 16 décembre 2022, Rajendra Prasad Dassruth a vu l’une de ses actions être rejetée par la Cour suprême. Il s’agit d’une motion d’outrage à la cour qu’il avait déposée contre Le Défi Media Group. Il avait avancé que le directeur du groupe de presse, Ehshan Kodarbux, et l’ancien journaliste, de ce groupe, Abhi Ramsahaye n’avaient pas respecté la règle du « sub judice ».
Dans sa décision, la juge Rita Teelock a statué, que « Le Défi Media Group n’a commis aucun outrage à la cour ». D’un côté, il y a la liberté d’expression qui est un principe fondamental dans une démocratie. De l’autre, il y a l’autorité et l’impartialité de la justice qui s’avèrent nécessaires dans une telle société. Pour la juge, la cour doit prendre en considération ces deux points dans le respect du principe de la proportionnalité.
Dans cette affaire, il y a eu la publication de deux articles (voir encadré). Pour la juge, la question était de déterminer si les défendeurs (en l’occurrence le directeur du Défi Media Group Ehshan Kodarbux et l’ancien journaliste Abhi Ramsahaye) étaient soumis à l’interdiction de publier des contenus faisant l’objet d’une plainte en diffamation à leur encontre devant la Cour suprême.
Dans sa motion, Rajendra Prasad Dassruth avait avancé que les défendeurs avaient commis un outrage à la cour. Cette motion avait été déposée le 26 juillet 2013 devant la Cour suprême. Pour la juge, il est important de déterminer si le temps que cette plainte a pris empêche les défendeurs ou tout autre média de faire référence aux incidents rapportés dans le premier article publié par Le Défi Plus dans son édition du 25 février au 2 mars 2012.
Autre point soulevé par la juge : la plainte en diffamation déposée par le plaignant ne peut être utilisée comme une entrave contre les défendeurs. Elle est d’avis que « toute couverture médiatique est une question de degré et de spécificité. Ici, le deuxième article ne commentait en aucune façon l’action en justice intentée par le plaignant et une tentative d’influencer la décision de l’instance. Il est évident que les deux articles étaient des événements à l’attention du public ». La juge Teelock estime qu’il n’y a aucune règle selon laquelle il ne peut y avoir de publication ou de commentaire simplement parce que l’affaire est devant un tribunal. Pour elle, c’est le contenu du commentaire et la publication qui sont cruciaux et ils ne doivent pas dépasser certaines limites.
Les deux articles concernés
- Le premier avait été publié par Le Défi Plus dans son édition du 25 février au 2 mars 2012. Il était intitulé : « Parfum de scandale à la SGAS : Sexe, argent et religion ».
- Le deuxième par Le Dimanche/L’Hebdo dans son édition du 14 au 20 octobre 2012. Il s’intitulait : « Escroquerie alléguée : Le swami Paramananda dans le collimateur du CCID ».
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