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Rama Poonoosamy, ancien ministre MMM : «Le 60-0 de 1982 était un grand moment de mauricianisme»

Vous étiez candidat aux élections de 1982. Quel était votre feeling à ce moment-là ? 
En 1981, j’étais le plus jeune des 12 membres du Bureau politique du MMM. Lorsque le triumvirat à la tête du parti, composé de Paul Bérenger, d’Anerood Jugnauth et de Kader Bhayat, m’a proposé d’être candidat, j’ai initialement refusé. Après un vote où 11 de mes collègues m’ont accordé leur confiance, j’ai accepté la décision de la majorité, bien que j’aie été le seul à voter contre.

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La campagne électorale de l’alliance MMM-PSM, que Jean-Claude de L’Estrac et moi-même avons codirigée, était novatrice et percutante. On se souvient encore du slogan « Enn Sel Lepep, Enn Sel Nasion » que j’avais lancé en 1977 dans « Pena Kiksoz Ki Pli Zoli » et de « Santé Sanzman Lavi Ki Pé Deroulé » en 1982, dont les deux derniers couplets sont toujours d’actualité en 2024.

Le clip vidéo de « Santé Sanzman », d’une durée de 60 secondes, était diffusé chaque soir sur la « MBC Political Broadcast » avant l’intervention des représentants de l’alliance MMM-PSM. Nous avions également choisi d’utiliser notre temps d’antenne pour projeter un court-métrage composé de témoignages de Mauriciens et de Mauriciennes qui exprimaient les raisons de leur choix de voter pour « Sanzman ».

ramaÉlu, vous avez été ministre de la Culture et le premier à introduire la langue créole dans les bulletins de la MBC…
J’ai été le premier à m’exprimer dans notre langue nationale, le kreol morisien, au conseil municipal de Port-Louis en 1977 et au sein de l’exécutif de l’Association of Urban Authorities, et, ensuite, au Conseil des ministres en 1982. Avant juin 1982, seul le bulletin de cyclone était lu en kreol morisien à la MBC. L’introduction du Zournal en kreol morisien, avec la nouvelle direction de la MBC, était une nécessité démocratique. C’est cela, être en avance sur son temps ! 

Pourquoi avoir choisi le PSM de Harish Boodhoo en 1982 comme partenaire, alors que le MMM battait déjà ses ailes seul ? 
Étant présent partout dans la société mauricienne avec, en plus, la force syndicale de la General Workers Federation, le MMM pouvait remporter seul les élections en 1982, mais a choisi, dès 1980, d’accepter le soutien du PSM pour s’assurer d’une plus grande victoire. Ce grand MMM était généreux, peut-être même trop. 

Comment avez-vous vécu le premier 60-0 en 1982? 
C’était une grande joie, un grand moment de mauricianisme. Les militants étaient très motivés et le peuple heureux et soulagé. Les dirigeants de l’alliance MMM-PSM et les candidats avaient su inspirer la population. De plus, les aspirations populaires résonnaient dans les esprits avec des paroles comme : 

Je vais vous citer notre mantra en paroles d’une chanson :
Pou zanfan ki pe monte 
Pou lavenir dime 
Nou tou finn deside 
Sanzman nou pou amene 
Lepep antie mobilize 
Nou pei pe prepare 
Nouvo sime nou pe trase 
Pou batir enn nouvo lavi 
C’était la première fois dans l’histoire de la démocratie mondiale que l’opposition remportait tous les sièges dans des élections générales « free and fair ».

Le vent du changement varie selon les conditions économiques, politiques et sociales du moment ainsi que du ‘mood’ de l’électorat»

Est-ce que les chansons engagées comme « Krapo Kriyé » ont joué un rôle positif dans la victoire du MMM-PSM en 1982 ? 
Certainement, dans le processus de conscientisation du peuple mauricien. Par les paroles de chansons engagées qui décrivaient « listwar, lavi, lespwar ». Depuis les années 70, avec Group Kiltirel Soley Rouz, proche du MMMSP et Group Kiltirel Morisien, proche du MMM, la chanson engagée avait fait beaucoup de chemin. 

La cassette « Krapo Kriyé », comprenant 12 morceaux, avait été lancée le 6 septembre 1981, à l’occasion des 10 ans de la General Workers Federation, à Port-Louis, où plus de 350 cassettes à Rs 30 l’unité avaient trouvé preneurs. Plusieurs auteurs-compositeurs-interprètes et musiciens avaient collaboré à sa réalisation, dont Nitish et Ram Joganah, Guito Dumolard, Zul Ramiah qui chantait également quatre de mes compositions sur l’album, ainsi que les musiciens du Grup Latanier. L’ingénieur du son était Philippe de Magnée et l’enregistrement avait eu lieu en l’église de Cassis à l’acoustique impressionnante. 

En 1982, il y avait plus d’une centaine de « grup kiltirel » avec des « fet kiltirel » dans toutes les régions du pays. Avant Bruno Muken, il y avait Siven Chinien, Bam Cuttayen, Menwar, Micheline Veerasawmy, Odile Chevreau, Sarojini Seeneevassen, Fanfan, etc., et après, il y a eu beaucoup d’autres chanteurs engagés. 

Racontez-nous votre apport en 1982 et en 1995 dans les deux 60-0 du MMM et de Paul Bérenger. 
En 1982, le MMM avait une très belle équipe arc-en-ciel et représentait plus de 55 % de la population. Avec les 5 % du PSM et la dynamique de l’alliance, nous étions arrivés à plus de 64 % de l’électorat. J’étais candidat au n°8, à Moka/Quartier Militaire, membre du National Campaign Committee et membre du comité de rédaction du programme gouvernemental. Je présidais également la Commission Jeunesse, Sports, Culture et Loisirs. Bien avant les élections, la direction de l’alliance avait annoncé publiquement les noms de six personnes qui seraient ministres : Anerood, Harrish, Paul, Kader, Jean-Claude et moi. 

Et le 2e 60-0 en 1995 ?
En 1995, j’étais Co-National Campaign Manager de l’alliance Parti travailliste (PTr)-MMM, avec Kailash Prayag, Rajesh Bhagwan et Christian Rivalland. Lors de la première réunion du comité de campagne au quartier général du PTr, l’aîné Rivalland me demanda d’exposer ma stratégie de campagne et de communication qu’il allait soutenir à 100 %. Il ajouta qu’il m’avait suivi lors de précédentes campagnes du MMM et vu le succès de la campagne MMM-PTR lors de l’élection partielle de janvier 1995 à Rose Hill-Stanley où Bérenger et David avaient été élus. 

Il semblerait qu’à chaque fois que le MMM gagne, c’est par un score de 60-0... Comment expliquer ce phénomène ? 
Le MMM a remporté trois fois 60-0 : d’abord en 1982, ensuite en 1995 et maintenant en 2024, en alliance avec le PTr. Rappelons que le MMM a aussi remporté deux autres élections générales en alliance avec le MSM en 1991 (57/3) et en 2000 (54/6). 

Le MMM a été battu en alliance avec le MSM en 2005, et en alliance avec le PTR en 2014. Le MMM a aussi été battu seul ou presque en 1987, en 2010 et en 2019. En 1976, le MMM avait remporté 30 des 60 sièges, mais une alliance post-électorale PTr-PMSD incluant les deux élus de Rodrigues, devait former le gouvernement. 

Pour résumer, on peut dire que le vent du changement varie selon les conditions économiques, politiques et sociales du moment ainsi que du « mood » de l’électorat. Les forces et faiblesses des dirigeants et des candidats, la stratégie de la campagne électorale, la communication et la psychologie de masse sont autant de facteurs qui déterminent le résultat d’une élection. 

Les militants se font vieux. La relève est-elle là ? 
Les militants du MMM de la première heure qui sont toujours là sont bien sûr âgés, mais avec de l’expérience. Comme Bérenger et Bhagwan avec ses dix victoires consécutives au n°20 (Beau-Bassin/Petite-Rivière). Mais il y a aussi les jeunes comme Joanna Bérenger, Jasmine Toulouse, Fawzi Allymun, Karen Foo Kune-Bacha et les moins jeunes comme Jyoti Jeetun, Reza Uteem, Arianne Navarre-Marie, Aadil Ameer Meea, Chetan Baboolall, Tony Apollon, Deven Nagalingum, Franco Quirin, entre autres. C’est en se renouvelant et en modernisant ses structures et sa communication interne que le MMM relèvera le défi de l’avenir. 

Bref, est-ce que le MMM pourrait rester au pouvoir, sans cassure ? 
En entendant le mot cassure, certains sont traumatisés. La direction du MMM, forte de son expérience, saura montrer plus de maturité et de souplesse au sein de l’Alliance du Changement menée par Navin Ramgoolam, et qui porte l’espoir de tout un peuple. Qui devra « deliver » dans la transparence. Un gouvernement qui devra faire ce qu’il dit et dire ce qu’il fait. La population compte aussi sur les autres composantes de l’alliance, le PTR, Nouveaux Démocrates et les idéalistes plutôt réalistes de Rezistans ek Alternativ (ReA). 

Que pensez-vous de ReA ? 
Au sein de ReA, ce sont des jeunes formés dans l’esprit du mauricianisme et du service aux autres. ReA apporte fraîcheur, jeunesse, écologisme, féminisme, humanisme, intellect et beaucoup d’éléments de la classe ouvrière en son sein et dans son sillage. Ces jeunes femmes et jeunes hommes ont montré de quoi ils étaient capables face à la catastrophe du Wakashio, dans leur combat contre le communalisme et en faveur des droits humains et de la nature. Si ce parti continue sur cette lancée et prend de l’ampleur, ReA sera une véritable bénédiction pour la République de Maurice. 

Rama Poonoosamy : son parcours

Né en juillet 1951 à Port-Louis, Rama Poonoosamy est marié à Gina. Le couple a trois enfants : Gavin, Romi et Amsi. Après le primaire à l’école du Champ de Lort, maintenant Raoul Rivet, à la rue Saint Georges, il a fait ses études secondaires à La School, l’ancien Collège Royal de Port-Louis, et au John Kennedy College. Il a poursuivi des études supérieures en administration publique et en sciences politiques à l’Université de Maurice. 
En 1977, Rama Poonoosamy a été élu conseiller municipal à Port-Louis dans ce qui est communément appelé le Ward 4. En 1982, il a été élu député dans la circonscription n°8, Moka/Quartier-Militaire.

 

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