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Prof et chercheur au Canada, Vasu Appanna étudie les microbes

Vasu Appanna et son épouse Sharin, sociologue de formation.

Domicilié dans l’Ontario au Canada où il exerce comme professeur et chercheur à la Laurentian University dans le domaine des micro-organismes, son centre d’intérêt étant l’étude des microbes, Vasu Appanna a publié en 2023 un livre intitulé « Tales From Dodoland ». Il y raconte la vie d’une génération d’Indiens originaires de l’Andhra Pradesh et venus s’implanter dans une localité du nord de Maurice. Nous l’avons rencontré à Poudre-d’Or, son village natal où il passe régulièrement des vacances en compagnie de son épouse Sharin, d’origine trinidadienne et rencontrée au Canada.

Vasu Appanna, c’est d’abord l’exemple d’un destin qui peut paraître exceptionnel, mais que lui-même tient à nuancer : « N’importe quel individu qui a la volonté d’apprendre en fonction de ses compétences y arrive lorsqu’il dispose des conditions qui favorisent son but. Moi, j’ai aussi eu la chance d’avoir des parents qui voulaient que leurs six enfants réussissent dans leur parcours scolaire », explique celui qui n’est pas passé par la voie dite « royaliste » dans le secondaire, mais par un collège dont il n’a pas à rougir, le Collège Islamic. « Mes parents m’y avaient inscrit parce qu’il y avait un l’arrêt de bus près de ce collège », indique l’aîné de la famille Appanna. Pour le reste, ce sera un parcours pédagogique sans accroc, qui le conduit d’abord à l’Indian Institute of Science de Mumbai où il décroche sa licence en science. De retour à Maurice, il rejoint l’enseignement secondaire avant de mettre le cap sur Cardiff, en Écosse où il passe une maîtrise en chimie. Une année plus tard, il part à l’université de Waterloo, au Canada, pour effectuer sa thèse de biochimie consacrée aux bactéries. « J’ai toujours été fasciné par les espèces vivantes et j’ai toujours voulu comprendre leur évolution. Dans l’étude des bactéries, on sait aujourd’hui que sur une centaine qui existe, 95 % ne sont pas pathogènes. Les espèces vivantes requièrent les mêmes énergies que les vivants. Les insectes, par exemple, consomment eux-aussi du glucose », fait-il observer. 

Université de Waterloo

À l’université de Waterloo, financée à majorité par l’État, Vasu Appanna dirige une équipe de chercheurs qui bénéficient des subventions du privé. « Nous travaillons en ce moment sur les probiotiques qui ont un rôle-clé dans de nombreuses fonctions de notre organisme, sur l’émanation de méthane provenant des bovins et qui est aussi un des gaz à effet de serre et un projet de dépollution du plastique et enfin l’étude du microbiote. Évidemment, l’État et le secteur privé sont les potentiels clients pour les résultats de nos recherches. C’est comme ça que sa marche aussi chez les grandes universités américaines comme le MIT Stanford ou Harvard. C’est une forme de collaboration qui permet de financer de grandes recherches que ne pourrait supporter l’État à lui seul. La qualité de ces recherches permet d’asseoir surtout le niveau de ces universités et consolide leur prestige », indique-t-il. Mais, notre interlocuteur précise dans le même souffle que la gestion de ces fonds implique aussi une véritable rigueur et transparence. « Pour obtenir la confiance des bailleurs de fonds, il faut préparer des projets cohérents, fiables et soutenables », dit-il.

Une quarantaine d’années au Canada

Installé depuis une quarantaine d’années au Canada, il dit comprendre l’attractivité d’un tel pays auprès des Mauriciens. « À tous les niveaux de la vie au Canada, il prévaut la méritocratie et la transparence, le respect et la tolérance, la sécurité et le respect des institutions. C’est presque l’idéal et ce sont les conditions qui m’ont permis à moi, à un de mes frères et une de mes sœurs d’élire domicile dans ce pays, mon autre sœur ayant elle décidé de faire carrière dans la fonction publique à Maurice, ce qui n’était pas plus mal », relate-t-il. 

Grace à sa fille qui exerce la chiropraxie à New-York et ses deux frères domiciliés l’un en Californie et l’autre dans le New Jersey, il réfute les clichés véhiculés à propos de la violence aux États-Unis. « C’est une image qui est véhiculée par le cinéma, or les États-Unis est le pays qui permet aux individus du monde entier de se réaliser. Si vous êtes intelligent, les États-Unis ’is place to be’ », fait-il valoir.

« Tales From Dodoland » : un livre pour rappeler le village natal

Si Vasu Appana a momentanément délaissé l’écriture scientifique à des fins de publication, c’est pour répondre à un souhait de ses proches aux États-Unis et au Canada. « Durant des années, à chaque dîner, anniversaire et autres rencontres, on me demandait de mettre noir sur blanc les souvenirs de mon enfance que je partageais avec eux. Je me suis ainsi attelé à cette tâche », confie-t-il. Aussi s’est-il mis à recueillir des documentations tant du côté de Londres sur la période coloniale britannique se rapportant à l’arrivée des travailleurs indiens à Maurice qu’au Mahatma Gandhi Institute, à Moka, lors de son séjour à Maurice en 2023. Le livre publié par la société américaine Genesis Publishing est paru l’année dernière, retransmettant un témoignage vivant de la vie dans une petite localité du Nord, qui n’est pas sans rappeler le Poudre-d’Or natal de Vasu Appanna. « Ces récits m’accompagnent depuis toujours, même si certains des personnages et des participants, fictifs ou non, ont disparu depuis longtemps, indique l’auteur. Il s’étend sur près d’un siècle et se déroule à l’apogée de la colonisation britannique et de l’émergence subséquente de nouvelles nations indépendantes. Elle raconte les tribulations, les épreuves, les triomphes et les joies d’une famille arrivant dans un nouveau pays. Mais c’est aussi l’histoire de tous ceux qui, de gré ou de force, ont cherché une vie meilleure dans un nouvel endroit. Le défi et la joie inhérents à l’enracinement dans un environnement inconnu sont racontés par le principal protagoniste, un garçon nommé Babu. La vie et les événements quotidiens de Regala, petite ville naissante dont les habitants sont des immigrants fraîchement débarqués, sont révélés. Ces individus aux origines culturelles et linguistiques diverses s’installent sur une terre pratiquement vierge, sans histoire, sans culture et sans population humaine. »

 

Les tribulations de ces gosses d’une de ces centaines de localités rurales de l’île Maurice ne sont pas sans les images émouvantes du « Monde d’Apu », le magnifique volet de la trilogie en noir et blanc de Satyajit Ray, comme ces petites histoires simples, parfois tristes ou heureuses qui ont émaillé ces milliers de localités du monde entier avant l’apparition de la lumière, de l’eau courante et des rues goudronnées. À Maurice, c’était l’époque où l’on se soignait à l’aide des plantes médicinales cultivées dans les cours, où les gosses se pliaient de bon gré devant l’autorité et respect qu’inspiraient les enseignants, les parents et les « vieux ». « Depuis, le bon voisinage, la solidarité et l’entraide se sont heurtés aux murs érigés entre les maisons. Chacun vit pour soi, possède sa voiture et ne semble plus trop s’inquiéter de son voisin. Mais le monde rural a encore réussi à préserver certaines de ses traditions », fait observer Vasu Appanna qui souhaite que le ministre de l’Éducation intègre son livre dans le circuit scolaire comme un document de référence sur la vie quotidienne d’un couple d’immigrés indiens à Maurice à l’époque coloniale britannique.

 

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