Professeur associé et ancien consultant en hydrogéologie pour la Central Water Authority, Prem Saddul analyse la gestion de l’eau, où la crise du stress hydrique perdure malgré les alertes. Selon lui, l’île, bien qu’enrichie de ressources en eau, souffre d’une gestion inefficace.
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Pourquoi le problème du stress hydrique persiste-t-il chaque année malgré les avertissements des autorités ?
Chaque année, entre octobre et décembre, et parfois jusqu’en janvier et février comme en 2025, nous entendons la même histoire sur l’état de nos ressources en eau douce de surface et souterraines. Les autorités sonnent l’alarme avec une intensité croissante en fonction de la gravité de la situation.
Lorsque les ressources se raréfient, des lois strictes sont mises en place pour punir ceux qui « gaspillent l’eau » inutilement. Pourtant, ce stress hydrique ne peut pas perdurer chaque année. Si tel est le cas, il est impératif de remettre en question l’efficacité de ceux qui sont responsables de la gestion de l’eau douce. Le temps des solutions temporaires est révolu.
Quels sont les principaux facteurs expliquant ce paradoxe hydrique à Maurice ?
Maurice reçoit, en moyenne, 4 000 mm de pluie par an, notamment dans la zone de captage du plateau central, mais avec une diminution progressive en direction des basses terres côtières. En analysant les données sur les précipitations et la surface de l’île, deux points majeurs émergent. D’une part, le pays n’est pas véritablement en situation de stress hydrique. D’autre part, chaque année, plus de 100 millions de mètres cubes d’eau douce se déversent dans la mer via les 53 rivières et réseaux souterrains. Ce gaspillage de ressources est un véritable paradoxe, d’autant plus que nous laissons échapper cette richesse naturelle au lieu de la capturer et de la conserver efficacement.
Quelles solutions concrètes peuvent être mises en place pour mieux capter et stocker l’eau de pluie à Maurice ?
Notre devise devrait être simple : « Ne laissons pas une seule goutte de pluie, notre unique source d’eau, atteindre la mer avant qu’elle n’ait été utilisée plusieurs fois. » La période de récolte de l’eau s’étend de décembre à mars, avec février comme mois le plus humide.
Paradoxalement, c’est aussi durant cette période que les inondations deviennent fréquentes, malgré la richesse de l’eau disponible. Nos 53 rivières se transforment en tapis roulants, emportant des centaines de milliers de mètres cubes d’eau douce vers le lagon. Comme l’écrivait Malcolm de Chazal : « Et la pluie glisse dans le sous-sol caverneux de notre île et s’en va par des ruisseaux souterrains et en surface à la mer.
La mer prend peu à peu la richesse de la terre et la richesse du ciel... Nous laissons toute notre fortune aller à la mer. C’est bête... Agissons ! »
Quels sont les avantages du forage de puits par rapport aux réservoirs de surface pour assurer un approvisionnement en eau stable ?
La CWA a lancé un programme accéléré de forage de puits depuis avril 2023. Grâce à des investigations hydrogéologiques approfondies et à un équipement de pointe pour détecter les nappes phréatiques, l’organisme est parvenu à identifier des réserves d’eau souterraine abondantes mais qui se renouvellent moins rapidement que les réservoirs de surface.
Comment peut-on améliorer l’efficacité du système de distribution pour éviter que l’eau souterraine ne soit perdue dans la mer ?
Les régions du Nord sont particulièrement touchées par le stress hydrique de novembre à décembre. Des études menées en mai 2023 ont révélé que d’importants volumes d’eau souterraine s’écoulent vers le nord-ouest et le nord-est depuis les montagnes de La Nicolière. Une grande partie de cette eau finit dans la mer, rendant son exploitation inefficace. C’est pourquoi des puits ont été forés. En un an, plusieurs puits ont été forés avec succès dans cette région pour fournir de l’eau potable aux habitants.
Quel bilan peut-on tirer du programme de forage de la CWA jusqu’à présent ?
Le programme de forage mis en place par la CWA a montré des résultats prometteurs. En utilisant une méthodologie rigoureuse combinant cartes géologiques, morphologiques et techniques de détection de l’eau souterraine, l’organisme a foré 15 puits entre octobre 2023 et novembre 2024. Ces puits ont permis de produire 40 000 mètres cubes d’eau douce par jour, injectés directement dans le réseau de la CWA.
Ce programme a été soutenu par un investissement de Rs 16,6 millions, avec un taux de réussite de 78,6 %, bien supérieur à la moyenne mondiale de 25 %. Les forages ont été réalisés par des entreprises accréditées sous contrat avec la CWA.
Quels changements structurels et politiques sont nécessaires pour une meilleure gestion de l’eau à Maurice ?
L’eau est une ressource économique et un capital naturel précieux. Elle est essentielle à la vie, au développement et à l’environnement. Sa gestion rationnelle doit être au cœur des préoccupations nationales.
Pour garantir un avenir où l’eau est utilisée de manière durable et équitable, il est impératif d’injecter des fonds dans le budget national afin de permettre à la Water Resources Unit et à la CWA d’explorer, de conserver et de distribuer l’eau de manière rationnelle et durable. Si rien ne change, alors les paradoxes qui illustrent la situation actuelle, comme les noms de lieux tels que « Riche-en-Eau » et « Rivière-Sèche », continueront à exister, laissant l’île dans une situation de vulnérabilité hydrique chronique.
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