Discret, souvent en retrait des projecteurs, Nasser Osman Beekhy se retrouve aujourd’hui au cœur d’un des dossiers les plus explosifs de l’année. Son nom, connu dans certains cercles politiques, ressurgit brutalement avec l’affaire Mamy Ravatomanga. Pourtant, ce n’est pas la première fois que cet homme, ancien pompier devenu militant travailliste, croise l’histoire politique et judiciaire du pays.
Originaire de Port-Louis, Nasser Beekhy s’est longtemps présenté comme un citoyen engagé, proche des bases militantes du Parti travailliste. On le décrit comme un homme accessible, présent dans les réunions publiques et les campagnes électorales, notamment aux côtés de figures du parti comme le Dr Farad Aumeer. Sans occuper de fonctions officielles, il a toujours gravité autour des réseaux politiques rouges, dans un rôle d’intermédiaire ou de soutien logistique.
Son nom apparaît pour la première fois dans les années 1990, à une époque où Maurice traversait des tensions politiques aiguës. En 1996, la fusillade de Gorah Issac Street, à Port-Louis, fait trois morts et secoue la scène nationale ; Nasser Beekhy y perd un frère, victime de cette tragédie. Ce drame le marque profondément.
Quelques années plus tard, en 2003, il refait surface en déposant, avec Raju Mohit, une private prosecution contre Paul Bérenger, alors Premier ministre. Les deux plaignants accusaient ce dernier d’avoir hébergé Toorab Bissessur et de l’avoir aidé à quitter le pays pour Madagascar afin d’échapper à la justice. L’affaire avait suscité un vif débat avant d’être classée.
Depuis, Nasser Beekhy s’était éloigné des médias. Sa présence se limitait à quelques apparitions publiques, le plus souvent lors d’activités politiques. Jusqu’à ce mois d’octobre 2025, où son nom revient avec fracas dans une affaire mêlant finance, pouvoir et influence.

Le jour où tout a basculé
Dans la nuit du 11 au 12 octobre, un jet privé en provenance de Madagascar atterrit discrètement à Maurice. À son bord, Mamy Ravatomanga, magnat malgache et proche de l’ex-président Andry Rajoelina, fuyant les violentes manifestations dans son pays. Quelques jours plus tard, la Financial Crimes Commission (FCC) ouvre une enquête pour faire la lumière sur ses réseaux d’influence à Maurice. Les soupçons se concentrent rapidement sur une poignée d’intermédiaires, parmi lesquels figure Nasser Beekhy.
Le 27 octobre, il est traduit devant le tribunal de Port-Louis et inculpé provisoirement pour entente délictueuse, délit qui aurait été commis le 15 octobre. La FCC s’oppose à sa remise en liberté sous caution, et le tribunal ordonne qu’il reste en détention provisoire jusqu’au 3 novembre.
À sa sortie de la cour, il fait une brève déclaration : il affirme s’être rendu au Bureau du Premier ministre pour « dénoncer certains trafics d’influence ». Selon lui, ses révélations auraient « poussé un commissaire à démissionner » - une allusion directe à Me Junaid Haroon Fakim, nommé commissaire de la FCC le 5 août 2025 et démissionnaire le 25 octobre.
Officiellement, la FCC a évoqué des « raisons personnelles », mais des sources proches du dossier affirment que Me Junaid Fakim aurait rencontré Mamy Ravatomanga (voir en page 3). L’avocat, selon nos sources, devait se rendre en France le lundi 27 octobre, mais n’a pu quitter Maurice à la suite d’un « Report on Departure » émis contre lui.
Autre coïncidence troublante : Nasser Beekhy devait lui aussi s’envoler pour la France dans la nuit du vendredi 24 octobre, avant son arrestation. Hasard de calendrier ou coordination non assumée ? D’autant que l’ancien président Andry Rajoelina se trouve toujours en France.
« Je ne comprends pas ce que la FCC me reproche »
La FCC a maintenu, lundi 27 octobre 2025, son opposition à la remise en liberté sous caution de Nasser Osman Beekhy. Ce dernier a été provisoirement inculpé pour entente délictueuse devant le tribunal de Port-Louis. Il restera en détention policière jusqu’au 3 novembre 2025, date de sa prochaine comparution. Il lui est également interdit de quitter le territoire.
À sa sortie du tribunal, le sexagénaire n’a pas hésité à s’exprimer, alors qu’il était escorté par des officiers de la FCC. « J’ai moi-même fait de nombreuses dénonciations et je suis même allé, mercredi dernier, au Bureau du Premier ministre pour signaler ces faits. Je ne comprends pas que la FCC puisse maintenant m’accuser de trafic d’influence », a-t-il déclaré. Nasser Osman Beekhy a également formulé de graves accusations contre un haut cadre de la FCC.
Arrêté le 24 octobre 2025 par la FCC, Nasser Osman Beekhy est accusé d’avoir convenu avec David Jean Christian Thomas, proche de Maminiaina Ravatomanga, alias Mamy Ravatomanga, de rencontrer Junaid Haroon Fakim, avocat et ancien commissaire de la FCC. Ce dernier a présenté sa démission à la présidence de la République le 26 octobre 2025, quittant ainsi son poste de commissaire. Selon l’acte d’accusation, cette rencontre aurait eu pour but de commettre un délit de trafic d’influence.
L’objectif présumé de cette réunion était d’influencer le cours d’une enquête visant le magnat malgache. Le délit serait survenu le 15 octobre 2025.
Silence rouge autour de l’affaire Beekhy
L’affaire Nasser Beekhy crée un malaise perceptible au sein des Rouges. Proche du Parti travailliste, l’homme, aujourd’hui poursuivi pour entente délictueuse, voit ses démêlés raviver les spéculations sur ses liens avec certaines figures politiques du camp rouge. Des clichés le montrant aux côtés d’élus du parti circulent depuis le week-end, alimentant un climat de gêne et de prudence dans les rangs travaillistes.
Interrogé à ce sujet, le Dr Farad Aumeer, député du PTr et figure souvent associée à Naseer Beekhy dans les activités de terrain, a préféré s’en tenir à une ligne sobre : « Je ne souhaite pas faire de commentaires dans cette affaire… »
Même réserve du côté du président du parti, Patrick Assirvaden : « Aucun commentaire. » Quant au député Ehsan Juman, également sollicité pour une réaction, il est resté injoignable.
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