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Postes au sein d’institutions publiques - nominations controversées : entre cadre légal et réalités politiques

Me Dev Ramano dénonce ce qu’il qualifie de « système incestueux ». Haniff Peerun plaide pour une refonte complète et pour la création d’un panel indépendant. Pour Reaz Chuttoo, tant qu’il n’y aura pas de panel indépendant, « ce cercle vicieux continuera ». Selon Laura Jaymangal, il faut instaurer des procédures ouvertes, inspirées de modèles internationaux.

Alors que les récentes nominations au sein d’institutions publiques relancent le débat, le fossé entre règles écrites et pratiques politiques se creuse. Si les procédures encadrent les mandats et la transparence, leur application soulève des questions sur la sélection des candidats, les critères retenus et la lisibilité des décisions aux yeux du public. Des observateurs livrent leur point de vue. 

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Nommer, ne pas nommer ? Les récentes désignations politiques ont relancé le débat sur la gestion des postes à responsabilité au sein d’institutions publiques. L’exécutif invoque la confiance et la loyauté, tandis que l’opinion publique y voit des mécanismes d’entre-soi où les affinités prennent parfois le pas sur le mérite. Or, la question ne se limite pas à la légalité des procédures. Elle concerne aussi leur lisibilité, leur traçabilité et leur légitimité aux yeux des citoyens. Dans un contexte de défiance, la demande de preuves s’impose. 

Quels critères ont prévalu ? Quelles compétences étaient recherchées ? Pourquoi ces personnes plutôt que d’autres ? Comment prouver que l’indépendance des régulateurs n’est pas qu’une promesse mais une pratique mesurable ? Sur le papier, les garde-fous existent : mandats encadrés, obligations de probité, déclarations d’intérêts, règles de récusation et incompatibilités. Mais le point de friction se situe en amont, lors de la sélection : définition des besoins, ouverture du vivier de candidats, méthode de comparaison et publication des motifs. 

Pour Dev Ramano, avocat et militant engagé, le constat est sans appel : « La loi est là, mais son application fait défaut. » Il dénonce « un système incestueux et pestilentiel » qui perdure depuis des années. « Voilà longtemps qu’on explique qu’on réclame un Appointment Committee ; à ce jour, rien. Il faut que ce comité soit véritablement indépendant et repose sur trois piliers : transparence, mérite et légitimité », insiste-t-il. 

Selon lui, le dispositif actuel « gangrène nos institutions ». À ses yeux, l’enjeu dépasse un simple changement de majorité : « Il faut changer de paradigme. Depuis trop longtemps, nous évoluons dans un système pourri jusqu’à l’os. Plus vite un comité indépendant sera mis sur pied, plus vite les choses seront claires. Hier, Ehsan Juman pouvait critiquer Rezistans ek Alternativ. Pourquoi ce virage exécrable aujourd’hui ? », martèle-t-il.

Reaz Chuttoo, président de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé, déplore, quant à lui, le manque total de transparence. Selon lui, la Competition Commission doit être l’instance suprême contre les abus. « Lorsque nous regardons la nomination récente de la fille d’un député comme commissaire dans cette même commission, on se demande où est la transparence. Tant qu’il n’y aura pas de panel indépendant, ce cercle vicieux continuera. On dit venir prochainement avec un Appointment Committee. Mais quand ? » 

D’autres pays ont adopté des réformes pour améliorer leurs institutions. Les références internationales montrent la voie : appels à candidatures ouverts, publication d’une Competency Matrix avant la sélection, existence d’un régulateur des nominations ou d’un comité d’audit qui vérifie la conformité des procédures. Au Royaume-Uni, un panel indépendant fonctionne selon trois piliers : le mérite, l’équité et l’ouverture. 

Haniff Peerun, président du Mauritius Labour Congress, appelle à une refonte complète. « Il faut un panel digne des attentes de la population et en finir avec le pouvoir du président de la République et du Premier ministre. Il faut rendre publics ces postes, sélectionner les candidats, organiser des examens de compétences, puis faire le tri. L’Equal Opportunity Commission doit pouvoir enquêter sans barrières. Il est temps d’en finir avec un système obsolète. » 

Transparency Mauritius monte au créneau

Le jeudi 14 août 2025, Transparency Mauritius a pris position dans un communiqué. L’organisation rappelle qu’un mécanisme de nomination peut être légitime s’il repose sur le mérite et les conséquences. Elle précise toutefois qu’il « ne doit en aucun cas devenir un moyen de récompenser des ‘Politically Exposed Persons’ ».

« Nommer est une chose, mais la modalité en est une autre », a déclaré Laura Jaymangal, jointe au téléphone. Elle a rappelé que le fait que la fille d’un député siège au sein d’une commission censée faire prévaloir l’équité crée une perception de conflit d’intérêts. « Les Mauriciens expriment une crainte légitime et nous revivons des scénarios de la décennie écoulée », a-t-elle expliqué. 

Elle plaide pour des appels à candidatures ouverts, une grille de compétences, des auditions et un registre public des intérêts et des récusations. L’Equal Opportunity Commission devrait, selon elle, pouvoir agir d’office quand surgissent des indices de discrimination. « Sans transparence procédurale, le doute s’installe et la confiance s’érode », a ajouté Laura Jaymangal.

Competition Commission : Ce que la loi dit vs ce qu’elle ne dit pas 

La loi prévoit cinq membres à la Competition Commission : un président, un vice-président et trois commissaires, nommés par le président de la République sur avis du Premier ministre, après consultation du leader de l’opposition. Ils peuvent venir du public, du privé ou du monde académique, choisis pour leurs compétences en droit, économie, comptabilité ou commerce. Le mandat est de cinq ans, renouvelable une fois. 

Chaque commissaire doit déclarer ses avoirs et dettes auprès de la Financial Crimes Commission dans les 30 jours suivant sa nomination, puis chaque 30 juin, et à la fin de sa fonction. Il doit se récuser en cas de conflit d’intérêts. Les décisions de la Competition Commission doivent être publiées avec leurs motifs. Un « cooling-off » de trois ans empêche tout emploi dans une entreprise ayant fait l’objet d’une enquête de la Competition Commission. 

Ce que la loi ne dit pas, en revanche, c’est qu’il n’existe aucune exigence explicite d’appel ouvert à candidatures ni de publication d’une grille de compétences avant la sélection. Autrement dit, le cadre légal définit les profils, les incompatibilités et le fonctionnement institutionnel, mais la justification du choix reste à la discrétion des autorités, qui peuvent l’encadrer par des pratiques de transparence telles que critères publiés, auditions et motivations détaillées des nominations.

 

 

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