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Post-HSC - Exode des lauréats : comment retenir notre « brain power »

Après la liesse que provoque la proclamation des lauréats, place à la dure réalité de l’exode des talents.

Des problèmes systémiques seraient à l’origine de l’exode massif de nos « cerveaux ». C’est ce que s’accordent à dire différents pédagogues qui incitent l’État mauricien à faire davantage d’efforts afin de rivaliser avec les pays qui proposent des facilités plus attrayantes aux lauréats.

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Situer le problème

« Les jeunes lauréats ont aujourd’hui davantage de raisons de ne pas retourner au pays. » L’ancien ministre de l’Éducation Kadress Pillay ne mâche pas ses mots. Selon lui, on ne peut occulter le fait que nous évoluons dans une économie globale. « Les jeunes ont aujourd’hui une fenêtre sur tous les pays du monde à travers Internet et la tentation d’aller à l’étranger est donc plus forte », souligne le pédagogue.

Dans la foulée, Kadress Pillay ne manque pas non plus de faire ressortir que l’évolution du pays depuis ces dernières années, ainsi que les considérations des dirigeants pour des enjeux mondiaux tels que l’écologie, la démocratie ainsi que la méritocratie, sont autant de facteurs qui jouent en défaveur du pays pour retenir son brain power. Le dérèglement climatique, la préservation de la faune et de la flore sont des valeurs auxquelles la jeune génération est profondément attachée. « Mais quelle importance le gouvernement accorde-t-il à de tels sujets ? » s’interroge l’ex-ministre. 

Il fait ressortir qu’un jeune Mauricien se trouvant à l’étranger aura tendance à avoir une mauvaise perception lorsqu’il témoigne des inondations qui secouent le pays à chaque grosse pluie. « N’oublions pas non plus l’épisode du naufrage du Wakashio. Je doute fort que ce sont des choses qui vont donner confiance aux jeunes dans le pays », soutient Kadress Pillay. 

Pour sa part, l’observateur politique, membre du groupe de réflexion Think Mauritius et pédagogue Faizal Jeerooburkhan avance qu’il y a des éléments profondément ancrés dans les mœurs mauriciennes qui font tache auprès de la jeune génération. « Plusieurs ex-lauréats avec qui j’ai eu l’occasion de converser mettent toujours en avant le castéisme, le ‘backing’ politique ainsi que le communalisme sur le lieu de travail. Que ce soit dans le secteur privé ou le secteur gouvernemental, ils sont plusieurs à être convaincus qu’il s’agit d’un problème systémique, alors que de telles choses n’existent pas à l’étranger », fait-il part. 

Dharam Gokhool, ex-ministre de l’Éducation, abonde dans le même sens. « La forte politisation des institutions à Maurice pose problème. Le souci à Maurice, c’est qu’aussitôt qu’un jeune cherchera à dire franchement à un gouvernement ses quatre vérités, il finira par se faire taxer d’anti-gouvernement. Et ce sont des choses auxquelles la jeune génération, surtout les professionnels, est allergique », avance-t-il.

Le coût des bourses d’études

  • Sir Seewoosagur Ramgoolam National Scholarships : 
  • Rs 25 millions pour l’année 2022-23
  • Post Graduate Scholarships Schemes : Rs 60 millions pour l’année 2022-23
  • State of Mauritius/Additional Scholarships : Rs 185 millions pour l’année 2022-23

Les pistes et solutions pour décourager l’exode

Des plans d’incitation

Des plans d’incitation exclusivement dédiés aux ex-lauréats. Il s’agit d’une des solutions que devraient explorer les autorités mauriciennes afin de contrecarrer l’exode intellectuel. Faizal Jeerooburkhan aussi bien que Dharam Gokhool ne manquent pas de souligner que les lauréats ayant décidé d’opter pour l’étranger sont traités à leur juste valeur : salaires attractifs, plan de carrière bien défini, bourses d’études… Il s’agit là d’autant de facilités auxquelles des ex-lauréats ont droit à l’étranger. 

« Il faut, de ce fait, leur proposer de mêmes avantages, voire meilleurs. À l’étranger, leur valeur est bel et bien reconnue et l’on sait à quel point leurs compétences peuvent être bénéfiques. Mais force est de constater que les autorités mauriciennes ne sont pas du même d’avis », avance Faizal Jeerooburkhan. 

Dharam Gokhool propose ainsi que le secteur privé et le gouvernement s’attellent à travailler sur l’élaboration de différents plans pour une durée de deux ou trois ans afin de garantir des facilités matérielles à ces jeunes professionnels. « Des facilités duty free, des facilités de logement, ainsi que des packages salariaux reluisants sont des pistes à explorer, car il ne faut pas oublier qu’ils sont énormément gâtés à l’étranger. Les autorités mauriciennes doivent donc être en mesure de rivaliser avec tous ces pays », insiste-t-il.

La Higher Education Commission appelée à mieux retracer les ex-lauréats

Développer une base de données qui pourra aider à mieux retracer les ex-lauréats. C’est ce que suggère Dharam Gokhoool, qui exhorte la Higher Education Commission (HEC) à devenir proactive. 

« Il est vrai que, bien souvent, un ex-lauréat préfère tout simplement s’éloigner de son pays et ainsi découvrir de nouveaux horizons. Mais je suis persuadé qu’au bout d’une dizaine d’années, avec de la maturité, cet ex-lauréat aura tôt ou tard envie de servir son pays, qui l’a accompagné pendant plusieurs années de sa scolarité à Maurice », avance-t-il. 

Et c’est là, dit-il, que l’instance régulatrice du secteur de l’enseignement supérieur doit entrer en jeu. « Au lieu de se tourner constamment vers des consultants étrangers pour des projets nationaux ou alors, lorsque le pays fait face à une crise dans des secteurs comme l’eau ou l’électricité, il faudrait songer à approcher ces ex-lauréats. Et la HEC, en développant une bonne base de données pour les lauréats, serait en mesure de guider le pays en termes d’expertise », explique l’ex-ministre. 

Plus de 60 % des lauréats restent à l’étranger

Selon un rapport du bureau national de l’audit pour l’année 2012, plus de 60 % des lauréats ont décidé de s’établir à l’étranger. En effet, sur 115 des 182 lauréats ayant bénéficié de bourses d’études de l’État mauricien, 81 ont refusé de retourner au pays. 

Faizal Jeerooburkhan, qui dit avoir procédé à un calcul du montant dépensé sur les lauréats, avance que l’État mauricien dépense annuellement un montant de Rs 10 millions par étudiant depuis sa première année de scolarité en primaire jusqu’au Higher School Certificate (HSC). « Comme nous avons produit pas moins de 49 lauréats cette année, c’est donc la somme de Rs 490 millions qui a été dépensée, rien que pour ceux qui ont été primés. C’est-à-dire pratiquement la moitié d’un demi-milliard. Avec tout cet argent investi sur un lauréat, il est impératif de les faire retourner à Maurice », dit-il.

 

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