Interview

Philippe Hardy: «L’accès à l’information est la base de la transparence»

Philippe Hardy
Philippe Hardy, nouveau président de Transparency Mauritius, estime que les politiques devraient faire davantage d’efforts pour une transparence absolue dans la gestion du pays. Le gouvernement a annoncé la semaine dernière un Good Governance & Integrity Reporting Bill. Il s’agit, entre autres, de créer un cadre pour protéger les dénonciateurs. Comment l’accueillez-vous ? Protéger le dénonciateur est important. À Transparency Mauritius, nous militons pour une telle loi. Évidemment, il faut que cela s’applique autant au secteur privé qu’au secteur public. Pas mal de choses sont mises en place dans le privé à ce niveau, le secteur public doit également faire son effort. Le texte propose un Good Governance Council qui pourra enquêter sur les accumulations de richesse  dont la provenance est inexpliquée… Avoir un Good Governance Council, c’est bien. Enquêter sur l’unexplained wealth dans l’absolu est une bonne chose. Il faut que le cadre soit bien défini. Si c’est le cas, ce sera certainement quelque chose de positif. La route est-elle encore longue au niveau du combat contre la corruption ? On est plutôt bien équipé en matière légale. Mais, c’est sûr que dans les faits et dans la gestion quotidienne du pays, il y a encore du chemin à parcourir. Un des éléments clés de la lutte contre la corruption est l’indépendance des institutions. On a des institutions assez solides, telles que l’Independent Commission against Corruption qui est présente depuis un certain temps et qui a suffisamment de moyens. Cependant, il y a un souci d’indépendance. Il a été reproché aux divers gouvernements qui se sont succédé de trop s’ingérer dans le fonctionnement des institutions. Feriez-vous la même critique ? Je le pense aussi. Le rôle du politicien est de mettre en place la politique générale, de créer le cadre légal et de donner l’impulsion aux institutions pour qu’elles puissent fonctionner comme il se doit. Le politicien doit aussi montrer l’exemple. Il faut qu’il laisse les institutions opérer de manière aussi indépendante et autonome que possible. Il faut arrêter de nommer des activistes ou des gens qui ont des affinités politiques à la tête de ces institutions. Les entreprises listées en Bourse sont régies par le code de ‘corporate governance’ qui établit des structures pour garantir l’indépendance des conseils d’administration. Je pense que l’État doit faire de même. Y a-t-il cette volonté ? Oui et non. Les intentions sont là. Ce gouvernement a nommé un ministre de la Bonne gouvernance, c’est déjà un pas dans la bonne direction. Des actions sont prises, mais est-ce que ces intentions sont traduites dans la réalité ? Je n’en suis pas sûr. Le gouvernement en place a mené campagne sur la bonne gouvernance et la transparence. Comment cela se traduit dans la réalité ? C’est trop tôt pour faire un bilan. Je pense qu’il y a des messages très positifs, notamment avec le ministère de la Bonne gouvernance. Je ne parle pas du ministre en particulier, mais de l’institution qu’est le ministère. Pour preuve les différentes affaires qui ont été mises au jour. Néanmoins, on voit que beaucoup de ces affaires sont gérées de manière politique. On n’a pas beaucoup entendu les institutions dans ces affaires-là, alors que cela aurait dû être le cas. D’un côté, on note de bonnes initiatives , mais de l’autre, il y a encore trop d’ingérence. Cela porte-il atteinte à notre image ? Évidemment. Quand il y a des affaires aussi importantes qui éclatent au grand jour, cela fait du mal. D’un autre point de vue, cela veut dire qu’on essaie de mettre de l’ordre. C’est également la preuve que par le passé, les institutions n’ont pas fait leur travail. Le message envoyé est ambigu. On parle beaucoup de la Freedom of Information Act. En a-t-on vraiment besoin ? On ne peut lutter contre la corruption si on n’a pas une certaine assurance de transparence. La base même de la transparence est la liberté pour le citoyen d’avoir accès à l’information. Il doit pouvoir être au courant de se qui se passe au niveau de la gestion de son pays. La transparence est à la base même de la lutte contre la corruption. Peut-on tout révéler ? Je suis pour la transparence maximale. Les partis politiques sont les seules entités à échapper à tout contrôle. On nous promet depuis belle lurette un texte de loi par rapport au financement des partis politiques, mais on ne voit toujours rien venir. Votre opinion ? Ce n’est absolument pas acceptable que ce domaine ne soit pas régulé. Toutes les entreprises privées ou publiques ont pour obligation d’enregistrer leurs bilans financiers et n’importe quel citoyen peut sans problème les consulter. Je ne vois pas pourquoi cela ne devrait pas être la même chose pour les partis politiques. Ils devraient évoluer dans un cadre précis et déposer leurs comptes. C’est essentiel. Pourquoi ? Cela permettra aux institutions et citoyens d’avoir accès à l’information et d’éloigner les soupçons. Cela obligera aussi les partis politiques à faire preuve de rigueur et d’intégrité dans leur gestion. Tout le monde sait qu’une campagne électorale coûte beaucoup plus que ce que ces partis déclarent auprès de la Commission électorale. On a l’impression qu’il manque de volonté politique à ce niveau… Ce sont des structures qui permettent de canaliser beaucoup de fonds et on peut avoir des doutes sur la provenance de certains. Les politiques n’ont pas intérêt à avoir un cadre transparent et rigide, mais l’exemple doit venir d’en haut. Comment dire aux entreprises et citoyens d’être le plus transparent possible, alors qu’eux – les politiciens – ne sont pas obligés de le faire ? Pour que les politiciens changent, il faut que l’impulsion vienne de la société.
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