1 400 employés risquent de se retrouver sur le pavé avec la mise sous administration judiciaire de Palmar Ltée. L’angoisse est à son comble parmi les ouvriers et les fournisseurs. Les Receiver Managers auront la lourde tâche de sauver ces emplois.
Tâche herculéenne pour les Receiver Managers, Yacoob Ramtoolah et Afsar Ebrahim. Ils devront maintenir Palmar Ltée à flot et sauver les 1 400 emplois directs et une centaine d’emplois indirects. Un plan de sauvetage est en préparation pour éviter un drame humain.
Une chose est certaine : Palmar Ltée restera en opération jusqu’à fin mars pour respecter les dernières commandes. Cependant, la grande incertitude concerne l’avenir immédiat. Les employés et les fournisseurs gardent grand espoir dans les Receiver Managers qui, dans le passé, avaient sauvé des usines comme Corona, Shibani, Infinity World Knits et Real Garments.
Actuellement, les dépenses courantes mensuelles s’élèvent à Rs 18 millions, dont Rs 15 millions pour les salaires, Rs 1 million pour la location des emplacements et le reste pour les factures des utilités publiques et pour les fournisseurs. Cela ne constituera pas de problème pour le premier trimestre, car les revenus attendus avoisinent les Rs 75 millions. Cependant, l’ardoise des dettes est colossale, tournant autour de Rs 600 millions. Parmi les créanciers, figurent des petits fournisseurs et des petits prestataires de services.
Il incombe aux Receiver Managers d’obtenir des commandes. Ce ne sera pas une mince affaire, car une compagnie en faillite n’inspire pas la confiance des grosses boîtes de renom international. Ils croient cependant pouvoir les convaincre. Dans le milieu des actionnaires, on apprend que Thierry Lagesse s’était démené pour éviter la fermeture en injectant plus de Rs 100 millions tout récemment.
Profits de Rs 77 millions en 2016
Incorporée le 29 août 1980, la compagnie Palmar Ltée a réalisé un chiffre d’affaires de Rs 801 millions pour l’année financière de 2016. La société conclut avec un profit de Rs 77, 505, 657. Selon le bilan financier, au 21 décembre 2018; l’usine a fait des profits que Rs 11 millions. Toutefois, la compagnie s’est endettée au fil des ans avec plusieurs emprunts s'élevant en millions de roupies. À ce stade, Palmar Limitée a accumulé des dettes de Rs 600 millions auprès d’une banque commerciale.
C’est Thierry Lagesse qui détient la majorité des actions de la compagnie, soit 76,33% contre 9,13% pour Stam Investment, 5,86% pour Stéphane Lagesse et cinq autres associés qui détiennent 8,68% des actions. Ce n’est que le 7 février dernier que l’usine a été placée sous administration judiciaire. Yacoob Ramtoola et Asfar Ebrahim ont été nommés Joint Receiversand Managers de la compagnie.
Les 1 300 employés restent dans le flou. Selon le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, ils sont 904 Mauriciens et 356 expatriés qui opèrent au sein de la compagnie. Des négociations sont en cours avec la Mauritius Export Association (MEXA) pour redéployer les employés.
6 millions d’unités produites par an
Palmar Limitée est spécialisée dans la conception et la production de maillots et de jeans. Ses opérations incluent la conception et le développement de produits. Cela concerne la teinture et la finition, la coupe et la couture, l’impression, la broderie et d’autres embellissements, le lavage et la teinture des vêtements, le contrôle de qualité, l’emballage et le stockage des produits finis. La production annuelle de l’usine est de 1,8 millions de jeans et 4,2 millions des maillots. 55% des produits fabriqués sont destinés aux hommes, 35% aux femmes et 10% aux enfants.
Eric Dorchies, COO CIEL Textile : «Le marché mondial actuel est difficile»
Eric Dorchies, Chief Operating Officer de CIEL Textile indique que l’industrie du textile est une industrie cyclique et que le marché mondial actuel est difficile. Il connait une forte fluctuation de la demande en Europe et une concurrence accrue des principaux pays producteurs comme la Chine ou le Bangladesh, mais aussi des concurrents relativement nouveaux comme la Turquie qui bénéficie de sa proximité géographique avec les marchés traditionnels.
« CIEL Textile, dit-il, a fait très tôt le choix de diversifier ses zones de production entre notre cœur historique régional (Maurice et Madagascar) et l’Asie du Sud (Inde et Bangladesh). » Ainsi, la compagnie compte 19 usines réparties sur ces quatre pays. « Cette stratégie, ainsi que les investissements que nous avons réalisés au niveau de nos opérations de design, de la qualité, de l’automatisation, nous permettent aujourd’hui d’être considérés par nos clients comme des partenaires de confiance et non comme de simples producteurs. Cela dit, les changements rapides qui s’opèrent dans le monde du « retail » comme la forte croissance du e-commerce, du « fast fashion » ou des produits responsables, ne nous laissent aucun répit et nous invitent à constamment évoluer pour suivre les tendances et rester dans le jeu. »
La santé économique d’une usine, poursuit-il, dépend de la capacité d’adaptation pour réagir très vite et rester compétitif. « Pour cela, nous investissons dans la digitalisation, l’automatisation, le développement durable et bien entendu dans la formation de nos équipes. Par ailleurs, il faut composer avec les facteurs externes (coût du travail, tarifs douaniers, fret, taux de change, etc.) et pour cela, nous devons poursuivre le dialogue constant avec les autorités et le gouvernement afin de préserver notre compétitivité face aux géants asiatiques. »
Pierre Dinan : «Il est grand temps de réorganiser l’industrie textile»
L'économiste Pierre Dinan affirme que la balance commerciale sera affectée par le déclin de l'industrie textile. Il souligne que notre secteur textile se concentre principalement sur l'exportation et qu’au moindre déclin, le système sera affecté. « Pour le moment, nous avons une bonne réserve, mais si nous commençons à exporter moins, cela aura un impact négatif sur nos réserves. Nous sommes déjà confrontés à un déficit et cela va s'accentuer. »
Une autre conséquence sera le chômage. « L’industrie textile absorbe un maximum d’emplois, en particulier des femmes. Nous sommes déjà confrontés au problème du chômage chez les jeunes et si cette situation persiste, beaucoup de femmes se retrouveront sans emploi. Cela peut avoir un impact majeur sur notre économie », ajoute Pierre Dinan.
Pour l’économiste, il est grand temps de réorganiser l’industrie textile et de se demander à quel point ce secteur a évolué. « Le moment est venu pour nos parties prenantes de voir comment elles peuvent apporter une touche mauricienne à nos produits. Il faut être plus innovant et créatif afin de donner un nouveau souffle à ce secteur. »
Ahmed Parkar : «L’industrie textile suscite moins d’intérêt»
Ahmed Parkar, directeur de Star Knitwear, a déclaré que l'industrie textile était en pleine transition et que beaucoup d'acteurs avaient hâte de s'installer dans des pays comme Madagascar, l'Inde ou le Bangladesh. Une des principales raisons qu'il avance est la main d’œuvre. « L’importation de la main-d’œuvre est chère. Par mois et pour un expatrié, il faut débourser Rs 18 000 au minimum pour des frais les concernant. Il est donc plus commode pour les entreprises de s’implanter dans des endroits où il est facile d’accéder à la main-d’œuvre. De plus, à Maurice, l’industrie textile suscite moins d’intérêt ».
Maxime Koon : «Cela devient très difficile de concurrencer les pays asiatiques»
Maxime Koon, président de la Textile Apparels Manufacturers' Association, explique que depuis trois ans, la situation se dégrade et que rien de concret n'a été fait pour y remédier. « Il y a environ 300 PME dans ce secteur et elles souffrent. Certains ont déjà fermé leurs portes tandis que d'autres fonctionnent à perte. Il devient très difficile de concurrencer les pays asiatiques. »
Selon lui, l'une des raisons de cette baisse est le coût de production. « Avec le temps, ces coûts ont augmenté incroyablement et le manque de main-d'œuvre oblige l’importation des expatriés, ce qui est onéreux. Les matières premières sont importées. Avec tous ces coûts à la hausse, les usines ont du mal à faire face, d’autant plus qu’il leur est impossible d'augmenter leur prix. » Le président reproche au salaire minimum de créer plus de problèmes. « Il est impossible pour les entreprises du secteur textile de respecter le salaire minimum. Cela nous a imposé un fardeau supplémentaire. » Les grandes entreprises se délocaliseront car elles disposent des capitaux nécessaires pour le faire, mais d'autres petites entreprises, ne pouvant adopter cette même stratégie, préféreront fermer.
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