C'est Noël avant l’heure ! Depuis le début de la campagne électorale, les travailleurs, qui constituent le gros de l’électorat, sont choyés par les différents partis politiques. Chacun rivalise à coup de promesses les unes plus mirobolantes que les autres. Allons voir dans la hotte des Pères Noël…
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Dev Ramano, avocat et expert dans le domaine des relations industrielles, considère que si ces promesses sentent le populisme et le clientélisme électoral, les travailleurs méritent amplement une amélioration de leur niveau de vie après avoir souffert pendant des années d’une politique néolibérale. « Après avoir tant donné aux riches, à travers le Stimulus Package, le deal Illovo, des lois du travail nettement en faveur du patronat (Employment Relations Act et Employment Rights Act et autres, les principaux partis politiques n’ont aujourd’hui pas d’autre choix que de prendre des mesures populistes en faveur des travailleurs. Cependant, la grande question est : Auront-ils le courage de prendre cet argent là aux grands capitalistes car il faut bien trouver les financements quelque part. »
Cela dit, l’avocat estime que malgré ces promesses pro-travailleur, les principaux partis ont la même politique économique dans le fond et qu’elle ne diverge que dans la forme. « Personne ne vient avec une vraie politique de rupture capable d’améliorer en profondeur le quotidien des citoyens. » D’où sa crainte qu’ils pourraient remettre en question les promesses faites durant la campagne électorale. « La preuve : il est connu que les partis politiques ont un langage quand ils sont dans l’opposition et un autre quand ils sont au pouvoir. »
À cet effet, il rappelle l’introduction, en 2008, de l’Employment Relations Act et l’Employment Rights Act, deux législations avec des clauses des plus contraignantes pour les travailleurs alors que ce même gouvernement avait promis d’améliorer la vie de la population en 100 jours durant la campagne électorale. Il cite, entre autres, le licenciement économique avec un mois de préavis, qui a provoqué des milliers de licenciements notamment dans la zone franche.
Et parallèlement, le démantèlement du Termination of Contract Service Board (TCSB), un organisme qui veillait si une demande de fermeture d’une entreprise ou un dégraissage de personnel était justifié ou non.
Dev Ramano cite aussi la clause relative au renvoi injustifié. Il rappelle qu’avant 2008, il y avait deux taux d’indemnité de licenciement. Le taux punitif qui contraint un employeur à payer trois mois de salaire si la cour industrielle statue qu’un renvoi est injustifié et le taux normal qui est de 15 jours de salaire, s’il s’avère que la faute est partagée. Il avance que suivant l’introduction de l’Employment Relations Act, la compensation au taux normal a été enlevée. Il cite d’autres clauses qui étaient au détriment des travailleurs.
Rapport de force
L’expert en relations industrielles lance un appel pour la mise en place d’un rapport de force pour obliger le prochain gouvernement à mettre en pratique les promesses faites aux travailleurs durant la présente campagne électorale. Dont la révision du salaire minimum et le paiement du rapport du PRB en janvier prochain. « Il faut aussi faire pression pour que les acquis des travailleurs soient préservés dans la Workers’ Rights Act. »
C’est un autre son de cloche chez des employeurs. Patrick Fleury, artisan qui gère son propre magasin au Caudan Water Front, craint que si on leur impose des nouvelles charges (salaire minimal de Rs 10 000 et Portable Gratuity Severance Allowance et sans compter la compensation salariale), plusieurs petits entrepreneurs seront contraints de fermer boutique. « Il nous sera difficile, voire impossible de doubler nos ventes pour faire face à ces nouvelles dépenses, à moins que le gouvernement ne nous accorde un soutien financier pour assurer les salaires de nos employés. » Il attire l’attention que suivant les augmentations des salaires, la cotisation des employeurs au Fonds National de Pensions augmente exponentiellement.
Largesses inconsidérées
Un petit entrepreneur, qui a voulu garder l’anonymat, craint qu’au final, les pauvres salariés ne fassent « les frais des largesses inconsidérées des politiciens pour des besoins électoraux ». « J’ai clairement parlé de la situation à mes employés et je les ai mis en garde contre d’éventuels licenciements. »
Le secrétaire de l’Association des Consommateurs de l’île Maurice ( Acim), Jayen Chellum, estime que ces promesses pour attirer les votes des électeurs, faussent les débats démocratiques en forçant les électeurs à voter en fonction des avantages personnels qu’ils pourront tirer des partis politiques et non par rapport aux projets de société qui leur sont proposés. Il s’inquiète aussi du fait qu’à ce jour, aucune proposition n’a été faite sur les moyens pour financer toutes ces promesses telles que l’augmentation conséquente de la pension de vieillesse, l’allocation de Rs 100 000 aux chauffeurs de taxi pour le renouvellement de leurs voitures et le paiement de l’allocation chômage, entre autres. « Je crains fort que les consommateurs n'en fassent les frais à travers des taxes directes et indirectes, de même qu’une poussée inflationniste qui affectera le pouvoir d’achat des consommateurs. »
Les différentes propositions des partis politiques en faveur des travailleurs
Alliance Morisien
- Publication du rapport du PRB qui prendra effet à partir de janvier 2020 au lieu de janvier 2021.
- Révision du salaire minimum dès janvier prochain.
- Création de 10 000 emplois dans le secteur public pour les jeunes et incitation fiscale aux entreprises du secteur privé pour favoriser l’embauche des jeunes gradués pour une période minimale de trois ans. Mise en place d’un programme de formation/placement pour les jeunes de moins de 25 ans et qui ne peuvent trouver un emploi.
- Manuels scolaires et e-books aux étudiants du secondaire public jusqu’au grade 9
- Mise en place d’une assurance pour couvrir les policiers en fonction ; promotion automatique au grade de sergent après 20 ans de bonne conduite et paiement de Performance Bonus aux policiers, pompiers et gardiens de prison.
MMM
- Paiement d’une allocation chômage de Rs 5 000 par mois aux jeunes de 18 à 25 ans.
- Abolition de la taxe TV
- Allocation de Rs 1 000 par mois aux mamans d’enfants de 3 mois à 3 ans pour encourir les frais de crèche afin de leur permettre de prendre un emploi.
- Paiement du Performance Bonus selon les recommandations du PRB dans tous les départements de la Fonction publique à commencer par la force policière.
- Alignement immédiat de la pension de vieillesse sur le salaire minimum.
Alliance Nationale
- Augmentation du salaire minimum à Rs 10 000 par mois dès décembre 2019.
- Baisse de 25 % du prix de l’électricité à usage domestique et pour les PME dès décembre 2019
- Suppression de la taxe municipale pour les résidences.
- Augmentation de l’allocation de mauvais temps à Rs 500 aux pêcheurs dès 2020.
- Subventions allant jusqu’a Rs 15 000 par mois pour payer 50 % des salaires du premier emploi des jeunes âgés de 18 à 25 ans pendant 18 mois
- Révision des conditions de travail et des plans de carrière des policiers concernant les promotions et le paiement d’un Performance Cash Bonus avec effet rétroactif étalé sur deux ans.
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