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Motion présentée le 22 août 1967 : un brin d’histoire sur l’Indépendance de Maurice

Il y a 50 ans, Maurice faisait un nouveau pas vers son indépendance. Le 22 août 1967, sir Seewoosagur Ramgoolam présentait une motion pour la séparation de l’île de la Couronne britannique.

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Le divorce du pays avec l’empire britannique était inévitable car à ce stade, la majorité à l’Assemblée législative ne faisait que suivre les conclusions de la conférence de Lancaster de 1965. Or, la présentation de la motion allait favoriser les tensions qui existaient au pays jusqu’à atteindre l’embrasement social. Des historiens reviennent sur l’événement.

En tant que Majority Leader de l’Assemblée législative, sir Seewoosagur Ramgoolam devait présenter la motion conformément à la conférence de Lancaster de 1965. Il fallait ensuite organiser des élections. C’est le parti majoritaire qui allait présenter la motion. Les élections générales du 7 août 1967 faisaient figure de référendum.

D’un côté, l’Independence Party, mené par le Parti travailliste (PTr), l’Independent Forward Block (IFB) des frères Bissoondoyal et le Comité d’action musulman (CAM) de Razack Mohamed. De l’autre côté se dressait le Parti mauricien social-démocrate (PMSD) de sir Gaëtan Duval. Les bleus s’opposaient avec ardeur à l’indépendance. Après une campagne marquée par la psychose, comme le souligne l’historien Jocelyn Chan Low, le PMSD était parvenu à arracher 44 % des suffrages pour devenir une opposition solide.

Psychose

L’historien Jocelyn Chan Low et Sadassiven Reddy.

« Le discours de sir Gaëtan Duval témoigne de la détermination du PMSD à faire échouer le processus de l’indépendance », commente l’historien en se basant sur ce qui est rapporté dans le compte-rendu des débats du 22 août 1967 à l’Assemblée législative. Le PMSD est même allé plus loin, selon Jocelyn Chan Low. Il estime que les meetings servaient de moyens visant à semer la psychose parmi une partie de la société mauricienne. C’est cela qui est à la base du départ de milliers de Mauriciens vers l’Australie. Ces derniers craignaient l’hégémonie d’une autre partie de la population. Cette idée a pris de l’ampleur lors des débats du 22 août.

Lors de son discours, sir Seewoosagur Ramgoolam adoptait, lui, une attitude complaisante. Il prônait la conciliation. « Il tendait presque la main vers l’opposition pour rejoindre la majorité dans sa démarche pour l’indépendance », fait ressortir Jocelyn Chan Low. Or, cette motion n’était qu’une étape. La conférence de 1965 établissait déjà le parcours : la majorité présente une motion et vote en faveur. « L’indépendance était inévitable, bien que le PMSD parlât de révolution. » L’opposition finit par faire un walk-out avant la fin des débats et le vote eut lieu.

Sadassiven Reddy, historien, explique que le statut ultime de Maurice s’était déjà dessiné après les élections du 7 août 1967. Les résultats des élections annonçaient l’indépendance. Or, il fallait respecter l’accord de la conférence de Lancaster. « Il fallait passer la motion. » Elle allait être suivie par l’institution d’une Constitution intérimaire avant la signature de l’accord de scission six mois plus tard. L’historien relate que cette motion est intervenue car la stratégie de la majorité avait fonctionné. Le PTr avait conclu un accord électoral avec l’IFB et le CAM.

Climat de peur

Pourtant, le PMSD voulait que les élections se tiennent en 1966. La raison est que le PTr prenait une pente descendante. « Le parti avait perdu les élections municipales au début des années 1960 ainsi que les élections générales de 1963. Le PMSD était certain de remporter les élections si jamais elles se tenaient en 1966 », fait ressortir Sadassiven Reddy.

Il ajoute que la motion d’août 1967 avait été présentée dans un climat de peur et d’incertitude (se retrouver sans le soutien de l’empire britannique). Cette peur était alimentée par le groupe anti-indépendance. Mais le vote de la motion n’a pas empêché les rixes intercommunautaires avant l’indépendance. Selon Sadassiven Reddy, un député bleu n’était pas d’accord avec la posture du parti. Il s’agit de Joseph Jacques Yvon St-Guillaume, qui n’a pas fait de walk-out.

Exactement 203 jours après la présentation de cette motion, Maurice mettait au point le divorce avec la Grande-Bretagne. « La peur qu’ont engendrée les propos des politiciens contre l’indépendance nous a coûté beaucoup en termes de Mauriciens qui sont partis vers l’Australie », conclut l’historien.

La motion a abouti à l’indépendance du pays et à la réunification du PMSD et du PTr en 1969. Il s’agissait d’une stratégie politique des deux partis avec la bénédiction de la France et des industriels mauriciens. Comme l’explique Jocelyn Chan Low. Il fallait que Maurice intègre le Marché commun pour lancer l’économie. Selon Xavier-Luc Duval, le PMSD a eu un rôle important à jouer. « Sir Gaëtan Duval avait une vision pour Maurice. Il a mis de côté les différences pour travailler à bâtir le  pays. »

Dans six mois et 17 jours, le pays fêtera les 50 ans de son accession à l’indépendance. Les stratégies politiques et alliances stratégiques continuent à faire partie du paysage. Pour le bien du pays, selon les politiciens.

 

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