Vingt-trois ans après le meurtre de Vanessa Lagesse, le 9 mars 2001, le verdict sera enfin prononcé ce jeudi 27 juin 2024. Accusé de « manslaughter », l’homme d’affaires Bernard Maigrot plaide non coupable. Le procès s’est étalé du 20 mai au 25 juin 2024. Ce jeudi, le juge Luchmyparsad Aujayeb fera son « summing up » avant que les neuf jurés ne se retirent pour délibérer. Retour sur les témoignages et les points saillants de ce procès qui marquera la justice mauricienne.
Vanessa Lagesse : une styliste à succès
Me Darshana Gayan, Senior Assistant Director of Public Prosecutions, a décrit Vanessa Lagesse comme une styliste à succès qui avait un brillant avenir. Une femme indépendante qui a trouvé la mort de façon brutale en 2001. Pour Anne Rogers, sa soeur cadette était une personne généreuse, pleine de vie et passionnée par son travail. Sa sœur, a-t-elle ajouté, n’avait pas d’ennemis.
Bernard Maigrot : sa relation avec Vanessa Lagesse
En 1993, Bernard Maigrot et Vanessa Lagesse ont entamé une relation amoureuse qui a perduré pendant plusieurs mois. L’homme d’affaires a même quitté le domicile conjugal pour louer une maison à Trou-aux-Biches pendant un mois, où Vanessa Lagesse venait le rencontrer. Par la suite, il a mis fin à cette relation pour se remettre avec son épouse, Isabelle Maigrot. Vanessa aurait respecté cette décision, mais ils sont restés en contact en raison des sentiments qui les liaient.
Le 6 mars 2001, Bernard Maigrot a vu Vanessa Lagesse pour la dernière fois, au domicile de celle-ci. Ce jour-là, ils ont eu des relations sexuelles. Le jour du meurtre de la styliste, l’homme d’affaires a affirmé qu’il était sorti en famille pour un dîner à Grand-Baie, et ce n’est qu’à 1 heure du matin qu’il est rentré chez lui, à Cap-Malheureux. Le 10 mars 2001, il a appris la mort de Vanessa Lagesse et a déclaré qu’il avait été choqué par la nouvelle, tout en maintenant qu’il n’avait rien à voir avec son décès
Une relation amoureuse « compliquée »
En Cour, Anne Rogers a évoqué la relation entretenue par sa défunte sœur avec Bernard Maigrot. Selon elle, cette relation était « longue et intermittente, marquée par plusieurs ruptures et reprises en raison de la situation de Bernard Maigrot ». La famille désapprouvait cette liaison, et Anne Roger avait exprimait sa méfiance envers l’homme d’affaires. La complexité de cette relation résidait dans sa nécessité d’être dissimulée. De plus, selon elle, sa sœur Vanessa Lagesse semblait profondément perturbée par cette situation, au point de perdre du poids, ce qui préoccupait toute la famille quant à son état de santé.
Isabelle Maigrot soutient l’alibi de son époux
Les déclarations d’Isabelle Maigrot, le 27 octobre 2007, au cours de l’enquête préliminaire instituée dans cette affaire, ont été lues en Cour. Elle était revenue sur la soirée du 9 mars 2001. Après le dîner à Grand-Baie, la famille s’était rendue chez les Desmarais, à Péreybère. Ils avaient quitté les lieux vers 00 h 45 et étaient rentrés chez eux, à Cap-Malheureux, à 1 heure du matin.
Martine Desmarais : «Bernard Maigrot s’était effrondré en apprenant la mort de Vanessa Lagesse»
Martine Desmarais est l’amie de longue date de Bernard Maigrot. Elle avait confirmé l’arrivée de la famille Maigrot chez elle aux alentours de 22 heures le 9 mars 2001. Les Maigrot, selon elle, avaient quitté son domicile vers 00 h 45. Elle avait décrit la réaction de l’homme d’affaires en apprenant la mort de Vanessa Lagesse, le 10 mars 2001. Ce dernier, souligne-t-elle, s’était pris la tête entre les mains et s’était effondré sur sa voiture.
Le Dr Satish Boolell : «Vanessa Lagesse a été étranglée»
L’ancien médecin légiste en chef de la police, le Dr Satish Boolell, a attribué la cause du décès de Vanessa Lagesse à une fracture et une dislocation de la colonne cervicale. Il a ajouté qu’elle portait une marque de ligature au cou. Pour lui, la styliste a été étranglée avec une corde par derrière alors qu’elle avait les bras immobilisés par son haut. Il a établi que l’heure du décès de Vanessa Lagesse serait entre minuit à 2 heures du matin le 10 mars 2001. Par ailleurs, le Dr Satish Boolell a révélé que la défunte avait l’os nasal fracturé et avait saigné abondamment. Elle avait également les côtes fracturées et des blessures aux lèvres et à la tête.
Professeur Christian Doutremepuich : l’ADN de Bernard Maigrot sur un drap
Le Professeur Christian Doutremepuich a soumis quatre rapports. Il a expliqué, au cours de son témoignage, que deux profils ADN inconnus, soit un masculin et un féminin, hormis celui de Bernard Maigrot, ont été découverts chez Vanessa Lagesse. L’ADN féminin inconnu était mélangé à celui de la victime. Cet ADN, dit-il, a été décelé sur deux pièces à conviction, soit un pantalon et un haut grenat qui étaient entachés de sang. Quant au profil ADN masculin inconnu, il a été découvert sur trois pièces à conviction : un drap, une serviette de couleur blanche entachée de sang et un T-shirt de couleur rose. Il a aussi dit avoir prélevé l’ADN de Vanessa Lagesse et de Bernard Maigrot sur un drap.
Les deux experts de la défense apportent un éclairage sur l’ADN
Le Dr Susan Pope, titulaire d’un doctorat en biochimie, a souligné que l’ADN est devenu un élément complexe et déterminant dans les affaires criminelles. Elle a examiné trois rapports du Professeur Doutremepuich et a confirmé que les analyses de ce dernier avaient été effectuées conformément aux normes accréditées. Elle partageait également l’avis du Professeur Christian Doutremepuich concernant la présence de l’ADN de Vanessa Lagesse et de Bernard Maigrot, ainsi que les profils d’ADN inconnus trouvés sur les pièces à conviction.
Cependant, étant donné la quantité minime d’ADN recueillie et les éléments limités obtenus, les conclusions ne permettent pas d’établir précisément l’heure et les activités qui ont eu lieu sur la scène du crime. De plus, il est impossible de déterminer comment l’ADN a été transféré avant ou au moment du crime.
De son côté, le professeur Christophe Champod, expert en « Forensic Science », a souligné que les preuves ADN sont neutres et ne fournissent pas d’indications sur le mode de leur transfert. En raison de la très faible qualité de l’ADN de Bernard Maigrot, il estime qu’il est impossible de déterminer ses activités.
Ils ont dit…
La plaidoirie de Me Darshana Gayan, Senior Assistant DPP
- Les cinq éléments clés de la poursuite dans cette affaire sont la relation entre Bernard Maigrot et Vanessa Lagesse, le rapport médico-légal, l’enquête policière, les incohérences dans la version de Bernard Maigrot et l’ADN.
- Les proches de Vanessa Lagesse n’approuvaient pas la relation de celle-ci avec Bernard Maigrot.
- Les conclusions du Professeur Christian Doutremepuich
- L’alibi de Bernard Maigrot n’est pas fiable.
- La mort de Vanessa Lagesse remonterait entre minuit à 2 heures du matin le 10 mars 2001, selon le médecin légiste.
- Bernard Maigrot avait pu se rendre chez Vanessa Lagesse après qu’il est retourné chez lui à 1 heure du matin.
- Pour elle, la poursuite a établi l’accusation de « manslaughter » contre l’homme d’affaires.
La plaidoirie de Me Gavin Glover, Senior Counsel
- Pas un cas ordinaire
- Des témoins morts, d’autres introuvables, certains n’ont pas pu témoigner avec certitude vu le temps écroulé, soit vingt-trois ans
- En 2001, il n’y avait pas d’ADN
- L’enquête de la police menée de façon aléatoire
- Cette affaire est truffée de doutes
- La poursuite n’a pas établi le mobile du crime à ce jour
- Bernard Maigrot n’a pas pu être présent sur les lieux au moment du crime car son alibi tient la route
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