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Martine Hennequin: «Le VIH/Sida ne tue pas...»

Prema Ramdeean et Martine Hennequin
Quel encadrement psychosocial pour les personnes vivant avec le VIH/Sida ? La question a été abordée dans Xplik ou K Santé mardi. Radha Rengasamy-Jean Louis recevait Prema Ramdeean, infirmière à la Aids Unit, et Martine Hennequin, responsable de l’unité des services communautaires chez PILS. À septembre 2015, Maurice comptait  officiellement 6 284 malades atteints du VIH/Sida, dont 2 872 personnes sont sous traitement. Ainsi, fait d’emblée ressortir  Prema Ramdeean, le nombre officiel de personnes vivant avec le VIH/Sida ne traduit pas la réalité. Selon elle, pour avoir une idée du nombre réel de personnes atteintes, il faut multiplier ce chiffre par cinq, voire dix. D’ailleurs, c’est ce que préconise l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Actuellement, pour chaque groupe de quatre hommes porteurs du virus, il y a au moins une femme qui est infectée. Chez les jeunes, en 2014, il y avait 12 filles et 17 garçons infectés, dit l’infirmière qui est postée à la Aids Unit.

L’importance du dépistage

Martine Hennequin partage l’avis de Prema Ramdeean. « Non seulement, tous ne se font pas dépister, mais ceux qui ont été testés positifs arrêtent le traitement », dit-elle. Pourquoi les personnes infectées arrêtent-elles le traitement ? « Il y a encore beaucoup de stigmatisation. Le regard de l’autre fait peur. Ainsi, beaucoup sont en train de ‘drop out’ du programme de réduction de risques pour retomber dans la dépendance à la drogue », indique Martine Hennequin. Toutetois, tout n’est pas perdu. Selon Prema Ramdeean, la bonne nouvelle, c’est que les jeunes commencent à se rendre compte de l’importance de se faire dépister. Elle cite le cas récent d’un jeune homme venu faire un don de sang mais qui, juste avant, a décidé de faire un test de dépistage afin de s’assurer qu’il n’avait pas le VIH/Sida. Martine Hennequin ajoute que les gens doivent être motivés et « mis en confiance » pour faire le test. Ils ont « besoin de confidentialité, d’un espace protégé ». Elle indique que la caravane de PILS est, dans cette optique, un outil très important pour le dépistage et la prévention. « Il faut que les gens se sentent protégés, à la fois des regards et du stigmate », souligne-t-elle.

Stigmatisation

Comment lutter contre la stigmatisation ? « Dans la réalité, il y a un conflit entre les lois existantes : la HIV & Aids Act et la Dangerous Drugs Act. Sur le terrain, des gens ont peur parce qu’ils peuvent avoir des problèmes avec les représentants de l’ordre s’ils ont sur eux des préservatifs ou des seringues. Cependant, quand quelqu’un est enregistré au programme d’échange de seringues, il n’est pas supposé avoir de problèmes avec la police s’il est en possession des seringues », explique Martine Hennekin.

Cercle vicieux

Elle ajoute que ce sera un long processus avant que les gens ne changent leur regard sur les personnes vivant avec le VIH/Sida. « Ce sont des êtres humains qui ont les mêmes droits que vous et moi. Ils ont besoin de plus de compréhension de la part de la société et des autorités. D’autant qu’ils font partie des gens au plus bas de l’échelle sociale. Ce qui nous chagrine, c’est que les personnes qui sont dans une situation précaire sont ceux qui subissent toutes sortes de problèmes. Elles sont tombées dans un cercle vicieux et n’arrivent plus à s’en sortir. Ces gens doivent lutter sur tous les fronts. L’absence d’un certificat de caractère ajoute à leurs problèmes et ils n’arrivent pas à trouver  d’emploi. Quand un problème se présente, vous pouvez faire face. Quand un deuxième se présente, vous continuez à lutter. Mais comment faire quand les problèmes se multiplient, la situation devient alors extrêmement compliquée », fait ressortir Martine Hennequin. Avec un suivi et le traitement appropriés, une personne peut vivre avec le VIH/Sida tout en ayant une vie stable sa vie. En outre, la société civile accorde tout son soutien sur le terrain et fait remonter les informations vers les services de santé.

Prise en charge

Quand une personne est testée positive lors du Outreach Program, un rendez-vous est fixé et elle est reçue au département concerné. Des tests de confirmation sont effectués et des conseils lui sont prodigués. « On lui fait comprendre qu’elle a le virus, mais que ce n’est pas la fin du monde. On ne fait rien pour effrayer la personne, car elle risque de ne plus revenir. Son dossier est préparé, avec tous ses bilans sanguins pris en compte. Son système immunitaire est vérifié. Dès lors, le suivi sera continu », explique Prema Ramdeean. Le VIH/Sida ne tue pas, souligne l’infirmière. « Ce sont les infections qui s’en chargent. » Martine Hennequin abonde dans le même sens, mais de préciser : « Le VIH/Sida ne tue pas... si la personne reste dans un cycle de soins ».  

Aide sociale

Qu’en est-il de l’accompagnement psychosocial ? « C’est un accompagnement, un soutien accordé à la personne atteint du virus ainsi qu’à sa famille. On leur donne des informations de base sur le VIH/Sida. On amène la personne vivant avec le virus à accepter son statut. Nous sommes aussi là pour l’écouter, l’aider à chasser sa peur, à évacuer ses sentiments de culpabilité, de honte, de colère… Nous l’aidons à faire le vide dans sa tête pour qu’il puisse accueillir les informations positives, essentielles pour son traitement », explique Martine Hennequin. Elle ajoute que la personne peut être référée au ministère concerné pour une aide sociale.

Distribution de la méthadone

Dans la foulée, Martine Hennequin a explicité la position de PILS concernant la distribution de la méthadone dans les postes de police. Elle s’interroge sur l’efficacité des actions ayant trait aux programmes de réduction de risque. Martine Hennequin dit attendre un signal fort du ministère de la Santé pour qu’il revoie sa politique par rapport aux personnes qui sont sous méthadone. La ligne de communication, dit-elle, n’est pas totalement coupée entre PILS et le ministère de la Santé. Elle évoque une «  communication quotidienne » avec le personnel du National Day Care Centre for Immunosupressant (NDCCI). « Quatre centres de NDCCI, c’est peu. Ce n’est pas adéquat et ne permet pas à un plus grand nombre d’avoir accès aux soins », fait-elle remarquer. Abordant le sujet du VIH/Sida en milieux carcérales, Martine Hennequin avance qu’il faut revoir la politique pour que les détenus puissent avoir accès aux soins offerts par PILS. « La prison dispose d’une Aids Unit, toutefois, nous souhaiterions que les autres partenaires s’engagent dans ce sens », laisse-t-elle entendre.
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