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Manque d’encadrement : des jeunes qui quittent un foyer d’accueil livrés à eux-mêmes

Des directeurs des écoles maternelles du privé attendent ses conditions pour savoir s’ils se joindront à cet élan.
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Quelles structures pour les enfants qui doivent quitter les foyers d’accueil à 18 ans ? C’est ce qu’a voulu savoir la députée Joanna Bérenger au Parlement le mardi 6 juin. Si d’un côté, la ministre de l’Égalité des genres Kalpana Koonjoo-Shah est d’avis qu’à partir de 18 ans, un enfant est un adulte et ainsi, il a le droit à l’autodétermination, tel n’est pas l’avis de Dominique Chan Low et de Mélanie Vigier de La Tour-Bérenger.

Kalpana Koonjoo-Shah.
Kalpana Koonjoo-Shah.

Le débat a débuté au Parlement le mardi 6 juin et suscite l’indignation des travailleurs sociaux et organisations non-gouvernementales (ONG). Ces derniers s’insurgent contre le manque d’encadrement et de structure pour les jeunes de 18 ans, contraints de quitter les foyers d’accueil. Dans une question adressée à la ministre de l’Égalité des genres Kalpana Koonjoo-Shah, la députée Joanna Bérenger du Mouvement militant mauricien (MMM) a fait un constat : il n’y a pas de véritables structures d’accueil de l’État pour l’accompagnement des enfants qui doivent quitter un foyer d’accueil à l’âge de 18 ans. Ce qui est une grosse lacune, a fait comprendre la députée. Un point que soutiennent également Dominique Chan Low, responsable de la prévention et du plaidoyer à l’association Kinouété et membre du Kolektif drwa zanfan morisien (KDZM), et Mélanie Vigier de La Tour Bérenger, psychosociologue.

« De nombreux jeunes se retrouvent malheureusement à la rue une fois qu’ils atteignent l’âge de 18 ans, après avoir grandi dans un foyer d’accueil. Car le programme mis en place par le ministère de l’Égalité des genres ne fonctionne pas », affirme Dominique Chan Low. Par la suite, beaucoup de ces jeunes, particulièrement les garçons, se retrouvent en prison, après avoir été interpellés par la police pour « rogue and vagabond », soutient-il. Ces jeunes, issus de foyers d’accueil, n’ont pas la maturité nécessaire pour vivre seuls ou rejoindre une famille qu’ils ne connaissent pas, estime-t-il.

Mélanie Vigier de La Tour-Bérenger fait le même constat. Elle déplore que l’État se désengage de l’encadrement des enfants issus de foyers d’accueil lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans. « C’est un véritable problème, alors que l’État a un devoir de diligence envers eux. Or, il n’assume pas ses responsabilités », lance-t-elle. Elle explique que certaines organisations non-gouvernementales ou congrégations religieuses s’occupent des jeunes femmes, mais qu’en est-il des jeunes hommes. Avec quel soutien financier de l’État ? se demande-t-elle.

Dominique Chan Low.
Dominique Chan Low.

La psychosociologue s’interroge également sur la façon dont un jeune qui a passé sa vie dans un foyer d’accueil sans nécessairement recevoir des soins de qualité et sans avoir de liens avec les membres non-maltraitants de sa famille, peut être livré à lui-même à l’âge de 18 ans. Cela, avec un parcours de vie déjà fragilisé. « C’est déjà complexe à cet âge pour les enfants qui bénéficient d’un encadrement parental adéquat, sécurisant et aimant », dit-elle.

Dominique Chan Low déplore ainsi l’absence d’une structure appropriée permettant de continuer l’encadrement de ces jeunes qui ont grandi dans des foyers d’accueil pour des raisons légitimes. Il estime qu’il devrait y avoir une telle structure, afin que ces jeunes puissent continuer à grandir et à progresser.

Selon notre interlocuteur, approcher l’âge de 18 ans est source de stress pour les enfants vivant dans des foyers d’accueil, car ils savent qu’ils seront livrés à eux-mêmes par la suite. Certains d’entre eux échouent à l’école et ont du mal à trouver un emploi. Ainsi, de nombreux jeunes se retrouvent dans des situations précaires ou vivent dans une extrême pauvreté dès le début de leur vie d’adulte. Selon lui, l’État devrait continuer à encadrer les jeunes ayant grandi dans des foyers d’accueil, au lieu de les abandonner à l’âge de 18 ans. Il souligne que ces enfants ont été retirés de leur famille pour des raisons justifiées et ne devraient pas être livrés à eux-mêmes une fois qu’ils atteignent l’âge adulte.

Mélanie Vigier de La Tour-Bérenger
Mélanie Vigier de La Tour-Bérenger

Combien de « half-way homes » y a-t-il ? Gérées par qui ? Destinées à des jeunes de quel âge ? Quelle est leur capacité d’accueil ? Des détails sur les suivis et l’efficacité réelle des réhabilitations effectuées. C’est ce que réclame Mélanie Vigier de Latour-Bérenger, qui souhaite de la transparence dans les données réelles. Il y a un manque de travailleurs sociaux formés pour encadrer et soutenir les jeunes dans leurs démarches de réinsertion, selon elle.

« Il ne suffit pas d’avoir des structures, il faut également veiller à la formation des personnes travaillant dans les Correctional Youth Centres ou les Residential Youth Centres, ainsi que de toute personne travaillant avec des enfants et des jeunes », souligne-t-elle. Cela est absent des Budgets nationaux chaque année, fait-elle remarquer. « Comment est-ce possible que plusieurs de nos membres au KDZM entendent que des personnes sans-abri viennent des institutions de la République ? », lâche notre interlocutrice.

Elle plaide en faveur de l’accompagnement des parents. « Il faut un accompagnement à la parentalité dès la grossesse afin que les parents puissent s’occuper de leurs enfants avec plus d’informations sur les besoins fondamentaux des enfants, augmentant ainsi les chances que l’attachement créé avec l’enfant soit plus sécurisant », dit-elle.

Avec le nombre d’enfants qu’il y a dans la République de Maurice, seule une minorité d’enfants véritablement à risque devrait se retrouver dans des structures d’accueil et seulement en dernier recours, fait-elle ressortir. Notre interlocutrice estime que l’État mauricien devrait réussir à encadrer les enfants et les familles, avec environ 304 000 enfants. Il a la responsabilité d’investir dans une prise en charge réelle et de qualité pour tous les citoyens, notamment les enfants et les jeunes, selon elle.

Elle milite également pour un accompagnement individualisé, social et thérapeutique des enfants placés en institutions pendant cette période et après ; un soutien spécifique pour les aider à trouver un logement, une formation et un emploi, afin de garantir un réseau social solide (incluant des membres de la famille non-maltraitants) sur lequel ils peuvent compter, ainsi qu’un soutien financier sur plusieurs années. « Tout cela doit être mis en place avec une équipe de professionnels formés, compétents et engagés. Ce qui représente que quelques axes à investir pour assurer une véritable réhabilitation des jeunes », indique-t-elle.


52 enfants de 16 à 17 ans dans les Residential Care Institutions

52 enfants âgés de 16 à 17 ans ont été admis dans différentes Residential Care Institutions (RCI), a affirmé, au Parlement, la ministre Kalpana Koonjoo-Shah. Des plans de réintégration sont préparés pour ces enfants à partir de l’âge de 17 ans afin qu’ils soient réinsérés avec succès et intégrés dans la société. Selon la ministre, la scolarisation et l’acquisition de compétences occupent une place importante dans la prise en charge de ces résidents âgés de 17 ans.

Le ministère de l’Égalité des genres veille à ce qu’ils soient réintégrés dans leur famille, que ce soit la famille biologique, la famille proche ou leurs connaissances, qui étaient disposées à les accueillir. Toutefois, ceux qui ne peuvent être réintégrés dans leur famille sont placés dans des organisations non gouvernementales (ONG), qui ont pour mission de réhabiliter les jeunes adultes.
La National Children Council (NCC) a mis en place une série de programmes pour les enfants qui sont sur le point de quitter les institutions de soins résidentiels, afin de les préparer à leur réintégration dans la société. Selon la ministre, 34 enfants ont bénéficié de ces programmes de formation.

22 orphelins confiés à des ONG

Vingt-deux orphelins ont été confiés à des Organisations non gouvernementales (ONG) pour la période allant de 2021 à ce jour, comme l’a annoncé le ministère de l’Égalité des genres. Dans le cadre de leur placement en famille d’accueil, ils bénéficieront désormais d’une allocation mensuelle de Rs 12 000 au lieu de Rs 8 000. Le montant est de Rs 15 000 pour les enfants à besoins spéciaux. Cette mesure a été annoncée lors de la présentation du Budget 2023/2024.


Joanna Bérenger : « Une honte que le GM se dédouane de ses responsabilités en se reposant les ONG »

Joanna Bérenger Elle est catégorique. Les enfants qui quittent les foyers d’accueil ne sont pas adéquatement préparés pour affronter les défis de leur nouvelle vie. Selon Joanna Bérenger, une aide financière et un encadrement sont plus que nécessaires pour ces jeunes.

Quel est votre constat concernant les enfants qui grandissent dans des foyers d’accueil et qui ne disposent ensuite d’aucune structure appropriée pour les accueillir ?
Ils sont mal préparés à la vie d’adulte qui les attend et pas accompagnés pour affronter les défis de cette nouvelle vie. Si ces enfants se sont retrouvés à grandir dans un shelter, c’est logiquement parce qu’ils n’avaient pas de familles disposées ou capables de s’occuper d’eux malheureusement et aussi, entre autres, parce que l’Adoption Bill dort encore dans un tiroir.

Donc, lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans, la plupart d’entre eux n’ont pas de familles pouvant les accueillir et finissent à la rue, en essayant de trouver des petits boulots pour survivre, mais tout en étant très vulnérables et en proie aux fléaux de la société. C’est une honte que la ministre et le gouvernement se dédouanent de leurs responsabilités en se reposant totalement sur les Organisation non gouvernementales (ONG), qui sont complètement débordées et manquent de moyens.

Vous avez mentionné le placement de ces jeunes dans des « half-way homes » au Parlement, le mardi 6 juin, afin qu’ils aient au moins un toit. Dans une déclaration en 2019, l’Ombudsperson for Children, Rita Venkatasawmy, et Alain Muneean, directeur de la Fondation pour l’enfance-Terre de Paix, ont déclaré que ces structures n’avaient pas la cote. Que proposez-vous ? Comment ces « half-way homes » pourraient-ils fonctionner ?
Le gouvernement se plaît souvent à faire croire que l’opposition n’est là que pour critiquer, alors que nous accompagnons toujours nos critiques de suggestions. Il faut qu’ils soient à l’écoute de ces propositions et entendent réellement les propositions de la société civile et des ONG expertes en ce domaine.

Le Budget prévoit la construction de deux nouveaux « half-way homes » pour accueillir les enfants sortant du Correctional Youth Centre (CYC). Mais lorsqu’on sait qu’il n’y a actuellement que 10 enfants au CYC, dont quatre qui iront malheureusement en prison à leur sortie, cela signifie qu’il y aura logiquement de la place dans ces « half-way homes ».

Pourquoi alors ne pas les convertir en maisons d’accueil qui puissent accueillir ces jeunes qui doivent quitter les shelters et n’ont pas d’endroit où aller (après les foyers d’accueil) lorsqu’ils atteignent la majorité ? Au moins, cela leur enlèvera un poids en leur permettant d’avoir un logement et ils pourraient ainsi se concentrer sur autre chose et mettre leur énergie dans la recherche d’un emploi ou dans une formation adéquate plutôt que de traîner dans les rues. Mais une aide financière et un accompagnement de qualité par des travailleurs sociaux formés sont aussi cruciaux.

Quelle devrait être la responsabilité du ministère de l’Égalité des genres dans la prise en charge des enfants en détresse ?
Encore une fois, il faut revoir les priorités et investir davantage dans le bien-être de nos concitoyens plutôt que dans les grands projets d’infrastructures qui coûtent des milliards. La ministre pense que ces jeunes qui atteignent la majorité pourront s’en sortir avec les Rs 20 000 prévues dans le budget. Je ne sais pas dans quel monde elle vit.

Pour commencer leur vie d’adulte, ils ont besoin de soutien psychologique et de formations pour ensuite pouvoir trouver un emploi. Ils ont aussi besoin d’un logement pour ne pas finir dans la rue. Un accompagnement psychologique de qualité est ultra important d’autant plus que ce sont des jeunes adultes qui ont, pour la plupart, subi des traumatismes. Mais pour cela, encore faut-il que l’investissement nécessaire soit fait et, comme chaque année, le ministère responsable de l’enfant est l’enfant pauvre du Budget. Quel dommage que le gouvernement ne comprenne toujours pas qu’investir dans le bien-être de l’enfant, c’est investir dans l’avenir de notre pays.


Gratuité du préscolaire à partir de janvier 2024 : les modalités attendues 

Janvier 2024 marque le début de la nouvelle année, mais aussi le début de la scolarité gratuite du préscolaire au tertiaire. Les autorités travaillent sur les modalités qui permettront aux écoles du privé d’apporter leurs services. 

Les conditions d’opération des écoles privées à être parties prenantes de la politique du gouvernement sont attendues. Lors des célébrations du 55e anniversaire de l’Indépendance, le 12 mars, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, avait annoncé que le préscolaire sera gratuit. Cette dernière étape s’insère dans le cadre de la réforme éducative de la Nine-Year Continuous Basic Education de rendre gratuit tout le parcours scolaire, soit du cycle préscolaire au cycle tertiaire. Rappelons que depuis 2019, des mesures ont été prises pour rendre l’éducation supérieure gratuite dans tous les établissements publics. 

Lors de la présentation du Budget 2023-2024, le vendredi 2 juin, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy a soutenu que des fonds nécessaires seront déboursés pour rendre l’éducation accessible à tout le monde. Les directeurs des écoles maternelles du privé attendent ses conditions pour savoir s’ils se joindront à cet élan. Maryline, directrice d’une école privée payante à Vacoas, soutient : « Nous voulons offrir aux enfants un service professionnel, mais il nous faut savoir les conditions. Nous avons pensé que le Budget aurait donné des informations nécessaires, mais tel n’a pas été le cas. Nous sommes toujours en attente et nous sommes déjà au mois de juin. Les préparatifs pour la rentrée de janvier 2024 se font en ce moment… Sans les conditions du gouvernement, comment allons-nous avancer ? Nous offrons déjà diverses aménités aux enfants ».

En attendant l’annonce des modalités pour rendre le préscolaire gratuit, nous avons appris que la ‘Early Childhood Care and Education Authority’ (ECCEA) Act sera amendée. L’objectif est de garantir que les conditions d’emploi du personnel de ces écoles et les règlements soient respectés. Il s’agit aussi de renforcer les fonctions de l’ECCEA pour les inspections ; de traiter les plaintes qui pourraient survenir au sujet des écoles préprimaires ; de revoir la composition du conseil d’administration pour inclure un représentant de la Special Education Needs Authority (SENA) et prévoir la gestion et le salaire du personnel (enseignant et non enseignant), les frais de fonctionnement et l’achat de matériels ou de matériels pédagogiques.

En chiffres 

Le préscolaire pour la République concerne les enfants âgés de 3 à 5 ans. Ils sont au nombre de 19 602 à être admis au sein des 685 établissements du pays, dont 188 écoles publiques, 453 écoles privées payantes et 43 qui sont sous la responsabilité des municipalités et des District Councils. 

 

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