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Lucien et Vanita Finette : 24 ans d’écart, un amour sans âge

Mariés depuis seize ans, Lucien et Vanita Finette forment un couple uni par l’amour… et les épreuves.

L’amour n’a ni âge, ni frontière. Vanita et Lucien Finette en sont la preuve vivante. Une union née dans l’adversité, nourrie de tendresse, et restée intacte malgré l’exil, la pression, la politique.

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Ils ne se cherchaient pas. Et pourtant, ils se sont trouvés. C’était dans les bureaux du Mauritius Examinations Syndicate (MES), un lieu plus connu pour sa rigueur administrative que pour ses idylles naissantes. Lui, Lucien Finette, en était le directeur. Elle, Vanita, secrétaire confidentielle d’un haut cadre. Deux trajectoires que tout opposait – à commencer par 24 années d’écart – mais que le quotidien allait rapprocher. Aujourd’hui, 16 ans après leur mariage, l’amour du couple n’a pas pris une ride.

Ensemble, ils ont surmonté les plus rudes tempêtes, y compris l’exil forcé au Canada après les bouleversements politiques de 2015. « Nous ne ratons jamais une occasion d’exprimer notre amour », sourit Lucien Finette, consultant bénévole en éducation. À 77 ans, il arbore un visage serein, légèrement buriné par les épreuves, mais toujours illuminé lorsqu’il parle de Vanita et de son île natale, Maurice. À ses côtés, Vanita, 53 ans, hoche la tête, les yeux pétillants. Retour sur une histoire d’amour hors du commun… mais pas tant que ça.

Ce sont d’abord les compétences de Vanita qui attirent l’attention de Lucien Finette au MES. Sérieuse, efficace, discrète. Il finit par lui proposer de devenir sa secrétaire personnelle, sur la recommandation des responsables administratifs, lorsque ce poste se libère. Les longues journées de travail passées à préparer dossiers et réunions les amènent à mieux se connaître. Puis à s’apprécier. Lentement, mais sûrement.

« Vanita était une excellente secrétaire », se rappelle Lucien Finette. « Son élégance et sa discrétion ont fait le reste. » Vanita, elle, garde en mémoire un homme respectueux, à l’écoute : « Il m’écoutait. Il tenait compte de mon opinion. Je n’étais pas juste ‘la secrétaire’. J’ai découvert un esprit brillant et un grand cœur. »

Ce respect mutuel devient admiration. Puis, une évidence. L’amour s’installe. Réciproque, sincère. Mais impossible à vivre librement dans ce contexte professionnel. Lucien Finette, alors directeur du MES, se retrouve face à un dilemme moral. « Je ne voulais pas risquer sa réputation ni donner l’impression de favoritisme. » La solution, aussi simple que radicale : le mariage. Une décision « lourde d’implications », mais qui allait sceller leur union.

Pourquoi « lourde d’implications » ? « Si elle acceptait, notre mariage ferait de nous un couple reconstitué, chacun avec ses enfants. Et puis, nous venions de deux communautés différentes, une première pour nos deux familles. Heureusement, le Ciel nous a aidés : dans ma famille, personne n’a objecté. Du côté de Vanita, les réactions ont été plus partagées… mais avec le temps, les choses se sont apaisées », raconte Lucien Finette.

Différence d’âge

Vanita reconnaît ces moments difficiles. « Mais on n’a jamais capitulé. Au bureau comme dans la famille ou parmi les amis, il y avait certainement quelques-uns qui s’opposaient à notre union. On ne peut plaire à tout le monde, mais Lucien et moi étions résilients face aux obstacles. Nous avons surmonté ces épreuves, car nous savions que notre amour était plus fort et que nous voulions vivre ensemble. »

Entre Vanita et Lucien Finette, la différence d’âge - 24 ans - n’a jamais été un obstacle. « Ce qui compte, c’est la sincérité des sentiments », affirme Vanita. « Il y a toujours eu, hier comme aujourd’hui, des couples avec des écarts d’âge importants. La société n’y voit plus de scandale. J’ai grandi avec les exemples de mes grands-parents et de mes parents. Et si l’on regarde autour de nous, il y en a beaucoup d’autres : Charlie Chaplin, les présidents de la France ou des États-Unis, Céline Dion… Nous ne sommes certainement pas une exception. »

Ce qui fait la force de leur couple, c’est cette vision partagée du bonheur. « Le plus important, c’est l’amour qu’on se porte et la manière dont on conçoit le bonheur. Il faut se sentir bien dans sa peau, et savourer chaque minute de la vie, tout simplement », ajoute-t-elle.

Le mariage a eu lieu dans la sobriété : cérémonie civile, rituel hindou, bénédiction chrétienne. Familles, enfants, amis proches, tous étaient présents. Même Navin Ramgoolam, l’ami de Lucien Finette (voir encadré), et son épouse avaient répondu à l’invitation. « Je voulais donner à notre amour la reconnaissance qu’il méritait », dit Lucien Finette.

Une règle s’imposait : après le mariage, Vanita ne serait plus sa secrétaire personnelle. « Elle prendrait un long congé de trois mois pendant lequel on essaierait d’obtenir son transfert dans une autre institution », raconte Lucien Finette. Malgré les démarches, aucun transfert vers une autre institution ne sera possible. Elle rejoint finalement un autre service du MES. Une cohabitation professionnelle délicate qu’ils géreront avec retenue, sans jamais mélanger vie privée et fonctions publiques.

« Il fallait montrer que notre situation conjugale ne laissait aucune place à quelque privilège. Cette situation, quelque peu inconfortable parfois, a duré six ans, jusqu’en 2015. Mais, nous nous en sommes sortis sans reproche, du moins à ce qu’on croit. »

2015, le point de bascule

Tout bascule en 2015. Le climat politique change. Lucien Finette garde un souvenir amer de cette période. Il est abruptement remercié. « On m’a ordonné de ‘lev pake ale’. J’ai compris ce qu’était une nomination politique. » Il marque une pause . « C’était une déception terrible. J’avais toujours travaillé comme un professionnel, sans jamais céder à la partisanerie. »

Il se souvient encore de l’appel qui a tout changé, alors qu’il se trouvait au Canada : « En 1999, le Premier ministre d’alors, Navin Ramgoolam, m’a demandé de revenir au pays pour le servir. J’ai accepté sans hésiter, sans vraiment mesurer que je laissais derrière moi une carrière bien établie pour une aventure incertaine. Ce qui devait être une absence de deux ans du Québec s’est finalement transformé en plus de 15 ans. »

Avant de prendre la tête du MES, Lucien Finette avait été conseiller spécial du Premier ministre. Il s’était même présenté aux élections générales de 2000 sous la bannière travailliste. Mais c’est son passage au MES qu’il garde comme l’un des souvenirs les plus marquants de sa vie professionnelle. « C’est sans doute l’un des postes que j’ai le plus aimés… et, il faut bien le dire aussi, l’un de ceux que j’ai le plus regrettés », confie-t-il avec gravité.

Les journées étaient longues, la charge de travail lourde, les responsabilités immenses. « Il fallait tout superviser : la logistique, la confidentialité, la qualité académique… » Mais Lucien Finette assure que cette mission s’était imposée avec une certaine évidence. Fort d’une carrière universitaire brillante au Québec – où il avait gravi tous les échelons jusqu’à devenir professeur titulaire à l’Université Laval – il se sentait prêt. « L’administration a toujours été l’un de mes points forts. Je ne me suis jamais considéré comme un ‘nominé politique’. J’étais, tout simplement, un professionnel. »

Descente aux enfers

C’est dire si Lucien Finette a ressenti une énorme blessure. Son éviction n’a pas seulement mis fin à une carrière. Elle a ouvert une brèche dans leur quotidien. Vanita, elle aussi, en a payé le prix fort. « Elle est devenue la cible d’une véritable campagne de harcèlement et de victimisation sur son lieu de travail », dit-il, encore marqué. « Elle a même été convoquée au CCID, aux Casernes centrales. »

Les mots sont mesurés, mais leur poids est lourd. « Nous avons dû déménager », ajoute-t-il. « La localisation de notre maison était devenue un risque. On entendait des rumeurs troublantes, on recevait des ‘conseils’ déguisés en menaces. » Il baisse les yeux. « On vivait dans une atmosphère délétère. Nous ne nous sentions plus en sécurité. »

Pour Vanita, cette descente aux enfers se conclut par une décision radicale. Un sacrifice. « J’ai fini par démissionner après 27 ans de service. C’était la seule solution pour retrouver un peu de paix. » C’est avec beaucoup d’émotion qu’elle revient sur ce moment charnière. Son regard se voile quand elle parle du MES. Pour elle, l’institution n’était pas qu’un lieu de travail. C’était un pilier. « Comme beaucoup de mes collègues, qu’ils soient partis à la retraite ou toujours en poste, j’ai été profondément attristée de voir s’effondrer l’une des institutions les plus prestigieuses de notre système éducatif. »

Créée en 1984, bâtie sur la rigueur, le professionnalisme et une foi inébranlable en la méritocratie, cette institution avait longtemps été un modèle. « Pendant plus de trois décennies, elle a porté l’excellence, formé des générations, façonné des citoyens responsables. Ce que nous avions construit ensemble reposait sur la confiance et le respect. Voir cet édifice de valeurs s’effriter a été une épreuve douloureuse. »

Face à l’impasse, le couple prend une décision radicale : tout quitter. Direction : le Canada. « Nous sommes partis presque du jour au lendemain », raconte Lucien Finette. Il n’avait jamais imaginé devoir partir, et encore moins se sentir un jour inutile et vulnérable. Vanita précise, la voix posée : « Cette décision n’a pas été prise à la légère. Elle est née d’un profond besoin de changement, après une longue période marquée par la persécution, l’épuisement moral, et une perte totale de motivation dans mon emploi au MES. »

Un nouveau monde

À des milliers de kilomètres de chez eux, un autre monde s’ouvre. Lucien Finette esquisse un sourire : « Le Canada nous a accueillis à bras ouverts. Les gens étaient chaleureux, bienveillants. Nous avons découvert un autre rythme de vie, plus paisible, moins oppressant. »

Ils n’ont jamais oublié les épreuves traversées. Mais au lieu de les diviser, elles les ont rapprochés. « On parle beaucoup », insiste Vanita. Le dialogue est leur ciment. Lucien acquiesce : « Je pense qu’on célèbre l’amour chaque jour. Même lorsqu’on se dispute, on finit toujours par se dire “je t’aime”. »

Le couple est connu, dans son entourage, pour sa complicité assumée. « Certains trouvent qu’on en fait trop, qu’on se “pouponne” un peu excessivement », s’amuse Lucien Finette. « Mais c’est comme ça qu’on est. C’est notre manière d’aimer. » Vanita lui serre la main avec tendresse. Leur histoire n’a jamais été un long fleuve tranquille. Ils ont affronté les regards, la différence d’âge, les pressions, les tempêtes politiques, l’exil. Et pourtant, leur lien est resté intact. « Nous sommes deux, mais nous avons un seul cœur », murmure Vanita. Lucien sourit, ému : « Et ce cœur bat pour nous, mais aussi pour Maurice. »

L’appel de l’île, plus fort que l’exil

Malgré l’apaisement retrouvé au Canada, l’île Maurice n’a jamais quitté leur esprit. Car ce départ était un exil nécessaire, pas un choix de cœur. « Maurice, c’est notre pays. Même loin, on y pensait sans cesse. On ne l’a jamais oublié. »

C’est cet attachement viscéral à leur terre natale qui finit par les ramener, lorsque les dernières élections générales sont déclenchées. Impossible pour eux de rester à l’écart. « Il fallait qu’on revienne, qu’on fasse notre part », explique Lucien Finette. « Nous sommes rentrés pour soutenir mon ami et son équipe, pour contribuer, ne serait-ce qu’un peu, à ce changement que tant de Mauriciens espéraient. »

Sa foi en Navin Ramgoolam, son ami de longue date, est restée intacte. « J’étais convaincu qu’il avait toutes les qualités pour redresser le pays. Je le connais, je l’avais vu à l’œuvre. Son charisme s’était affirmé, sa culture politique est immense. Il se tenait informé, lisait beaucoup, pouvait discuter d’égal à égal avec n’importe quel chef d’État et défendre la voix de Maurice avec intelligence et fermeté. Il était, à mes yeux, l’homme de la situation. »

Les résultats du scrutin viennent conforter cette conviction. « J’ai été enchanté. C’était pour moi le signe d’un renouveau, d’un nouveau souffle pour notre pays. Un espoir réel de réformes profondes et indispensables pour l’avenir des générations futures. »

Malgré les années, les bouleversements, l’éloignement et les épreuves, Lucien reste profondément attaché à son île. « Je suis toujours attentif à l’appel du pays. Et je sais que je ne pourrai jamais lui rendre tout ce qu’il m’a donné. »

Avec Navin Ramgoolam, une amitié forgée depuis l’enfance

Au-delà des fonctions officielles, entre Lucien Finette et Navin Ramgoolam, c’est une vieille complicité qui s’est tissée bien avant leurs responsabilités respectives. « Je suis un ami d’enfance – et de confiance – de Navin et de sa famille », confie Lucien Finette avec simplicité. Il se remémore ces après-midis d’adolescent passés dans la maison des Ramgoolam : « Je fréquentais ses parents, sa famille. Les différences de communauté ou de religion n’ont jamais été un obstacle. Navin venait aussi souvent chez moi. Il connaissait chacun des membres de ma famille, et ma mère était toujours ravie d’accueillir mes amis. »

La maison familiale des Finette, à Plaine-Verte, était alors un lieu de rencontre chaleureux, un point de départ pour les escapades à vélo en fin de semaine. « Pour moi, il allait de soi de revenir un jour collaborer avec mon ami, au service de ce pays qui m’a tant donné. À l’époque comme aujourd’hui, les maîtres mots étaient : devoir et service. La confiance et l’amitié sont toujours restées le socle de notre relation. »
Les souvenirs remontent, teintés de gratitude. Lucien Finette se souvient avec émotion de sir Seewoosagur Ramgoolam : « Il m’avait toujours encouragé à poursuivre mes études. Je me rappelle encore sa fierté lorsque j’ai terminé premier à la Petite Bourse en 1959. »

Lady Sushil Ramgoolam, elle aussi, occupe une place spéciale dans sa mémoire. « Elle m’accueillait toujours avec chaleur dans son salon ou sa salle à manger. C’est chez elle que j’ai assisté au lancement de la télévision en 1965. »

Autant de liens tissés dans l’intimité, qui expliquent la solidité de cette amitié. « Vingt ans plus tard, lorsque l’occasion s’est présentée, il m’a semblé tout à fait naturel de revenir servir le pays à ses côtés », dit-il simplement.

Aujourd’hui encore, malgré l’éloignement géographique, le lien perdure. « Nous ne nous voyons plus aussi souvent qu’avant, mais nous restons en contact. On échange des nouvelles. »

Ajagen Koomalen Rungen et Azeem Khodabux

 

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