Economie

La méritocratie: quelle tendance ?

Le récent exercice de recrutement de médecins dans la Fonction publique a fait polémique. Des candidats qui se sentent lésés allèguent que la méritocratie n’a pas primé alors que les autorités soutiennent le contraire. C’est quoi la méritocratie ? Les recrutements se font-ils sur la base des qualifications académiques uniquement ? Un tour d’horizon sur ces questions. La méritocratie se définit comme un système de gouvernance ou d’organisation qui tend à promouvoir les individus dans la société en fonction de leur mérite démontré par leur investissement dans le travail, effort, intelligence, qualité ou aptitude. Dans les sociétés modernes en général, on considère les diplômes comme étant un bon révélateur du mérite. Par exemple, personne ne descend dans la rue pour protester contre le fait que les plus éduqués gagnent mieux leur vie.
La méritocratie demeure un idéal dont on ne peut pas se passer, selon Gavin Lung Kit, analyste. On ne voit pas très bien par quoi on pourrait la remplacer. Alors pour l’améliorer, il y a d’autres leviers. Il serait possible de multiplier les secondes chances, notamment par la formation continue. C’est une façon de donner aux gens des chances de se rattraper tout au long de leur vie. Une autre façon d’améliorer la méritocratie serait de diversifier les critères d’appréciation du mérite. Aujourd’hui, cette appréciation se fait essentiellement sur des critères académiques, mais on sent bien que c’est un peu étroit. On ne peut pas se passer du mérite parce que c’est ce qui nous motive.

Mehzabeen Fareedun: « Les employeurs cherchent bien plus qu’une qualification »

Cette jeune diplômée en journalisme pense qu’il n’y a pas assez de méritocratie à Maurice. « C’est très inquiétant pour les jeunes qui cherchent un emploi. » Toutefois, elle concède que les qualifications académiques à elles seules ne déterminent pas la méritocratie, car les employeurs recherchent d’autres qualités aussi importantes, notamment les talents, le multi-tasking et les valeurs sociales comme l’honnêteté.

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Les critiques

La principale critique faite à la méritocratie est qu’elle aboutit, malgré son principe initial égalitaire, à un renforcement des castes sociales. Ce sont, en effet, les élites en place qui définissent elles-mêmes les principes de reconnaissance du mérite. Le sociologue anglais Michael Young, qui aurait inventé le mot, a démontré dans The Rise of the Meritocracy (1958) que ceux qui ne vont pas à l’université forment une caste d’exclus, condamnés à des emplois subalternes, une grande partie d’entre eux étant des travailleurs non qualifiés. Beaucoup, notamment les immigrés, ne bénéficient pas de l’égalité des chances que sous-entend le « mérite ». En outre, pour Michael Young, lorsque les élites méritantes sont au pouvoir, elles se referment en s’arrangeant pour que leurs descendants aient de meilleures chances que ceux des classes inférieures, perpétuant ainsi un statu quo.

La promotion au travail

La promotion interne permet d’accéder à des fonctions et à un emploi d’un niveau supérieur, à une échelle de rémunération plus élevée et à de nouvelles possibilités de carrière. Pour prétendre à une promotion interne, l’employé doit remplir certaines conditions fixées par l’employeur ou les règlements en vigueur. Ces conditions peuvent être notamment des conditions d’âge, d’ancienneté, d’expérience ou de formation professionnelle. À Maurice, les promotions sont déterminées par deux principaux critères : l’ancienneté et le mérite. Mais l’ancienneté, considérée comme un droit acquis, surtout dans la Fonction publique, est privilégiée. La règle de l’ancienneté offre aux employeurs une norme objective et mesurable. Les anciens sont les plus expérimentés, ils savent gérer, trouver des solutions, former les plus jeunes et maintenir la stabilité des institutions. Mais l’ancienneté a aussi ses désavantages.

Naveena Awootar: « L’expérience compte »

Naveena Awootar, diplômée en Management et Marketing, craint qu’il n’y ait une absence de méritocratie, surtout dans la Fonction publique, où il peut y avoir une intervention politique. « Ceux qui sont mieux qualifiés peuvent être coiffés par d’autres moins bons. Mais il est aussi vrai que l’expérience compte également. »

Les désavantages de l’ancienneté

Avec le système de l’ancienneté, ce sont souvent des personnes âgées et qui prendront leur retraite dans les années qui suivent qui sont appelées à occuper des postes de hautes responsabilités. Cela ne veut pas dire que le candidat ayant le plus d’ancienneté n’est pas bon, mais il peut arriver que ses connaissances ne soient pas à jour face à la nouvelle technologie et la nouvelle culture du travail et il n’a peut-être pas le profil de l’emploi. Une personne qui approche la retraite ne sera pas motivée à apporter un changement drastique dans les opérations afin de les rendre plus efficaces, pour plusieurs raisons : elle veut terminer sa carrière en douceur ; elle ne veut pas prendre des risques avec une nouvelle politique ; elle ne voudrait pas laisser derrière des employés frustrés si les changements ne sont pas bien accueillis ; par contre, une personne plus jeune aura tout le temps et le loisir d’implémenter de nouveaux systèmes. Un autre problème avec le système d’ancienneté est qu’une personne qui a passé toute sa carrière entre les cloisons d’un bureau est souvent appelée un jour à diriger l’institution. Or, elle n’aurait pas la capacité de penser différemment. Par contre, un nouvel élément peut apporter des idées fraîches. Finalement, avec l’ancienneté, ce ne sont pas les qualifications ou autres attributs qui déterminent le choix d’un candidat. Ainsi, une personne mieux apte ne sera pas considérée.
 

Nivedita Nathoo: « Je choisis les meilleurs »

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Nous avons demandé à Nivedita Nathoo, femme entrepreneur, comment elle exerce la délicate tâche de recruter des travailleurs sans que les non-sélectionnés ne se sentent lésés. « C’est facile. Je recrute les meilleurs », dit-elle. « En tant qu’opérateur dans le privé, je ne subis aucune pression. C’est seulement les résultats qui comptent, et je dois embaucher celui ou celle qui va pouvoir offrir la meilleure performance. Après tout, c’est l’avenir de l’entreprise qui est en jeu et nous ne pouvons pas recruter pour faire plaisir à quelqu’un mais plutôt pour atteindre nos objectifs. » [row custom_class=""][/row]

Varsha Ghurbhurn: « La nouvelle culture d’entreprise privilégie la méritocratie »

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À notre question si elle a des doutes sur la méritocratie lors des recrutements, Varsha Ghurbhurn, Business Development Executive et aussi étudiante en MBA, répond par l’affirmative, car elle a été témoin des cas où des candidats ont été lésés. « La méritocratie, c’est quand les employeurs offrent des opportunités selon les compétences requises pour un travail. Je dois dire que la plupart des employeurs du secteur privé privilégient la méritocratie parce qu’ils opèrent dans un environnement en constante évolution et très compétitive ; de ce fait, ils ont besoin de talents pour pouvoir innover, alors les ‘recommandations’ ne marchent pas », dit-elle. Elle raconte qu’elle a vu des manquements au niveau de l’égalité des chances dans la Fonction publique, ce qui démotive les jeunes. « Beaucoup de jeunes, frustrés, ont été obligés d’accepter un boulot inférieur à leurs qualifications. Mais aujourd’hui, des sociétés internationales qui s’implantent à Maurice apportent une nouvelle culture d’entreprise. Les stratégies de recrutement évoluent. Les entretiens traditionnels cèdent la place à des événements comme les dîners, les soirées, les séminaires, etc. Les employeurs veulent plutôt voir comment les candidats interagissent avec les autres. Ils évaluent la personnalité des candidats. Ils ne s’intéressent pas aux certificats mais plutôt à la façon dont les candidats se présentent, conversent, agissent. De cette manière, c’est bien la méritocratie qui l’emporte, car seuls les candidats qui méritent vraiment seront les gagnants. » Tout comme nos autres interlocuteurs, Varsha Ghurbhurn conclut que les seules qualifications académiques ne suffisent pas, un candidat possédant d’autres attributs peut mériter mieux.
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