L’ancien Senior Chief Executive, Krish Ponnusamy, estime qu’il faut former ceux qui aspirent à être parlementaires et ministres. Ce qui permettrait d’avoir une classe politique de calibre et éclairée.
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Après les résultats des élections, avez-vous des remords pour avoir accepté la proposition d’être le vice-président de la République au cas où le MMM aurait accédé au pouvoir ?
Absolument pas. D’ailleurs, mon nom était cité après les élections 2014 comme candidat potentiel au poste de vice-président. À cette époque, on cherchait quelqu’un de la communauté tamoule. Ainsi, des amis de la communauté et d’autres communautés avaient suggéré mon nom de par mon parcours. Toutefois, le gouvernement a fait son choix. Comme tout citoyen, je suivais les élections. Le MMM m’a approché et je n’ai pas vu pourquoi je devais refuser si c’était pour mettre mes compétences au service du pays. Le leader du MMM, je le connais depuis longtemps en tant que fonctionnaire. J’ai travaillé avec lui avec la même loyauté comme avec n’importe quel ministre de n’importe quel bord politique. Quand j’ai travaillé avec Bérenger, il était Deputy Prime Minister et ministre des Affaires étrangères, j’étais déjà chef de Cabinet à ce ministère en 1995. Il a un style de travail qui fait plaisir, il travaille et lit beaucoup. C’est quelqu’un de dynamique. Bien des années après, la même personne me demande si je suis intéressé, je n’avais aucune raison pour lui dire non. D’autant plus que je n’ai plus d’attache comme lorsque j’étais fonctionnaire. Je ne regrette rien car la condition, c’était que le MMM remporte les élections. Je suis serein.
Avez-vous cru que le MMM pourrait remporter ces élections ?
Les échos étaient favorables. Toutefois, il faut bien remarquer que je n’ai pas fait de campagne comme candidat à la vice-présidence. Paul Bérenger pense beaucoup. Il nous a dit (à Swaley Kasenally et moi) puisqu’on avait été choisis pour deux postes constitutionnels qu’on devait « stay above the fray ». Je trouve cela très sage de sa part. C’est aussi le fait qu’à travers moi, le MMM reconnaisse la contribution des milliers des fonctionnaires qui ont travaillé pour le pays qui m’a fait accepter cette proposition avec gratitude et honneur.
Vous êtes désormais perçu comme un mauve. Cela vous gêne ?
Je dois dire que le MMM à travers son leader ne m’a pas demandé d’intégrer le parti en tant que membre. J’ai été reconnu pour mes compétences. Ce qui m’a plu, c’est le fait que le MMM avait pris la décision d’aller seul aux élections. La décision la plus courageuse prise par le parti. Ce qui a permis d’ouvrir l’horizon démocratique. Même si j’étais candidat au poste de vice-président, je suis resté moi-même et libre de mes opinions. J’ai de la gratitude pour le MMM qui a proposé mon nom même si je ne suis pas politicien.
Comment avez-vous accueilli la composition du nouveau cabinet des ministres ?
J’ai assisté à la formation de plusieurs Cabinets quand j’étais haut fonctionnaire. C’est un exercice habituel dans une démocratie. Le MSM et ses alliés, qui ont obtenu plus de la moitié des sièges au Parlement, forment légitimement le gouvernement et doivent choisir les compétences pour occuper les 24 fauteuils de ministres dans cette nouvelle majorité. Si certains pensent qu’à l’aspect ethnicité, homme et femme, moi j’y jette un autre regard. On ne prend pas en ligne de compte que ceux qui sont néophytes qui ont été élus et choisis ministres n’ont pas eu une formation avant les élections. Les partis politiques font du tort à la démocratie car ils n’ont pas une école de formation pour ceux qui accèdent aux postes importants. Je trouve donc la composition de ce Cabinet comme étant classique. Il n’y a pas d’innovation. Peut-être qu’il n’y a pas eu assez de temps. Donc on a opté pour le prêt-à-porter. La constitution du cabinet aurait pu être l’occasion pour le Premier ministre de revoir la structure des ministères.
Un bon ministre est bien préparé (…) Il comprend au fait l’action gouvernementale dans son ensemble..."
Sept néophytes nommés ministres, les hauts fonctionnaires auront du pain sur la planche pour les familiariser avec les rouages de la Fonction publique. N’est-ce pas ? Comment cela se passe ?
Les chefs du Cabinet leur prépareront un ‘brief’ de ‘A à Z’ pour expliquer le fonctionnement du ministère et leur donneront la ‘Staff List’ entre autres. Il faut également qu’il y ait des réunions avec le personnel hiérarchique ainsi que des discussions jusqu’à ce que le ministre prenne son envol. Tout se fait graduellement. Mais bien sûr il faut une cohésion entre le chef du Cabinet et le ministre. S’il y a de la méfiance et des mésententes, il y aura des obstacles.
Dans tous les secteurs, on met l’accent sur la formation sauf pour les politiciens. Du jour au lendemain, le commun des mortels est propulsé au sein de l’Exécutif. Ne faut-il pas une formation au préalable surtout pour les ministrables ?
Il faut un ‘Institute for Government’ pour la formation des aspirants parlementaires et ministres. C’est au fait un ‘think tank’ bien structuré qui fait non seulement la formation mais aussi des recherches, tout en opérant de façon indépendante. C’est avec ce genre d’institut qu’on a des politiciens de meilleur calibre. J’espère que cette suggestion tombera dans la bonne oreille. Dans des pays où on n’a pu mettre sur pied ce genre d’institut, on a misé sur le ‘Civil Service College’. À Maurice, on est en retard à ce propos. Cela aurait pu pallier au manque de formation afin d’aider nos jeunes politiciens à comprendre les finesses de la politique. On aurait eu une classe politique plus éclairée.
Qu’est-ce qui fait un bon ministre ?
Un bon ministre est celui qui est bien préparé. Il n’est pas cantonné dans un seul domaine. Il comprend au fait l’action gouvernementale dans son ensemble, passant par l’éducation au sport. Plus un ministre est préparé, mieux c’est. Pour cela, il y a des manuels et des cours.
Par contre les relations entre les ministres chevronnés et les hauts fonctionnaires sont plus tendues. Est-ce surtout dû aux tentatives d’ingérence politique ?
Il n’y a pas de « hard and fast rule ». On ne peut dire que c’est dans tous les cas ou qu’il n’y en a pas. C’est au cas par cas. Si le ministre et son chef de Cabinet connaissent chacun leur rôle et paramètres, il n’y aura pas de friction. Le système westminsterien prévoit qu’un ministre travaille avec un haut fonctionnaire. Le ministre est le Political Head et le chef de Cabinet l’Administrative Head. Les deux doivent travailler de pair. S’ils n’empiètent pas sur leurs platebandes, il n’y aura pas de problèmes.
Sous tout gouvernement, certains nominés politiques tentent d’intimider des fonctionnaires. Y a-t-il une instance pour les dénoncer ?
C’est dans les années 1990 qu’on a commencé avec la nomination des Advisers. Dans le système français, c’est permis voire souhaitable que le ministre vienne avec son Cabinet. On a donc mélangé le système westminsterien et le système français. Un ministre doit établir les fonctions de ses conseillers pour qu’ils ne marchent pas sur les platebandes des fonctionnaires et ne pas les antagoniser. S’il y a un laisser-aller, il y aura certainement du désordre. S’il n’y a pas d’instance pour gérer ce genre de cas, le ministre et le chef du Cabinet doivent pourvoir résoudre les problèmes.
Partagez-vous le constat des observateurs à l’effet que les hauts fonctionnaires sont de plus en plus malléables ?
Les fonctionnaires doivent agir selon les paramètres établis dans le manuel de code de conduite. Et ne pas franchir des lignes.
Cela vous intrigue qu’aucun gouvernement ne soit intéressé à venir de l’avant avec la Public Services Act qui tracera la ligne rouge entre fonctionnaires et politiciens ?
Quand j’étais à la Fonction publique, il y avait déjà une ébauche. C’était en 2004-2005. Je ne dirai pas que les gouvernements successifs n’ont pas trouvé cela intéressant. On a juste essayé de le peaufiner petit à petit. Entre-temps, les choses ont évolué, on a légiféré faisant que des points de cette ébauche sont devenus obsolètes. Je pense qu’on doit travailler avec beaucoup de doigté à ce sujet. Que voulons-nous au juste ? Une compilation des lois ? Une petite loi qui gère les fonctionnaires, une autre pour les ministres ? Il faut un débat dessus. Je ne dis pas cela méchamment. Il y a un nouveau ministre. Dès qu’il arrive, on ne peut pas lui donner les gros morceaux car il devra avant tout connaître les rouages de ce ministère. Ce qui prendra du temps.
Faut-il un ministère dédié à la bonne gouvernance ?
La bonne gouvernance doit être pratiquée dans tous les ministères. J’espère que tous les ministres comprennent que ce n’est pas juste un terme et qu’ils comprennent les implications.
Quels sont vos conseils aux nouveaux ministres ?
Ils doivent beaucoup lire, parmi la Constitution. Ils doivent comprendre le rôle d’un ministre. Ils doivent aussi comprendre les lois de leur ministère. S’ils n’ont pas une ‘Commanding Knowledge’, ils risquent de passer à côté de la plaque quand ils auront des questions à répondre. Il faut aussi que les ministres aient des réunions de travail avec leur personnel tout en respectant les paramètres. Puis, un ministre est celui qui donne une direction à son ministère. S’il n’a pas un sens de direction ou s’il se fie aux fonctionnaires, le ministère ne sera pas dirigé par lui comme le prévoit le système westminsterien.
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