Avec l’intention non voilée du gouvernement de venir de l’avant avec l’imposition d’un régulateur, la presse a intérêt à s’autoréguler pour éviter de subir le diktat d’une telle institution.
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Le gouvernement est en présence d’une ébauche d’un Freedom of Information Bill et le PM dit « croire dans les mérites d’une telle législation », sans toutefois donner un ‘time frame’ quand il sera présenté au Parlement. Enfin un tel projet de loi ?
Plus que le « time frame », ce qu’il faut savoir à ce stade, c’est le contenu de la législation proposée. Il y a une grosse confusion autour de la question. Une Freedom of Information Act n’est pas un privilège accordé à des journalistes, c’est un droit que réclame le citoyen. Le principe, qui nous vient des Etats-Unis, est que le citoyen, dans une démocratie, doit pouvoir accéder aisément à des informations et à des documents l’intéressant et détenues par les administrations publiques. Cette loi de la liberté d’information existe aujourd’hui dans près d’une centaine de pays. Le modèle varie, la Suède est très ouverte, la France plus restrictive. Il y a, bien entendu, des limitations légitimes, les questions de défense, de renseignements, de vie privée, de secret médical qui sont généralement exclues. Pour l’instant, nous ne savons rien de ce qui sera proposé.
Le PM a animé une rencontre avec les patrons de presse à huis clos vendredi. Le manque de communication a été déploré au niveau du PMO, bien que le chef du gouvernement ait une armada de conseillers. Opération ‘cooling down’ ?
Les relations presse-pouvoir sont naturellement conflictuelles et doivent le demeurer. Il en est ainsi dans toutes les démocraties. Mais l’exercice de ce contre-pouvoir doit se faire dans un cadre empreint de respect mutuel. Les dérapages de ces dernières semaines s’expliquent par deux facteurs : la tyrannie des micros et la fébrilité des dirigeants. Les radios privées ont changé la donne, elles vivent de bouts de phrases qu’elles cherchent à recueillir à tout bout de champ, les ministres sont trop prompts à répondre aux provocations. La parole d’un dirigeant doit être rare et maîtrisée. Un ministre ne parle que quand il a quelque chose à dire. Il n’est pas un animateur de radio. Il n’a pas, non plus, de comptes particuliers à rendre à des journalistes, même s’il doit répondre aux questions que les citoyens se posent.
Comment expliquer le fait que Pravind Jugnauth ait fait des sorties en règle contre la presse ces dernières semaines ?
Ce n’est rien de nouveau, il y a eu bien pire. Relisez vos archives de la période 83 ! Le ton est monté ces derniers temps parce que le gouvernement est déstabilisé par une série de revers qui nuisent à sa crédibilité. Cette faiblesse a enhardi certains journalistes qui se posent en inquisiteurs. Il est juste que l’on cherche, de part et d’autre, à revenir à un climat apaisé quand bien même antagoniste.
La probabilité d’une joute multipartite aux prochaines législatives est en train de se préciser »
Le PM a fait des allégations contre la presse à l’effet qu’elle serait de mèche avec la mafia de la drogue. Commentaires ?
Cela doit être un dérapage de plus, sinon le Premier ministre est coupable de complicité, puisqu’il n’a encore dénoncé personne à la police. Je ne sais si la délégation de journalistes qu’il a reçue a accueilli ses excuses…
Le porte-parole du gouvernement, Étienne Sinatambou, a annoncé que le gouvernement travaille sur l’institution d’un régulateur pour la presse. Serait-ce mieux qu’une autorégulation ?
Bien sûr que non ! Mais la presse finira bien par subir une instance de régulation portée par l’État, parce qu’elle a été incapable de s’autoréguler. Je me suis battu pendant des années pour inciter les journalistes à accepter le principe d’une autorégulation. Président du Media Trust, j’avais fait venir Kenneth Morgan, un consultant de la Thomson Foundation et ancien directeur du Press Council britannique, pour travailler sur un projet de Conseil de presse. Son rapport existe, il est toujours d’actualité, si la presse veut éviter le pire, elle doit s’autodiscipliner. Le consultant avait recommandé que la Media Trust Act, qui date de 1994, soit amendée pour inclure dans ses ‘objects’ la création d’un « voluntary Press Council ».
N’étant pas un homme de la presse traditionnelle. Chayman Surajbali, en tant que nouveau président du Media Trust, serait-il l’homme de la situation ?
Que non ! Ce n’est pas une critique de la personne de Monsieur Surajbali, mais cette nomination est contre l’esprit qui avait présidé à la création du Media Trust. L’idée était d’offrir à des journalistes « full-time », en particulier de la presse écrite, une plateforme pour assurer leur formation continue. Jusqu’ici, le Media Trust a été présidé par des journalistes de grandes et longues expériences. Les fonctions passées de Chayman Surajbali n’ont pas fait de lui un journaliste. Il y a aussi, en l’occurrence, une entorse à la loi qui prévoit que c’est le ministre de l’Information qui nomme le président ainsi que les autres membres du conseil d’administration du Media Trust. Et, dans la pratique, le ministre entérinait le choix des journalistes.
La justice indienne vient de donner un jugement concernant la protection de la vie privée en général, mais aussi celle des hommes publics. Devrait-on amender notre Constitution pour inscrire une telle protection avec certaines dérogations précises ?
Ce jugement de la Cour suprême indienne est un document de 547 pages que je n’ai pas lu. Je ne sais pas dans le détail ce qu’il implique vraiment, mais à priori il vise à établir que la vie privée est un droit fondamental garanti par la Constitution. Le principe me semble moderne et progressiste. Les juges indiens ont estimé que ce droit est implicite dans la Constitution indienne.
Venons-en à la partielle au No 18 : le Mouvement 1er-Mai et le Mouvement patriotique ont lancé un appel pour un candidat unique de l’opposition. Est-ce pour éviter de s’entre-tuer ?
J’aurais trouvé l’idée d’une candidature unique de l’opposition politiquement valable si elle devait se trouver face à un candidat de la majorité gouvernementale. Si tel n’est pas le cas, je ne vois aucun intérêt à fermer le jeu politique. Je pense, au contraire, que cette partielle nous offre une bonne occasion d’évaluer le rapport de forces électorales, les partis traditionnels et ceux qui tentent d’émerger. Quatre-Bornes est une circonscription-laboratoire qui peut nous offrir des clés pour mieux anticiper, d’autant plus que la probabilité d’une joute multipartite aux prochaines législatives est en train de se préciser, on va peut-être échapper à l’éternelle confrontation bloc contre bloc.
La parole d’un dirigeant doit être rare et maîtrisée. Un ministre ne parle que quand il a quelque chose à dire. Il n’est pas un animateur de radio »
Est-ce que le gouvernement devrait contester cette partielle, si non, pourquoi ?
Je ne vois vraiment pas quel est l’intérêt du gouvernement d’y participer, en revanche je vois parfaitement les risques. S’il se présente, il rendra pertinente la question d’une candidature unique de l’opposition.
L’introduction du Metro Express à Maurice fait des vagues. Votre avis sur la question ?
Je suis totalement favorable à la modernisation du réseau de transport public. Vous savez depuis quand cette idée a été émise ? 1976 ! Dans le discours du Trône d’alors. Je suis persuadé que ce système de train léger sur rails – je ne sais pourquoi on l’appelle métro qui est surtout souterrain - engendra des bénéfices économiques pour tout le pays. Le gouvernement n’a pas su les présenter au public, les gains de temps pour des milliers d’usagers, l’amélioration de l’environnement, l’embellissement urbain, l’impulsion de nouvelles activités commerciales autour des gares. La modernité d’un pays se mesure largement par la qualité de son système de transport en commun.
Quel constat faites-vous de la gestion de la relocalisation et de l’expulsion de certains habitants logeant sur le tracé du Metro Express ?
Les déplacements et les relocalisations sont hélas inévitables. On peut comprendre cependant les déchirements de certains habitants. L’État doit les traiter avec la plus grande humanité.
La compagnie MSC, l’un de nos plus gros clients, menace de quitter Maurice relativement à une baisse dans notre productivité concernant le débarquement et l’embarquement de conteneurs. Quel effet pour ce secteur ?
Ce serait désastreux. La navigation commerciale mondiale est en pleine évolution. La concurrence est vive entre les compagnies et les ports. Dans la région, Port Louis est concurrencée par un nombre grandissant de ports qui se modernisent. Tamatave pourra recevoir bientôt le plus long porte-conteneurs du monde, Port Réunion est engagé dans un vaste projet de redimensionnement et de modernisation.
Seriez-vous tenter par un retour dans la presse ?
Je ne suis pas vraiment parti…
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