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Jacqueline Sauzier : «Notre souveraineté alimentaire doit devenir une priorité pour le pays»

La sécurité alimentaire devrait-elle devenir une priorité plus importante pour le pays ?

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Je mettrais un petit bémol dans ma réponse. Oui, la sécurité alimentaire est, en effet, importante pour le pays, la sécurité alimentaire étant la capacité d’un pays à fournir à manger à sa population que ce soit produit localement ou importé. Mais c’est plutôt notre souveraineté alimentaire qui doit devenir une priorité pour le pays : c’est-à-dire notre capacité à produire localement ce que nous consommons. Nous l’avons vu lors de la pandémie de Covid-19 avec la fermeture des frontières, mais aussi avec la guerre en Ukraine qui a bouleversé les flux de production de divers pays. Nous sommes vulnérables. Nous importons beaucoup de nos produits destinés à notre alimentation directe, mais aussi à l’industrie agro-alimentaire pour la transformation. Au premier trimestre de 2024, le chiffre de l’importation alimentaire a dépassé Rs 12 milliards. Nous devons rapidement identifier quels sont les produits qui peuvent être mieux produits localement et mettre en place un mécanisme de substitution efficient et viable.

Quelles actions peut-on prendre pour produire davantage de nourriture localement et réduire notre dépendance aux importations, en particulier pour les produits de base ?

D’abord, il faut avoir un plan stratégique agricole qui soit travaillé avec tous les acteurs et dont les objectifs et les actions sont montés ensemble et connus de tous. Cela veut dire travailler ensemble pour encourager la production, faciliter l’accès aux technologies pour la transformation et le stockage et surtout encadrer les producteurs. Le vieillissement de la population agricole, le manque de main d’oeuvre criant, le manque de planification couplé à une compétition parfois injuste avec des importations, provoquent une grande détresse des producteurs locaux quelle que soit leur taille. Il y a de quoi avoir quelquefois envie d’abandonner ses terres. Il faut attaquer le problème à la base : savoir qui produit quoi et où et mettre en place un market information system pour une planification entre les producteurs. La climatologie du pays implique de la saisonnalité sur une grande partie de nos productions, donc l’importation est un mal nécessaire, sauf s’il y a
des investissements consentis dans le stockage et la transformation.

L’autre action possible à mettre en place pour réduire notre dépendance aux importations, c’est de changer nos habitudes alimentaires : avec l’engagement de chacun de consommer que des produits locaux et de saison, même moches, notre production ne peut qu’être améliorée et notre facture d’importation réduite. Par
exemple : la pomme de terre est produite dans le pays du mois de juillet à décembre. Si chacun s’engage, en entre-saison, à consommer de la patate douce, du manioc ou de l’arouille, il n’y a pas lieu d’importer quelque 10 000 tonnes de pomme de terre en entre-saison. Et le même exercice peut être proposé pour des fruits : au lieu de manger des pommes, des poires, des oranges ou des raisins qui sont tous importés, mangeons de la papaye, de la banane, de la goyave en saison, des mangues, des letchis ou de l’ananas local. Nous sommes tous responsables, producteurs et consommateurs.

Comment la Chambre d’Agriculture de Maurice aide-t-elle les agriculteurs à adopter des méthodes modernes et écologiques, telles que l’hydroponie et l’agriculture biologique, afin d’augmenter la production ?

La Chambre d’Agriculture de Maurice a initié le projet Smart Agriculture en 2015. Ce projet met l’accent sur l’adoption de pratiques agroécologiques en utilisant comme axe d’amélioration principal la réduction des intrants chimiques et des pesticides par les agriculteurs. Un projet pilote avec 13 bénéficiaires a permis d’établir que la transition vers une agriculture saine est possible. Les planteurs accompagnés par la Chambre ont su maintenir leur niveau de revenu tout en réduisant de 57 % le taux de pesticides utilisé sur sept cultures, entre 2020 et 2022. Il faut savoir que ce projet vise principalement à accompagner la culture en
pleine terre tout en protégeant le sol à travers plusieurs pratiques.

L’autre action possible, (...) c’est de changer nos habitudes alimentaires, avec l’engagement de chacun de consommer que des produits locaux et de saison, même
moches"

De plus, avec le Regional Training Centre (RTC), la Chambre a mis en place des formations destinées à ceux désireux de se tourner vers l’agriculture : Starting your Journey in Agriculture. Entre 2022 et 2023, une centaine de personnes ont obtenu les bases nécessaires pour les familiariser aux pratiques agricoles ou d’élevage. Nous misons sur l’accompagnement, la formation et l’encouragement. Maintenant, à chacun de collaborer pour encourager la production.

Nous poussons pour qu’il y ait une planification pour une production alimentaire intelligente et saine"

Quelles mesures peuvent être mises en place pour améliorer le stockage et la distribution des aliments produits localement, réduisant ainsi les pertes et assurant une disponibilité constante ?

Réduire les pertes dans le circuit agricole de production est à faire sur quatre axes. Le premier, améliorer les pratiques culturales permettant une durée de vie améliorée. Le second, mettre en place une planification de la production pour éviter des surplus de production suivie de désert de production, mais aussi de planifier les importations quand et uniquement quand c’est nécessaire. Le troisième, installer des unités de stockage et de transformation à travers l’île, proches des zones de production. Et quatrièmement, mettre en place une politique agricole qui protège les producteurs contre les aléas climatiques, les voleurs et les intermédiaires qui souvent dictent les prix.

Quel les init iat ives la Chambre d’Agriculture de Maurice a-t-elle déjà lancées pour améliorer la sécurité alimentaire à Maurice ?

Outre les propositions budgétaires portées par la Chambre d’Agriculture au moment des consultations annuelles avec le gouvernement et le ministère des Finances, la Chambre siège au sein de plusieurs conseils dont l’Agricultural Marketing Board, le FAREI ou le Small Farmers Welfare Fund. À travers les aspects de collaboration menés au sein de ces corps paraétatiques, la Chambre soutient les initiatives proposées pour améliorer notre souveraineté alimentaire. Notre but est de produire efficacement pour éviter des surplus d’un côté et des pénuries de l’autre, pour ne pas avoir comme résultats des importations « inutiles » d’une part et des gaspillages d’autre part. Nous poussons pour qu’il y ait une planification pour une production alimentaire intelligente et saine. L’autre action possible, (...) c’est de changer nos habitudes alimentaires, avec l’engagement de chacun de consommer que des produits locaux et de saison, même moches... Nous poussons pour qu’il y ait une planification pour une production alimentaire intelligente et saine.

  • LDMG

 

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